Fil d'Ariane
Le président Donald Trump a publiquement intimé sur Twitter à l'ex-directeur du FBI James Comey de ne pas faire fuiter d'informations dans la presse sur les circonstances confuses de son limogeage : "James Comey ferait bien d'espérer qu'il n'existe pas d'enregistrements de nos conversations avant de commencer à faire des révélations à la presse!", a tweeté Donald Trump vendredi matin, en employant le mot de "leaks", ces fuites qu'il déteste particulièrement.
James Comey better hope that there are no "tapes" of our conversations before he starts leaking to the press!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 12 mai 2017
Il n'a pas précisé quelles conversations étaient concernées mais, la veille, il a décrit dans une interview un dîner et deux coups de téléphone avec James Comey depuis son arrivée au pouvoir.
Le limogeage du chef du FBI reste un événement rarissime qui continue de semer le trouble aux Etats-Unis. Depuis qu'il a congédié le premier policier des Etats-Unis, mardi soir, le dirigeant républicain n'a rien fait pour rassurer ses critiques qui craignent une tentative d'intimidation ou une déstabilisation de la police fédérale et, plus généralement, de la Justice, dont le FBI dépend.
Selon l'institut Gallup, 46% des Américains désapprouvent la décision, contre 39% qui l'approuvent. La mention d'enregistrements a immédiatement agité toute la capitale, politiques et médias se demandant si le milliardaire enregistrait ses conversations privées, comme son prédécesseur Richard Nixon (1969-1974).
L'ancien président républicain avait, pendant plus de deux ans, fait secrètement installer des micros dans le Bureau ovale et d'autres pièces pour enregistrer automatiquement toute conversation, en plus de ses coups de téléphone. Cette manie se retourna contre lui dans le scandale du Watergate.
Interrogé plusieurs fois vendredi sur l'existence ou non d'un système d'enregistrement, le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer a répondu d'une phrase laconique : "Le président n'a rien d'autre à ajouter". Sans confirmer ni démentir. "Ce n'est pas une menace. Il a seulement mis en en avant des faits. Le tweet parle de lui-même", a-t-il encore dit.
Donald Trump a affirmé jeudi que l'ex-premier policier américain lui avait assuré qu'il n'était visé par aucune enquête, une assertion qui détonne avec la réserve attendue d'un chef du FBI et laisse ses amis incrédules. Des proches de James Comey ont confié au New York Times, au contraire, que Donald Trump lui aurait demandé de lui promettre sa "loyauté", ce qu'il aurait refusé. La Maison Blanche conteste cette version. Sean Spicer, en tout cas, a affirmé que le tweet sur James Comey n'était "pas une menace".
Dans la presse américaine, de très nombreuses sources anonymes au sein de la Maison Blanche et de l'administration ont décrit la confusion des derniers jours. La raison initiale du limogeage du patron du FBI était son comportement durant la fin de l'enquête sur les emails d'Hillary Clinton en 2016. Il lui était reproché d'avoir publiquement parlé de l'affaire au lieu du silence traditionnel.
Officiellement, cela n'avait rien à voir avec l'enquête en cours sur une éventuelle collusion entre des membres de l'équipe de campagne de Donald Trump et la Russie.
Mais cette explication, risible pour l'opposition, s'est écroulée après que le milliardaire a lui-même lié sa décision à l'affaire russe, disant à NBC : "En fait quand je me suis décidé, je me suis dit : Ce truc avec la Russie, Trump et la Russie, c'est une histoire inventée".
Depuis des mois, le président est furieux que son nom soit cité dans cette enquête, martèle qu'il n'y a aucune preuve de collusion, et accuse les médias d'entretenir artificiellement l'affaire au lieu de couvrir ses décisions économiques ou autres. Sur le fond, il entretient la confusion entre différents volets. Le FBI s'intéresse non seulement à une éventuelle collusion, mais aussi plus généralement aux piratages russes.
La réalité des ingérences russes ne fait pas de doute, confirmée encore jeudi par les six plus hauts responsables du renseignement. Pour l'instant, la digue républicaine tient au Congrès, où l'opposition démocrate reste isolée dans son appel à la nomination d'un procureur spécial pour assurer l'indépendance de l'enquête.
Mais des dizaines de républicains ont exprimé leur malaise, critiqué le ton du président, défendu l'ex-directeur du FBI, voire appelé à la création d'une commission d'enquête indépendante sur la Russie.
Quant à James Comey, il reste pour l'instant silencieux. Il a décliné une première invitation à s'expliquer à huis clos au Sénat mardi prochain, selon deux sources parlementaires, mais une autre date était à l'étude. Le numéro deux de la Justice, Rod Rosenstein, a confirmé de son côté qu'il rencontrerait les sénateurs américains la semaine prochaine.