États-Unis : le retour de Donald Trump sur Twitter fait réagir

Le nouveau patron du réseau social Twiter, le miliardaire Elon Musk, a réhabilité le 19 novembre le compte de l'ancien président des États-Unis. Après l'assaut du Capitole à Washington, en janvier 2021, Donald Trump avait été banni de ce réseau social. Ses échanges forment d'ailleurs un corpus de preuves retenues à son encontre par la commission parlementaire qui enquête sur les évènements du 6 janvier. 
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Le président Donald Trump regarde son téléphon
Le président Donald Trump regarde son téléphone lors d'une table ronde avec des gouverneurs sur la re-ouverture des petits commerces dans la salle à manger d'États de la Maison blanche à Washington le 18 juin 2020.
© AP Photo/Alex Brandon, File
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"Le peuple s'est exprimé. Trump va être rétabli", a tweeté le fantasque entrepreneur sur son propre compte après le résultat d'un sondage lancé auprès de ses abonnés.
 

Plus de quinze millions y ont répondu et 51,8% ont voté en faveur du "oui" au retour de l'homme politique républicain sur la plateforme.
 
Quelques minutes après le message d'Elon Musk, le compte de Donald Trump était de nouveau visible, le dernier tweet datant du 8 janvier 2021.

Elon Musk se paye le luxe de partager un tweet humoristique sur la tension que le retour de l'ancien président américain et le début de la Coupe du monde au Qatar fait peser sur les serveurs de son entreprise....
 

Le nombre d'abonnés s'est montré erratique, montant en moins de deux heures à 3 millions avant de redescendre brusquement. L'ancien président en compte 4,57 millions sur Truth Social, le réseau qu'il avait lancé après son éviction de Twitter.
 
Au nom de la liberté d'expression, Elon Musk a déjà rétabli le 18 novembre plusieurs autres comptes d'utilisateurs suspendus.


Peu après la finalisation du rachat de la plateforme pour 44 milliards de dollars fin octobre, le dirigeant avait assuré qu'aucune décision majeure sur les contenus ou réactivation de compte n'aurait lieu sans l'intervention d'un conseil dédié. Un geste destiné entre autres à rassurer les annonceurs, principale source de revenus du groupe. Il n'a pas indiqué publiquement si ce conseil avait été établi.

L'assaut au Capitole

Twitter avait banni Donald Trump le 8 janvier 2021, deux jours après l'invasion du Capitole par ses partisans, face au "risque de nouvelles incitations à la violence".

(Re)voir : Assaut du Capitole: une enquête parlementaire place Donald Trump au centre d'une "tentative de coup d'État"
 
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Estimant que cette sanction constituait "une décision mauvaise moralement et insensée à l'extrême", Elon Musk avait évoqué dès mai un possible retour de l'ex-président républicain sur la plateforme.
 
Alors que de nombreuses associations, autorités et annonceurs craignent que les contenus ne soient plus suffisamment modérés sur le réseau social, laissant libre cours à la désinformation, au harcèlement et à d'autres abus, l'homme d'affaires était attendu au tournant sur le sujet.
 
"Vous trahissez notre démocratie", a ainsi réagi, sur Twitter, le président de l'organisation de défense des droits civiques NAACP Derrick Johnson, affirmant que les abonnés d'Elon Musk "ne représentent pas l'Amérique". Ce 20 novembre il appelait tous les annonceurs à arrêter d'utiliser la plateforme.
 
Le rétablissement du compte de Donald Trump devrait provoquer des vagues dans la société et la politique américaines. Il intervient opportunément quand l’ancien président s'est lancé à nouveau dans la course à la Maison Blanche pour 2024.

(RE)voir : États-Unis : Donald Trump candidat à l'élection présidentielle de 2024
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Son réseau "Truth social"

Tout en se réjouissant qu'avec Elon Musk, Twitter soit "entre de bonnes mains", Donald Trump a toutefois affirmé qu'il resterait sur son réseau Truth Social, même si cette plateforme ne lui offre qu'une petite caisse de résonance comparativement à Twitter où il comptait plus de 88 millions d'abonnés.
 
Lors d'une intervention par vidéo le 19 novembre à un rassemblement de la Coalition des juifs républicains à Las Vegas, le candidat républicain a salué l'initiative, et Elon Musk. "Je l'aime bien (...). Vous savez, c'est un sacré personnage et j'aime les sacrés personnages", a-t-il dit. Mais il a fait valoir qu'il avait désormais son propre réseau.
 
Sur Truth Social justement, il avait encouragé ses abonnés à "voter avec positivité" avant d'ajouter : "Mais ne vous inquiétez pas, nous n'allons nulle part. Truth Social est spécial."

Lire : Réseaux sociaux : quelles alternatives au Twitter d’Elon Musk ?

À quoi ressemblerait un monde sans Twitter ?

Avec environ 237 millions d'utilisateurs quotidiens au dernier pointage, fin juin, Twitter est beaucoup plus modeste que Facebook (1,98 milliard), TikTok (plus d'un milliard), mais aussi Snapchat (363 millions).

Pourtant, en un peu plus de 15 ans, la plateforme est devenue un lieu incontournable pour dirigeants, entreprises, célébrités et médias, qui se contentent parfois de ce canal pour communiquer.

Twitter "n'a rien d'essentiel", a lancé, sur son compte, Steven Cohn, entrepreneur new-yorkais. "Le monde se débrouillerait fort bien sans Twitter", a-t-il insisté, car "l'essentiel des tweets vient de 1%" des utilisateurs. La plupart des gens normaux ne se connectent jamais."

Au contraire, pour Karen North, professeure à l'université USC Annenberg, "ce qui est vraiment fort avec Twitter, c'est que n'importe qui peut y annoncer quelque chose qui pourra être vu par tout le monde".
"Ce serait épouvantable pour le journalisme", renchérit Karen North. Car "Twitter n'est pas un réseau social", dit-elle, "c'est un maillage de nouvelles et d'informations, le point de rendez-vous où vont les journalistes pour se mettre à jour, trouver une idée de sujet, une source ou une citation." Avec les réductions d'effectifs et la baisse des budgets qu'a vécues la presse depuis plus d'une décennie, "il n'y a plus les ressources suffisantes pour aller chercher les sources sur le terrain", fait valoir l'universitaire. Autre effet pervers, selon elle, "sans Twitter, les gens qui auront accès aux médias seront ceux qui seront déjà suffisamment importants pour que la presse les écoute. Avec Twitter, n'importe qui peut annoncer une histoire."

Globalement, la question des alternatives possibles à Twitter ne suscite pas de réponse évidente.
"Facebook a son utilité, mais c'est un peu dépassé", avance Charles Lister, du centre de réflexion Middle East Institute. "Des concurrents de Twitter récupèreront sans doute des utilisateurs", prévoit Mark Hass, qui mentionne le réseau social Mastodon, "mais ils resteront probablement des niches. Aucun d'entre eux ne deviendra la place publique que Twitter a cherché à créer."
Il croit davantage au potentiel du site communautaire Reddit, comme Karen North, pour qui ce réseau social est néanmoins limité, en l'état, par sa présentation minimaliste et fouillie, sans comparaison avec la facilité d'utilisation d'un Twitter.

"Je ne crois pas qu'il existe quelque chose aujourd'hui qui offre la même valeur ajoutée que Twitter", explique Charles Lister. "Est-ce que cela pourrait être reproduit? Bien sûr", dit-il, "mais ça nécessiterait des ressources énormes et un délai significatif."

Réactions contrastées

La décision de faire revenir Donald Trump sur Twitter va en tout cas probablement créer un peu plus de remous au sein de l'entreprise, déjà fortement secouée depuis sa prise en main par Elon Musk.

(RE)voir : Twitter : depuis son rachat, trois semaines dans la tempête Elon Musk

Il a imprimé sa marque en congédiant dès son premier jour les principaux dirigeants du groupe avant d'engager un plan social massif. Des fonctionnalités controversées ont été lancées avant d'être reportées et des annonceurs ont fui.

Et, cette semaine, plusieurs centaines d'employés ont répondu "non" à l'ultimatum du nouveau propriétaire, qui leur demandait de travailler sans relâche "pour bâtir un Twitter 2.0 révolutionnaire".

Elle a en revanche été saluée par ses alliés politiques, notamment au Congrès.
"Welcome back @realdonaldtrump!", a tweeté le républicain Paul Gosar, membre de la Chambre des représentants.
 


"Quiconque pense que le président Trump ne va pas remporter la primaire en 2024 se met le doigt dans l'œil", a tweeté de son côté Marjorie Taylor Greene, autre parlementaire républicaine fervente partisane de l'ancien président.
 

 
En revanche, la républicaine Liz Cheney, devenue l'ennemi juré de Donald Trump, a réagi à la nouvelle en renvoyant ses abonnés sur Twitter à une vidéo montrant l'une des auditions réalisées par la commission d'enquêtes lancée après l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021, qu'elle co-préside.
 
"Avec Trump de retour sur Twitter, c'est le bon moment pour regarder cette audition sur le 6 janvier", écrit-elle.
 


"Cela concerne chacun des tweets envoyés par Trump, y compris ceux qui ont été effacés, et montre plusieurs responsables de la Maison Blanche décrivant sa conduite inexcusable pendant ces violences", conclu-t-elle, lapidaire.