Paul Horner a été trouvé mort à son domicile ce 18 septembre 2017. Le jeune homme de 38 ans s'était spécialisé dans la publication de "fake news" — les fameuses fausses informations — souvent virales, au point de prétendre être à l'origine de l'élection de Donald Trump. Analyse.
Les publications de Paul Horner étaient proches des sites parodiques tels
Le Gorafi en France ou
Norpresse en Belgique, mais pas uniquement. Le principe ? Diffuser un média sur Internet en tout point conforme au standard professionnel journalistique, dans la présentation et le style, en y distillant le plus souvent des informations aberrantes, délirantes ou simplement mensongères mais
potentiellement crédibles. C'est ainsi que Paul Horner a pu diriger jusqu'à une dizaines de site d'information en ligne en 2016, dont le plus célèbre — et donc le plus relayé — est
National Report. Le vrai du faux ou le faux du vrai ?
La première publication de Paul Horner,
National Report, s'est fait connaître en 2013 en annonçant l'arrestation du célèbre artiste anonyme de rue "Banksy", dont l'identité était alors dévoilée par le journal parodique sous le nom de… Paul Horner. Rien de bien méchant, juste un canulard un peu potache à la gloire du créateur de National Report. Malgré tout, la une du journal semble sérieuse pour le lecteur peu attentif. Le titre du journal "NATIONAL REPORT" en grandes lettres capitales, semble de bonne augure, les articles avec photos sont parfaitement classiques. Mais pour peu que l'on regarde plus attentivement, sous le titre se trouve un sous-titre en tout petit : "AMERICA'S SHITTIEST INDEPENDENT NEWS SOURCE", soit : "la source d'actualités indépendantes américaine la plus merdique". Le ton est donné…
Tout comme Le Gorafi, National Report publie des articles délirants et complètement absurdes, avec une nuance, de taille : quelques articles en partie sérieux et contenant de véritables informations y sont aussi présents. La marque de fabrique de Paul Horner a été cette faculté à brouiller les pistes, proposer du vrai dans du faux, donnner les gages de crédibilité en mélangeant l'information la plus absurde qui soit avec l'actualité.
L'exemple de cet article en ligne aujourd'hui est parlant :
L'article, très bien fait, avec citations de responsables de la Maison Blanche et de Donald Trump lui-même, explique que désormais les rapports des services de renseignements devront être écrits en 140 caractères maximum, comme sur Twitter. National Report cite Donald Trump qui explique : “
J'aime Twitter parce que ce réseau amincit les gro,” et le journal d'envoyer une autre fausse décalaration.
Trump a déclaré à Fox News : “Si vous arrivez à affirmer votre point de vue en 140 caractères ou moins, alors c'est que ça n'est pas si important que ça.”
National Report s'amuse avec la passion affirmée du président américain pour Twitter et lance une fausse information, avec fausses citations, pour le plus grand plaisir des lecteurs fans de satire, mais aussi parfois pour celui d'un public qui croit dur comme fer à ce qu'il lit. Et c'est bien là le problème qu'a posé Paul Horner à la société américaine. Et que ses publications continuent de poser.
Arriviste cynique ou menteur génial ?
La campagne présidentielle américaine a été un moment démocratique particulier. Les attaques de Donald Trump à l'égard d'Hillary Clinton, ses déclarations mysogines, racistes, homophobes, ont fasciné le monde entier par leur vulgarité et leur brutalité. Personne ne pensait qu'un personnage aussi incorrect et déplacé dans ses propos, pratiquant le mensonge à de nombreuses reprises durant la campagne pourrait remporter l'élection. Mais les relais médiatiques sur Internet dont a profité Donald Trump, démultipliés par les réseaux sociaux, ont joué en sa faveur. Dont les fameuses "Fake news", ou "fausses informations" qui n'ont pas cessé d'inonder Facebook ou Twitter.
Le plus surprenant a été le succès d'articles parodiques publiés par Paul Horner, repris par des centaines de milliers de membres des réseaux sociaux et devenant en quelques heures une "information réelle" avec des internautes déchaînés la partageant. Un article affirmant que les manifestants anti-Trump étaient payés des milliers de dollars a ainsi eu un succès vertigineux, tout comme celui annonçant le soutien du pape François… à Donald Trump, repris par près d'un millions de membres Facebook.
Paul Horner, interrogé après l'élection par des médias américains fin 2016 s'amusait du succès de ses fausses publications et avouait être surpris de la "bêtise des gens" qui ne se donnaient plus la peine de vérifier ce qu'ils lisaient, mais s'empressaient de relayer n'importe quelle information du moment qu'elle pouvait les satisfaire.
Paul Horner affirmait ne pas aimer Trump, mais toutes ses "fake news" ciblaient les adversaires du candidat républicain. L'islam était aussi au cœur des articles de désinformation d'Horner, le "roi de la fake news", un sujet de prédilection pour Donald Trump, clivant à souhaits, avec son lot de rumeurs alarmistes et anxiogènes.
On ne saura pas si Paul Horner n'était qu'un arriviste un peu cynique qui avait trouvé un filon dans la publication de fausses informations parodiques — il prétendait gagner entre 5000 et 10 000 dollars par mois — ou une sorte de menteur génial qui s'amusait à lancer les pires rumeurs et regardait le public s'en emparer sans recul. Peut-être était-il simplement un peu de deux ?