Deux ans après avoir placé Donald Trump à la tête de l'État, les électeurs américains sont conviés aux urnes ce mardi 6 novembre pour les "midterms", élections parlementaires redoutables situées à mi-chemin du mandat présidentiel. De quoi s'agit-il exactement ? Pourquoi sont-elles, cette fois, particulièrement cruciales ? Que peut-il en résulter ? De quoi Trump est-il menacé ? Réponses.
Qu’est-ce que les midterms ?
Les élections de mi-mandat (en anglais midterm elections) sont les élections des deux chambres du Congrès des États-Unis, qui se tiennent au milieu du mandat du président des États-Unis.
L'ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants est renouvelé, ainsi qu’un tiers des 100 sièges du Sénat américain. Ces élections tirent leur nom du fait qu'elles interviennent à la moitié du mandat présidentiel quadriennal et en scandent la politique intérieure.
Les élections de mi-mandat interviennent, comme toutes les élections fédérales, le mardi suivant le premier lundi de novembre (Election Day). Les dernières élections de mi-mandat ont ainsi eu lieu le 4 novembre 2014. Celles de cette législature ont lieu le 6 novembre 2018.
Elles coïncident avec différents scrutins locaux dont surtout, dans 36 États, l’élection du gouverneur. Et également 157 référendums dans 38 États, sur des sujets très variés.
Pourquoi sont-elles toujours si importantes ?
Quoique traditionnellement marquées par une forte abstention (plus de 50%), ces élections contrebalancent dans les faits le scrutin présidentiel précédent. Le parti du président au pouvoir y perd dans la plupart des cas un certain nombre de sièges. La question est de savoir combien.
Il n’y a eu que deux exceptions dans le siècle écoulé . Clinton en 1998 : l’électorat prend le contre-pied de la chasse dont il est l’objet dans l’affaire Lewinski ; George Bush en 2002 : il bénéficie alors du déchaînement patriotique qui suit le 11 septembre. Mais dans la plupart des cas, le camp présidentiel essuie un recul. Et celui-ci peut être fatal.
En 2010, plombé en particulier par la crise financière Barack Obama perd 63 sièges – un record depuis 1948 – en un raz de marée des républicains. Ces derniers deviennent majoritaires à la Chambre des représentants. Les démocrates conservent de justesse le Sénat. Le scrutin marque la montée du Tea Party ultra-conservateur et Obama, quoique réélu en 2012, restera affaibli dans les six années restantes de sa présidence (le midterm suivant, en 2014, lui faisant encore perdre quelques sièges).
Actuellement, les républicains sont majoritaires à la Chambre des représentants (247 sièges sur 435) et au Sénat (51 sièges sur 100). S’il était assez fort pour inverser le rapport, un sursaut démocrate permettrait, sans l’écarter, de contrarier la folle marche de Donald Trump (voir plus loin).
L’opposition n’a plus le droit à l’erreur. Un second échec face à Donald Trump ruinerait les chances de victoire en 2020, et balayerait les espoirs de le modérer avant, a fortiori de le destituer comme certains en caressent le rêve.
Quels sujets pèseront sur le scrutin ?
«
It’s the economy, stupid ! ». La formule célèbre d’un conseiller de Clinton durant sa campagne victorieuse reste pertinente au royaume du dollar. Et même si les succès en la matière ne lui doivent souvent rien, Donald Trump peut se targuer à cet égard d’un bilan économique insolent. Les États-Unis viennent d’enregistrer une croissance de 2,9% au 3e trimestre et affichent un taux de chômage à 4,9%, le Dow Jones une hausse de 7 % en 2018.
Le bilan supposé de Trump est plus ambigu au plan international. Sa mauvaise image et le ridicule qui le caractérise à l’étranger ne troublent pas forcément l’Amérique profonde qui se soucie peu de l’opinion planétaire.
La crise avec la Corée du Nord est largement imputable à sa présidence mais son refroidissement théâtral lui vaut paradoxalement un certain crédit. Dans la dénonciation de l’accord nucléaire avec l’Iran, de même, la réprobation générale ne pose pas de grave problème aux États-Unis, en particulier dans l’électorat républicain où dominent la détestation viscérale et la peur des mondes arabe et iranien. Le rejet des accords sur l’environnement divise d’avantage.
Je n’y suis pas mais j’y suis tout de même parce que c’est aussi un referendum à propos de moi.Donald Trump
Plus que les questions économiques ou internationales, le sujet central du scrutin semble cette fois cependant … Donald Trump. Deux ans après sa victoire, une partie importante de l’opinion et de la classe politique américaines continuent de considérer celle-ci comme un traumatisme et un accident aberrant.
Lui-même n’a rien fait pour adoucir les préventions contre lui ni les clivages. Les midterms viennent sonner l’heure d’un examen personnel, ce que l’intéressé, dans son style élégant, ne dément pas : « Je n’y suis pas mais j’y suis tout de même parce que c’est aussi un referendum à propos de moi. »
Sa cote de popularité n’a jamais dépassé les 50 %. Les dernières enquêtes situent le taux moyen d’approbation de sa politique entre 40 et 50 % (1). C’est en dessous de celle de ses prédécesseurs, mais moins apocalyptique qu’on ne le dit parfois. jusqu'à 20 points de plus, par exemple, qu’Emmanuel Macron en France, même si les paramètres diffèrent.
La perception de Trump dans l’ensemble de l’Amérique n’est en tout cas pas aussi unanimement désastreuse que son image dans le monde politico-médiatique établi peut le laisser croire, a fortiori en Europe. Le demi-fou des uns est apprécié dans le monde républicain.
La nomination à la Cour suprême du juge ultra-conservateur Brett Kavanaugh (finalement arrachée au Sénat) a scandalisé les démocrates et peut contribuer à les faire voter. Mais l’électorat républicain, à l’inverse, a apprécié la ténacité présidentielle et son soutien au candidat pourchassé par le mouvement #Metoo, dénoncé dans des manifestations. Et Trump, avec une certaine habileté, s’efforce aujourd’hui de remobiliser son camp contre le danger des démocrates « extrémistes ».
Quels sont les pronostics ?
Les
derniers sondages donnent une nette avance – de 3 à 9 %
(1), selon les instituts - aux démocrates.
Selon ces projections, ceux-ci regagneraient la Chambre des représentants mais non le Sénat, où les sièges à renouveler sont déjà en majorité démocrates et qui resterait donc républicain.
Mais ce sont des sondages. Ils s’étaient largement trompés en 2016 en prédisant une victoire d’Hillary Clinton. C’est Trump qui a été élu.
Qu'adviendrait-il en pratique si les démocrates l’emportaient ?
La plupart des chantiers et projets de la présidence Trump se trouveraient compromis. Parmi eux : le mur avec le Mexique, la destruction de l’«
Obamacare » (assurance santé créée par Obama), coupes dans les programmes sociaux, baisses d’impôts … Le président conserverait cependant une grande marge de manœuvre en politique étrangère et militaire.
Les élus de la Chambre pourraient également harceler d’enquêtes parlementaires un Donald Trump qui représente une inépuisable mine de scandales (liens présumés avec la Russie, entraves à la justice, affaires privées …).
Caressée par certains, et souvent évoquée par les médias, sa destitution, en revanche, relève largement du fantasme. En théorie, la Chambre de représentants pourrait certes lancer une telle procédure – politiquement aventureuse - mais il faudrait, pour qu’elle aboutisse, l’assentiment des deux tiers du Sénat. Une éventualité invraisemblable en l’état actuel des choses, surtout brandie par chacun des deux camps pour stimuler son électorat.
(1)
Mise à jour du 5 novembre 2018.
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