États-Unis : que reproche la justice à Donald Trump ?

La célèbre résidence en Floride de Donald Trump a été perquisitionnée par le FBI. Pourquoi cette décision ? Qu’espèrent y trouver les agents fédéraux ? Pour l’instant, aucune inculpation n’est portée contre l’ancien président des États-Unis bien qu’il soit visé par quatre enquêtes. Alors, cabale politique comme le prétend celui qui se voit candidat en 2024 ou infractions à la loi ? Le point sur ce que la justice américaine reproche à Donald Trump.
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Pendant une audition de l'enquête parlementaire sur l'assaut au Capitole du 6 janvier
Pendant une audition de l'enquête parlementaire sur l'assaut au Capitole du 6 janvier, une vidéo de Trump est diffusée. Washington le 21 juillet 2022. Le comité de la Chambre du 6 janvier partagera 20 de ses transcriptions d'entretiens avec le ministère de la Justice, car les procureurs fédéraux se concentrent sur les tentatives entreprises par l'ancien président Donald Trump et ses alliés pour annuler les résultats des élections.
© AP Photo/Patrick Semansky, File
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Une première étape vers un procès pour les uns, "une persécution politique" pour les autres : la perquisition spectaculaire de la somptueuse propriété de Mar al Lago de Donald Trump par le FBI jette une nouvelle lumière sur les profondes fractures de l'Amérique, à l'heure où l'ancien président flirte ostensiblement avec une nouvelle candidature.

Voir : États-Unis : la résidence de Trump en Floride perquisitionnée par le FBI
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Jamais un ancien locataire de la Maison Blanche n'avait été inquiété par la justice de cette façon.

La perquisition de la police fédérale a-t-elle à voir avec les nombreux cartons que Donald Trump a emportés avec lui en quittant la Maison Blanche en janvier 2021? Est-elle liée à l'enquête sur sa responsabilité dans l'assaut du Capitole? Concerne-t-elle plutôt les soupçons de fraude financière dont la Trump Organization fait l'objet à New York? Ou bien s’agit-il de l’enquête demandée par les Archives nationales concernant les archives de la Maison blanche

Contacté par l'AFP, le FBI n'a pas souhaité faire de commentaire. 

L’assaut au Capitole le 6 janvier

Deux enquêtes différentes visent Donald Trump pour le même fait, l’assaut au Capitole le 6 janvier 2021. L’ancien  président doit répondre de ses actions devant le congrès et devant les juges. 
 
  • L'enquête parlementaire 
La commission d'enquête parlementaire sur l'assaut du Capitole a récemment montré l'étendue des pressions que Donald Trump a exercées sur des responsables électoraux après la présidentielle de 2020 remportée par Joe Biden.

Voir : Assaut du Capitole: une enquête parlementaire place Donald Trump au centre d'une "tentative de coup d'État"
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Les membres de cette commission ont estimé que l'ancien président avait, a minima, "failli à son devoir de commandant en chef". Chaque responsable des événements du 6 janvier 2021 devra "répondre de (ses) actes devant la justice", avait ajouté son président démocrate, l'élu Bennie Thompson.

Mais si les travaux de la commission ont été largement médiatisés, ils ne mènent pas directement à des poursuites judiciaires: c'est au ministère de la Justice de décider d'éventuelles suites pénales.
 
  • L'enquête pénale
Les procureurs fédéraux qui enquêtent sur l'assaut du Capitole ont déjà fait condamner une centaine de participants à des peines de prison. Envisagent-ils de remonter jusqu'à des responsables de la Maison Blanche, voire jusqu'au président?

C'est le dilemme auquel fait face Merrick Garland, le ministre de la Justice nommé par Joe Biden, qui a autorité sur le parquet.

Connu pour être méthodique et prudent, le ministre n'exclut rien. "Chaque personne qui est pénalement responsable des efforts pour annuler l'élection devra répondre de ses actes", a-t-il déclaré.

Pour l'heure, Donald Trump ne semble pas directement visé dans cette enquête.

Selon plusieurs juristes, il pourrait éventuellement être poursuivi au pénal pour "entrave à une procédure officielle" ou sur un chef très large de "fraude au gouvernement" qui implique d'avoir perturbé le fonctionnement des institutions.

Une "intolérable instrumentalisation à but politique"

Mais, face à sa probable nouvelle candidature à la présidence en 2024, toute action le visant sera perçue comme politique. C’est ainsi qu’elle est interprétées par la frange conservatrice des Républicains.

Dénonçant une "intolérable instrumentalisation à but politique" du ministère de la Justice, le chef des conservateurs à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a promis une enquête sur son fonctionnement quand les Républicains reviendraient au pouvoir.

Son camp pourrait reprendre le contrôle du Congrès lors des élections législatives de novembre, qui s'annoncent périlleuses pour le camp de Joe Biden.

Fox News critique

Sur la chaîne préférée des conservateurs, Fox News, les bandeaux étaient eux aussi très critiques concernant la perquisition: "Les tactiques de plus en plus radicales du ministère de la Justice sont un danger pour la république", "Le FBI de Biden saccage le domicile d'un de ses adversaires potentiels pour l'élection de 2024", titrait la chaîne.

Donald Trump, qui dispose déjà d'un trésor de guerre de plus de 100 millions de dollars (un montant sans précédent pour un ancien président) et pourrait à tout moment se déclarer candidat à un nouveau mandat, a sauté sur l'occasion pour lancer un appel à la générosité de ses partisans.

"Ce n'est pas juste ma maison qui a été attaquée - c'est le domicile de chacun des Américains patriotes pour lequel je me suis battu", a-t-il plaidé dans un e-mail à ses militants, leur suggérant un don de 5 à 5.000 dollars pour combattre une "chasse aux sorcières".

L'élection de 2020 en Géorgie

Trump est également visé par une enquête portant sur l’élection de Géorgie en 2020 qui avait été remportée par Joe Biden. Une procureure de Géorgie a annoncé en février 2021 l'ouverture d'une enquête sur "les tentatives d'influencer les opérations électorales" de cet État du Sud des États-Unis, plutôt conservateur. 

Voir : Présidentielle aux États-Unis: un enregistrement compromettant pour Donald Trump
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Dans un appel téléphonique dont l'enregistrement avait ensuite été rendu public, Donald Trump avait demandé à Brad Raffensperger, un haut responsable de Géorgie, de "trouver" près de 12.000 bulletins de vote à son nom, de quoi rattraper son retard dans cet État.

Une inculpation pour fraude fiscale

Le procureur de Manhattan enquête, dans un dossier pénal, sur des soupçons d'évaluation frauduleuse d'actifs au sein de la Trump Organization - qui regroupe clubs de golf, hôtels de luxe et autres propriétés du magnat de l'immobilier - pour obtenir des prêts plus avantageux auprès des banques, ou pour réduire ses impôts.

Voir : États-Unis : Donald Trump soupçonné de fraude fiscale
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Le conglomérat et son directeur financier ont été inculpés pour fraude fiscale, et un procès est attendu en 2022.

Lire : États-Unis : la Trump Organization sur le point d'être inculpée pour fraude fiscale

Dans un second dossier, au civil, la procureure générale de l'État de New York, la démocrate Letitia James, cherche à faire la lumière sur des soupçons similaires d'évaluation frauduleuse d'actifs.

Elle est parvenue en début d'année à obtenir qu'un juge ordonne notamment à Donald Trump de témoigner sous serment. Une audition prévue mi-juillet a été repoussée.
Convoqué le 10 août, il a refusé de répondre aux questions de la procureure générale de New York. 
 

Disant à nouveau être victime d'une "chasse aux sorcières", il a déclaré dans un communiqué avoir "refusé de répondre aux questions, en vertu des droits et prérogatives accordés à tout citoyen par la Constitution des États-Unis".

L'ex-président dénonce une "chasse aux sorcières" politique.

Les archives de la Maison Blanche

Selon des médias américains, la perquisition menée le 8 août par la police fédérale pourrait être liée à la question de l'archivage par Donald Trump des documents liés à sa présidence.

La loi l'oblige à transmettre l'ensemble de ses e-mails, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales américaines.

La police fédérale a demandé à la justice américaine d'ouvrir une enquête sur ces faits, qui n'ont pour l'instant donné lieu à aucune poursuite.

Ni le FBI ni la justice n'ont donné d'indication sur les raisons de la perquisition du 8 août.

En février, les Archives nationales avaient déclaré avoir dû récupérer en Floride quinze cartons de documents que Donald Trump avait emportés avec lui lors de son départ de Washington en janvier 2021.

Dans ces boîtes, des lettres de Barack Obama et du leader nord-coréen Kim Jong Un, une carte des États-Unis qui avait fait l'objet d'échanges houleux avec le service météo américain, mais aussi, selon le Washington Post, plusieurs documents marqués "secret défense".

Les Archives nationales assurent que Donald Trump n'avait en aucun cas le droit de partir avec ces cartons. En vertu d'une loi de 1978, tout président américain doit transmettre l'ensemble de ses e-mails, lettres et autres documents de travail à cette agence, chargée de les conserver.

Cette agence fédérale avait demandé à la justice américaine d'ouvrir une enquête sur ces faits

Le personnel de la Maison Blanche découvrait aussi régulièrement des liasses de papiers bouchant les toilettes, et soupçonnait le président de vouloir se débarrasser de documents, d'après un livre à paraître d'une journaliste vedette du New York Times.