Fil d'Ariane
Malmené mais pas évincé. Donald Trump affronte les critiques et ne recule, semble-t-il, devant aucun paradoxe. Lui qui accuse le Mexique de n’envoyer aux Etats-Unis que des criminels. Lui qui veut ériger un mur entre les deux pays, payé par le Mexique. C’est pourtant bien lui qui a accepté l’invitation du président Peña Nieto à venir le rencontrer cette semaine.
► Lire notre article sur Donald Trump dans la tourmente
Sur place, Donald Trump lisse son propos, flatte les Mexicains - et amadoue leur président ? Devant la presse, il vante les qualités « incroyables » de ce peuple. « Les Mexicanos-Américains de deuxième et troisième générations sont juste au-delà de tous reproches. Ce sont de grands travailleurs, très impressionnants. J’ai tellement de respect pour eux », déclare-t-il ce mercredi 31 août.
Mais quelques heures plus tard, finies les louanges. Donald Trump reprend son verbe acerbe pour s’en prendre aux Mexicains lors d’un rassemblement de ses partisans dans l’Arizona : « Nous construirons un grand mur le long de notre frontière sud et Mexico le payera à 100%, assène-t-il. Ils ne le savent pas encore mais ils le paieront. »
Al inicio de la conversación con Donald Trump dejé claro que México no pagará por el muro.
— Enrique Peña Nieto (@EPN) August 31, 2016
En dépit du discours véhément qui a suivi cette visite, Peña Nieto considère qu’il y a « un changement de ton, une reconnaissance de l’importance du Mexique, » même s’il admet que cette rencontre ne changera pas fondamentalement le discours de Trump à l'égard de son pays.
Keep your friends close.....but your enemies closer, dijo Michael Corleone. #TrumpEnMéxico
— André F. Alba (@AndreAlba95) August 31, 2016
["Gardez vos amis près de vous mais vos ennemis encore plus près, disait Michaël Corleone" - Une référence direct au film "Le Parrain" de Coppola]
Trump not welcome in Mexico, not by me nor the 130 millions Mexicans.
— Vicente Fox Quesada (@VicenteFoxQue) August 31, 2016
[« Trump n’est pas le bienvenu à Mexico, ni pour moi ni pour les 130 millions de Mexicains »]
How @realDonaldTrump will explain the "unexplainable"? Now trying to make love to Mexicans, when he promised his followers to throw us out.
— Vicente Fox Quesada (@VicenteFoxQue) August 31, 2016
[« Comment Donald trump va-t-il expliquer « l’inexplicable » ? Il essaye maintenant de faire l’amour aux Mexicains, quand il a promis à ses soutiens de nous jeter dehors. »]
A handful of protestors, if that, and lots of press at anti-Trump gathering in Mexico City #TrumpEnMexico pic.twitter.com/jp925MQ6YV
— KarlaZabs (@karlazabs) August 31, 2016
Pour beaucoup, c'est un même rejet de celui qui déverse à longueur de campagne sa haine contre les migrants mexicains. Gerardo Contreras, ingénieur mécatronique de 32 ans, considère que cette invitation de Trump n'a fait qu'"améliorer son image". Quant à son discours politique, même s'il comprend que "l'immigration doit être régulée", cela "ne doit pas passer par un discours de haine", nous confie-t-il.
Hector Vela, professeur d'anglais de 24 ans, ne comprend toujours pas comment son président a pu inviter quelqu'un "qui insulte sans cesse le peuple mexicain". "C'est vraiment embarrassant, j'ai l'impression d'avoir été trahi par Peña Nieto." Il interprète cette invitation comme une manière de "distraire le Congrès" à qui le président devait présenter son rapport annuel le 1er septembre. L'élection américaine, et qui plus est Donald Trump, sont au coeur des discussions et des préoccupations au Mexique "car nous entretenons notamment des relations économiques étroites", rappelle Hector.
Aux Etats-Unis, divers sondages donnent toujours une large majorité d'Américains latinos défavorables à Trump. Pourtant, certains se mobilisent pour défendre le candidat républicain. C'est le cas de Marco Gutierrez co-fondateur du mouvement "Latinos for Trump", qui revendique 50 000 membres dans le pays. "Beaucoup de latinos de première génération, mais aussi de seconde génération", estime-t-il. Si, aujourd'hui, aussi peu de latinos soutiennent le candidat républicain "c'est parce qu'ils ont peur d'être critiqués, de perdre leur travail, d'être mal vus ..."
La visite de Trump à Mexico ? "Géniale, historique", "un moment émouvant" de le voir aux côtés du président mexicain, même si le candidat républicain n'est pas encore à la Maison-Blanche. Selon lui, le mur que Trump veut ériger est aussi "symbolique", "une manière de rappeler aux Mexicains les valeurs américaines, alors que beaucoup d'entre eux, aujourd'hui, les ont oubliées, comme apprendre la langue par exemple." Quand Trump répète que ce sont les pires migrants mexicains qui viennent aux Etats-Unis "Il a raison." "Beaucoup de latinos sont des criminels, pas parce qu'ils le veulent forcément, mais parce qu'ils arrivent ici sans papier."
Ce sont peut être les jeunes latinos (les 18-35 ans, appelés "Millenials") représentant 44% de l'électorat latino américain, qui feront la différence... s'ils se déplacent pour voter. Lors du scrutin du 8 novembre prochain, 27,3 millions d'Américains latinos seront en âge de voter, selon le Pew Research Center, contre 23,3 millions en 2012. Un nombre record dû aux 3,2 millions de jeunes de la Génération Y (les fameux Millenials), qui auront 18 ans au moment du vote.
L'une de ces électrices, Sandra Prendergast, Mexicaine de 31 ans, vit depuis octobre 2012 aux Etats-Unis. Elle nous confie être profondément déçue de la venue de Trump dans son pays : "une personne si grossière qui fait tant de commentaires méchants sur mes origines et mon histoire". Comme Gerardo, elle dit "comprendre la nécessité d'un contrôle aux frontières afin de savoir qui entre dans le pays. Mais cela ne justifie pas, pour autant, de considérer toutes les personnes d'une certaine religion, ethnicité... comme étant mauvaises. Il suffit de penser à l'Apartheid ou aux lois ségrégationnistes américaines du XXe siècle !"
L'idée que Trump puisse l'emporter inquiète Sandra Prendergast. Elle se demande de quelle façon il pourrait affecter la vie des immigrants, mais aussi celle de ses enfants. "La discrimination est une chose très réelle dans ce pays et je crains que les gens ne voient pas au-delà de mon accent, ma peau ou mon origine".