Etats-Unis : victoire républicaine au Congrès, et après ?

Les républicains prennent le contrôle du Congrès à l’issue des élections américaines de mi-mandat qui se sont déroulées ce mardi 4 novembre. Ils ont obtenu la majorité au Sénat et renforcé celle qu’ils avaient à la Chambre des représentants. Barack Obama et ses alliés démocrates devront affronter deux années de cohabitation face à des républicains qui gagnent en poids politique. Explications.   
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Etats-Unis : victoire républicaine au Congrès, et après ?
Le vote des Américains pour les élections de mi-mandat le 4 novembre ©AFP
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Les adversaires du président américain sont en position de dicter l'agenda parlementaire jusqu'à l'investiture du successeur de Barack Obama. Leurs priorités seront économiques. Des dizaines de lois "pro-croissance" sont prêtes pour autoriser la construction de l'oléoduc Keystone XL entre le Canada et le Golfe du Mexique, doper la production de gaz naturel, aider les petites entreprises et réduire les réglementations.

Le président de la Chambre, le républicain John Boehner, a immédiatement annoncé que le nouveau Congrès, qui prendra ses fonctions le 3 janvier 2015, s'attacherait aussi à "réformer le code fiscal, réduire notre problème de dépenses, réformer notre système juridique, notre système de réglementations et améliorer notre système éducatif".

"Le message des électeurs est clair: ils veulent que nous travaillions ensemble", a concédé Harry Reid, actuel chef de la majorité démocrate.

Etats-Unis : victoire républicaine au Congrès, et après ?
Carte des résultats américains aux élections de mi-mandat de 2014 ©AFP

100 femmes

Les républicains passent de 45 à au moins 52 sièges sur 100, selon les projections des télévisions américaines (à côté). A la Chambre, ils pourraient gagner jusqu'à 18 sièges, selon la chaîne ABC, ce qui leur donnerait la plus large majorité républicaine depuis 1946.

Au total, plus de 100 femmes siègeront au Congrès. Parmi elles, Elise Stefanik, une républicaine de 30 ans, devient la plus jeune femme à être élue au Congrès où elle représentera l'Etat de New York. A 38 ans, Mia Love, élue dans l'Utah (ouest), est quant à elle la première femme noire républicaine élue à la Chambre des représentants, un siège conquis aux démocrates.

En Caroline du Sud, le républicain Tim Scott, 49 ans, est lui devenu le premier Afro-américain du sud des Etats-Unis à être élu sénateur depuis l'après guerre de Sécession.

Les républicains auront pour responsabilité de remettre le Congrès au travail, après quatre années d'une guerre de tranchées parlementaire. Aucune réforme d'ampleur n'a été adoptée, notamment sur l'immigration qui reste un dossier brûlant avec plus de 11 millions de sans-papiers installés aux Etats-Unis.

Les sondages de sortie des urnes montraient un électorat désabusé: 79% des personnes ayant voté désapprouvent le travail du Congrès, et deux-tiers estiment que le pays va dans la mauvaise direction. Moins d'un sur trois se dit satisfait de l'administration de Barack Obama, un chiffre équivalent pour les dirigeants du parti républicain au Congrès, selon CNN.

Les démocrates ont sauvé leur siège du New Hampshire. Mais les candidats républicains leur ont repris notamment l'Arkansas, la Caroline du Nord, le Colorado, le Montana et l'Iowa. La Louisiane organisera un second tour le 6 décembre, et les résultats en Alaska et en Virginie n'étaient pas encore connus.

Notre correspondant à Washington, Philippe Gassot

05.11.2014Interviewé par David Delos
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Dissensions Le président finira ainsi son mandat avec le parti adverse contrôlant les deux chambres du Congrès, comme avant lui George W. Bush, Bill Clinton, George Bush et Ronald Reagan. Les élections de mi-mandat ont traditionnellement pris la forme de votes-sanctions contre le parti au pouvoir à la Maison Blanche. Ni la baisse du chômage à 5,9%, au plus bas depuis six ans, ni la robuste croissance du PIB, +3,5% au troisième trimestre, ni sa réforme du système de santé ne semblent avoir été mis au crédit du démocrate. Reste à savoir ce que feront les républicains de leur majorité. Mitch McConnell a souligné que Barack Obama conservait son pouvoir de veto, et ne promulguerait vraisemblablement pas de lois démolissant les grands chantiers de sa présidence, à commencer par sa réforme du système de santé, Obamacare. Mais les dissensions internes au parti républicain sont notoires, et rien n'indique que les élus du Tea Party, comme le sénateur texan Ted Cruz, vont accepter de tendre la main aux démocrates pour favoriser un esprit de compromis. Réagissant immédiatement aux élections sur CNN, Ted Cruz a directement contredit le chef républicain en assénant: "Nous devons adopter une abrogation complète" d'Obamacare.

Analyse de l'historien spécialiste des Etats-Unis, François Durpaire

05.11.2014Interviewé par David Delos
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Les conséquences de la victoire républicaine au Congrès

Propos recueillis par Léa Baron
François Durpaire est historien des Etats-Unis et maître de conférence à l'Université de Cergy Pointoise. Il est aussi l'auteur de L'Histoire des Etats-Unis (Editions Que sais-je ?).  Quelles sont les conséquences au niveau de la politique nationale de Barack Obama ?  Toutes les nominations de l’exécutif américain du président  sont soumises à approbation du Sénat, comme celle du ministre de la Justice Eric Holder que le président doit remplacer. Si le Sénat veut embêter Obama, il peut déjà bloquer ces nominations. Cela peut concerner le ministre de la Justice, les secrétaires du gouvernement et les juges de la Cour suprême.  Si un juge décède dans les deux ans, c’est au président de le nommer avec approbation du Sénat qui peut le bloquer comme pour les nominations d’ambassadeurs.  Quel recours Barack Obama a-t-il en cas de blocage des républicains au Congrès ?  On a jeu de poids et de contrepoids. Le président peut aussi bloquer les initiatives du Sénat en mettant son veto. Là, la victoire n’est pas un raz-de-marée. S’il y avait eu 67 sénateurs sur 100, il y avait la possibilité de passer outre le veto présidentiel et, là, le Congrès aurait pu gouverner presque sans président. Mais ce n’est pas le cas.  Les républicains vont, peut-être, se dire qu’avec les élections présidentielles qui arrivent dans deux ans, ils ne doivent pas apparaître comme responsables de blocage. Mais les plus radicaux comme Ted Cruz, vont avancer que l’on peut s’opposer de manière très très dure et gagner les élections le coup d’après.  Obama a aussi la possibilité de faire passer un virage à droite  à sa politique. Mais ce n’est pas ce qui a été choisi. La Maison Blanche a déjà annoncé qu’ils seront plutôt dans la contre-attaque et pas dans le changement politique.  Cette cohabitation peut-elle entraîner un blocage total de la politique d’Obama ?  Il n’a déjà pas pu faire passer l’immigration, ni ses initiatives en matière de climat,ni sur le salaire minimum qu’il voulait monter à 10$ par heure au lieu de 7,25$.  Mais peut-être que cela ne pourra pas être pire et que les deux camps vont devoir construire des lois bipartisanes sur des thématiques qui y sont propices. L’ancien maire de New York LaGuardia disait : « il n’y a pas une manière démocrate ou républicaine de nettoyer les rues de New York ».  Cela permettrait à Obama de sauver la fin de son mandat et permettrait aux républicains de se présenter devant les Américains en disant : « voilà ce que l’on a fait depuis deux ans au Congrès ».  Quelles sont les conséquences sur sa politique étrangère ? Aujourd’hui, une majorité de représentants et de sénateurs républicains sont favorables à des troupes au sol. Vont-ils essayer de forcer la main du président ? Les pouvoirs du Congrès en matière de politique étrangère sont importants car c’est lui qui déclare la guerre. Vont-ils essayer d’embêter les négociations des Etats-Unis avec l’Iran ? Il faudra peut–être qu’Obama avance alors avant début janvier quand le nouveau Congrès prendra ses fonctions. Il lui reste deux mois pendant lesquels il peut agir en passant par ordonnance, en essayant de faire voter un certain nombre de choses.  Cela pourrait se faire mais ne serait pas très correct et les républicains pourraient lui faire payer en arrivant. Mais peut-être qu’en étant en position de responsabilité, le Congrès aura une vision un peu plus réaliste en considérant ce qu’il est possible de faire et qu’elle est la position de l’opinion américaine sur le sujet.
Etats-Unis : victoire républicaine au Congrès, et après ?