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TV5 Monde/Sophie Golstein
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États-Unis/Afghanistan : un conflit sans fin ?

Le président américain Donald Trump exclut tout retrait des 
États-Unis de l'Afghanistan. Il a également accusé le Pakistan, pays voisin, d'être un repaire pour "des agents du chaos". Une erreur, tant le Pakistan est au coeur du jeu afghan, selon Gilles Boquérat, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique. Entretien.

Dans un discours à la tonalité solennelle d'une vingtaine de minutes, M. Trump n'a donné aucun chiffre sur le niveau des troupes ou aucune échéance dans le temps, jugeant que c'était "contre-productif". Mais il a martelé sa conviction qu'un retrait précipité d'Afghanistan créerait un vide qui profiterait aux "terroristes" d'Al-Qaïda comme du groupe Etat islamique.

Cette prise de position représente d'abord une "volonté d'affirmation de la puissance américaine", selon Gilles Boquérat, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique et fin connaisseur des relations entre l'Afghanistan et le Pakistan. "Les Etats-Unis de Trump devaient montrer qu'ils ne pouvaient pas reculer en Afghanistan après avoir subi des menaces de la part de la Corée du Nord, un petit pays", indique le chercheur. "Trump, au départ, était favorable à un retrait des troupes d'Afghanistan", précise Gilles Boquérat.

Un haut responsable américain a souligné que M. Trump avait donné son feu vert au Pentagone pour le déploiement de jusqu'à 3 900 soldats supplémentaires. Si la hausse n'est pas spectaculaire, elle marque cependant une inversion de tendance par rapport aux dernières années.

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Seize ans après les attentats du 11 septembre 2001 qui avaient poussé les Etats-Unis à lancer une vaste offensive pour déloger le régime taliban au pouvoir à Kaboul, le fragile édifice démocratique afghan est menacé par une insurrection déstabilisatrice.

Les Etats-Unis misaient sur une stratégie "d'afghanisation" pour enfin sortir définitivement l'Amérique du conflit.  Mais "cette stratégie ne fonctionne pas. L'ANA, ne répond pas aux attentes militaires du Pentagone. Les désertions dans les rangs de l'armée nationale afghane sont légions", note le spécialiste de la région. L'insurection talibane n'a pas cessé de grandir et de se renforcer ces dernières années grâce à des moyens financiers accrus. "Les Talibans  controlent le trafic de drogue. Ils n'ont pas de problème financier. Ils ont une vrai expertise du combat dans ces régions. Ils se sont agguéris au combat, au cours de tour de toutes ces années de lutte", indique Gilles Boquérat.

La propagande talibane progresse notamment grâce aux manquements du gouvernement afghan. La corruption est endémique. "Une part de l'aide internationale est partie dans les poches des dirigeants afghans pour que ces derniers puissent s'acheter des appartements à Dubaï. Une autre partie sert à financer des milices privées", note Gilles Boquérat. L'Afghanistan est de fait devenu un véritable bourbier pour la première puissance militaire mondiale. L’État afghan est aujourd'hui incapable de faire face à la menace des Talibans.

 

L'Afghanistan, un "cimetière des empires"
Par deux fois, les Britanniques, maîtres des Indes, tentent de s'emparer de Kaboul, en 1841 et en 1879. Par deux fois les troupes de sa Majesté se font massacrer. Londres renonce définitivement à la conquête du pays en 1883. En 1979, l'Empire soviétique tente imposer un régime communiste en Afghanistan. La guerre durera 10 ans. Washington soutient des groupes islamiste en lutte contre Moscou. Le conflit coutera la vie à plus de 15 000 soldats soviétiques. L'URSS disparaîtra deux ans plus tard.

Donald Trump a surtout lancé une vive mise en garde à Islamabad, accusé de servir de facto de base arrière aux talibans. "Le Pakistan a beaucoup à gagner en collaborant à nos efforts en Afghanistan. Il a beaucoup à perdre en continuant à abriter des terroristes", a-t-il asséné. "Cela doit changer et cela va changer immédiatement !".

Le mois dernier, le département américain de la Défense a suspendu 50 millions de dollars d'aide militaire, jugeant qu'Islamabad ne faisait pas assez contre le réseau Haqqani, allié des talibans afghans. Ce réseau basé à la frontière pakistano-afghane, a longtemps été considéré comme lié aux services secrets pakistanais, l'ISI.

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"Donald Trump a pointé du doigt le Pakistan et a demandé à l'Inde d'aider économiquement l'Afghanistan. Les Pakistanais sont furieux. Il n'y a rien de pire que de dire aux Pakistanais que nous Américains allons compter sur l'Inde pour relever le Pakistan", décrit Gilles Boquérat. "Le Pakistan conserve un grand pouvoir de nuisance à travers notamment les réseaux des Talibans au Pakistan. D'un point de vue logistique, les voies d'approvisionnement des troupes américaines en Afghanistan passe par le Pakistan. Islamabad a des moyens de pression sur Washington", indique le chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique. "Les intérets stratégiques pakistanais sont clairs. il est hors de question d'avoir un régime favorable à l'Inde", ajoute le chercheur.

L'Amérique s'est-elle enfoncée dans un conflit sans fin ? "On ne voit pas de fin dans ce conflit. Les Talibans restent inflexibles. Tant qu'il n'y aura pas de départ des troupes étrangeres, les Talibans ne négocieronts pas. Donald Trump a fait un appel du pied aux Talibans en affirmant qu'il y aura une négociation politique avec certains Talibans mais on ne voit pas actuellement de divisions dans le camp de l'insurrection", estime Gilles Boquérat.

L'intervention militaire américaine depuis 2001
Le 7 octobre 2001, moins d'un mois après les attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis, le président George W. Bush lance une vaste offensive militaire en Afghanistan, après le refus du régime taliban de livrer le chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden.  Quelque 1 000 soldats américains sont déployés en novembre. Ils seront environ 10.000 l'année suivante. La guerre en Irak détourne l'attention de Washington de l'Afghanistan. Les Talibans et d'autre groupes islamistes réapparaissent dans leurs bastions du Sud et de l'Est. En 2008, le commandement américain réclame des myens humains. A la mi-2008, quelque 48 500 soldats sont envoyés sur le sol afghan. Le 1er décembre, Obama annonce l'envoi prochain de 30 000 hommes. Ils sont 100 000 sur le terrain en 2011. En septembre 2014, l'Afghanistan signe un accord de sécurité bilatéral avec les Etats-Unis et l'Otan. Seulement 12 500 soldats étrangers dont 9 800 Américains resteront dans le pays en 2015. La situation sécuritaire se détériore à nouveau. Plus de 2 400 soldats américains sont morts sur le sol Afghan.