50 ans d'isolement Washington et La Havane mettent fin à un demi-siècle de Guerre froide. Leurs ambassades vont rouvrir, l’embargo économique américain sera allégé. Mais le lever exigera la coopération des républicains, très hostiles au rapprochement avec Cuba Les liens C’est l’un de ces bouleversements qui marquent une génération et qui effacent les dernières traces de la Guerre froide. Dans un discours à la nation prononcé mercredi, le président américain Barack Obama a annoncé une mesure historique: le rétablissement futur des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis, rompus depuis janvier 1961. L’annonce est venue peu après que fut libéré, pour raisons humanitaires, Alan Gross, un sous-traitant de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid) condamné à 14 ans de prison pour avoir introduit secrètement du matériel informatique sur l’île. Le 3 décembre dernier, il avait déjà purgé 5 ans de peine carcérale. Dans le même temps, les trois agents secrets cubains appartenant au groupe dit des «Cuban Five», accusés d’espionnage aux Etats-Unis, ont été également libérés dans le cadre d’un échange de prisonniers. Mais les changements annoncés par la Maison-Blanche vont bien au-delà des individus. «Cinquante ans d’isolement ont montré que cela ne marchait pas», a déclaré Barack Obama, qui a parlé mardi soir au téléphone 45 minutes avec le président cubain Raoul Castro pour régler les détails de ce début de normalisation. Le président américain n’a pas occulté l’histoire tourmentée des relations américano-cubaines. Mais il a souligné les bénéfices que les deux pays peuvent tirer d’un rapprochement. Parmi les mesures les plus importantes, les deux pays vont entamer immédiatement des discussions pour ouvrir des ambassades à Washington et à La Havane, et explorer les domaines où ils peuvent coopérer étroitement comme dans la lutte contre l’épidémie d’Ebola. Les Etats-Unis vont rayer Cuba de la liste des Etats soutenant le terrorisme et lever bon nombre de restrictions en matière de voyages, de commerce et de flux d’informations. «Les institutions financières américaines vont pouvoir ouvrir des établissements à Cuba», a précisé Barack Obama. Les télécommunications entre les deux pays vont être développées. De son côté, Cuba annonce la libération d’une cinquantaine de prisonniers politiques, le développement de l’accès à Internet et l’ouverture du pays aux visites des experts des Nations unies et du CICR. Déjà critiqué par ses adversaires républicains pour avoir adopté un décret en matière d’immigration, le président démocrate a estimé être dans le cadre de son pouvoir exécutif pour radicalement transformer la politique cubaine de son administration. A Cuba, Raul Castro s’est lui aussi adressé aux Cubains à la télévision. A La Havane, les cloches sonnaient de partout pour célébrer ce moment «historique». Il est le fruit d’un processus amorcé il y a plusieurs mois. Barack Obama a dès son arrivée à la Maison-Blanche pris des mesures pour améliorer les relations interpersonnelles entre Cubains et Américains. Mais bloqué par la détention d’Alan Gross, il avait les mains liées. Les négociations secrètes qui ont repris après la réélection du démocrate en 2012 ont bénéficié de l’aide du Canada, qui a accueilli plusieurs pourparlers, mais également du pape François, qui a organisé une rencontre finale au Vatican. Barack Obama a aussi remercié le souverain pontife pour son intermédiation cruciale. Barack Obama, qui prend là la décision la plus marquante de ses six ans de présidence, est conscient que ce changement va produire l’effet d’une bombe aux Etats-Unis, notamment dans les milieux républicains et anticastristes. A ceux qui vont s’opposer à sa décision, il répond qu’il respecte leur engagement en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, mais ajoute: «Je ne pense pas que mener la même politique que celle qui fut menée au cours des cinq dernières décennies va produire des résultats différents.» Pour lui, l’embargo n’a fait que renforcer le pouvoir des frères Castro. Et les jeunes générations de Cubano-Américains sont largement favorables à l’ouverture. Le président américain ne lève pas l’embargo contre l’île, codifié par le Congrès dans la loi Helms-Burton de 1996, mais l’allège considérablement. Cela semble insuffisant pour convaincre le sénateur d’origine cubaine, Marco Rubio. Aux yeux de ce républicain de Floride, Barack Obama est le pire négociateur dans l’histoire des Etats-Unis et est naïvement tombé dans le piège de Raul Castro et de la dictature cubaine. (Article paru sur le site du journal
Le Temps