La Commission européenne a accepté l'interdiction progressive des élevage des animaux en cage dans l'Union, sous pression d'une initiative citoyenne. Près de 370 millions de bêtes sont concernées par cette proposition législative. La "fin de l'ère des cages" pourrait commencer en 2027.
Un lapin élevé en France en Espagne ou en Italie (ces 3 pays concentrent 83% de la filière en Europe) a 600 cm2 pour vivre. Soit une feuille A4. Il ne peut pas se redresser sur deux pattes — alors que c'est naturel pour cette espèce — et ne peut pas se terrer. La moitié des poules pondeuses en Europe sont encagées dans des hangars pouvant entasser jusqu'à 70 000 volatiles. Une partie des cheptels de porcs et de veaux n'échappent pas eux non plus à ce régime maltraitant qui cause de nombreux problèmes sanitaires.
Ce sont ces constats dénoncés par
l'Initiative citoyenne européenne "Pour la fin de l'ère des cages" (1,4 million de signatures) qui ont obligé la Commission européenne à s'emparer du sujet.
Bruxelles répond à l'initiative citoyenne
Stella Kyriakides et Vera Jourová (respectivement commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire et vice-présidente de la Commission), ont donc
annoncé ce mercredi 30 juin 2021 par communiqué de presse leur réponse à l'initiative citoyenne "
Pour la fin de l'ère des cages". Celle-ci est positive, puisque la Commission à l'intention de
"présenter une proposition législative d’ici à la fin de 2023 afin de supprimer progressivement et d’interdire définitivement l’utilisation des cages pour toutes les espèces et catégories d’animaux visées par l’initiative". Le Parlement européen avait déjà voté le 10 juin sur le sujet en adoptant une résolution demandant à la Commission de se prononcer pour une interdiction des cages, dans toute l’UE, d’ici 2027. Devant les députés, la commissaire Stella Kyriakides s'était engagée en, déclarant que le bien-être animal "demeurait un impératif moral, sanitaire et économique."
L'initiative à l'origine de cette décision — lancée en 2018 par l'association Compassion in World Farming (CIWF) — était soutenue par plus de 100 ONG et a été signée dans 18 pays (Rapport complet en PDF : "
Une nouvelle ère sans cages, pourquoi l'Europe doit cesser d'élever les animaux en cage") . La vice-présidente de la Commission européenne, Vera Jourova, a félicité les organisateurs de cette initiative pour
"
ce résultat extraordinaire" et a confié être "
impressionnée par leur professionnalisme et leur engagement dans cette cause". La Commission a par ailleurs tenu à préciser dans sa réponse, qu'"une
sortie progressive de ces pratiques d’élevage entrerait en vigueur à partir de 2027 et s’accompagnerait de mesures de soutien financier aux éleveurs dans cette transition". La moitié des poules pondeuses et 95% des lapins sont concernés. Quant à une partie des canards, oies, veaux, cailles et truies allaitantes en stales ou veaux nouveaux-nés, ils devraient eux aussi à termes ne plus être enfermés dans des cages.
Bien-être animal et aide aux éleveurs
L'amélioration du bien-être animal fait désormais consensus dans la majorité des pays européens ainsi qu'au Parlement : la résolution pour interdire les cages dans l'UE a été votée à une écrasante majorité de 558 voix pour, 37 contre et 85 abstentions. Mais si ce changement dans les pratiques d'élevage va changer la vie de centaines de millions d'animaux, il ne sera pas sans conséquences pour les éleveurs et l'économie européenne. C'est pourquoi les députés ont également validé le projet d’interdire l’importation de viande issue d’animaux élevés en cage hors Union.
La commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire a de plus précisé lors du communiqué de presse que "les agriculteurs seront appuyés dans leur transition, pour garantir qu’elle soit juste et économiquement viable." Une réorientation des aides de la politique agricole commune (PAC) devra être effectuée selon Stella Kyriakides, pour ne pas "menacer la survie des exploitations".
La commissaire a aussi indiqué qu'une analyse d'impact socio-économique, ainsi qu'une recherche scientifique indépendante de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) seraient menées. Toute la question reste désormais de savoir quand ces dispositions entreront en application de façon effective. Si une majorité des 27 pays membres de l'Union semblent vouloir voter cette loi en 2023, certains pays de l'Est, traditionnellement moins concernés par ce sujet, pourraient y faire barrage. Et l'unanimité de 27 membres est requise pour adopter une telle législation.
La question du bien-être animal en Europe :
Certains Etats membres n’ont pas attendu la Commission pour agir agir en faveur du bien-être animal :
Les cages dites «aménagées» pour les poules sont interdites au Luxembourg et Autriche. L'Allemagne s'est engagée à faire de même en 2025.
Les cases de gestation pour les truies sont interdites au Royaume-Uni et en Suède, et ne sont autorisées que pour les quatre jours qui suivent l'insémination aux Pays-Bas. Dans les nouvelles installations porcines au Danemark, les cases de gestation pour les truies ne peuvent être utilisées que pendant 3 jours. Cette interdiction sera généralisée à tous les systèmes d’ici 2035.
Les cases de mise-bas sont interdites en Suède et le Danemark a pour objectif d’élever 10% de ses truies hors de cages de mise-bas d'ici 2020.
Les cages pour lapins élevés pour leur viande sont interdites en Autriche depuis 2012. Il ne sera plus possible d’élever des lapins en cage en Belgique d’ici 2025. Les cages conventionnelles nues pour lapins ont été interdites aux Pays-Bas en 2016 et le seront en Allemagne en 2024
La France, quant à elle, est au 17e rang de ce classement avec seulement 25 % d'animaux d'élevage hors cage.
(Extrait du rapport du CIWF : "Une nouvelle ère sans cages, pourquoi l'Europe doit cesser d'élever les animaux en cage")