Europe : la fin de l'austérité ?

La Troïka, alliance de la banque centrale européenne, le FMI et la Commission européenne, ne jurait que par l'austérité. La seule façon, selon elle, de surmonter la crise de la dette. La Grèce, l'Italie et l'Espagne en font les frais. Elle est pourtant en train de revoir ses politiques. L'austérité serait remplacée par la croissance. 
Entretien avec Guillaume Duval, rédacteur en chef du mensuel Alternatives Économiques.
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Europe : la fin de l'austérité ?
Les Espagnols manifestent contre la réforme du travail imposée par le plan d'austérité. (AFP)
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Europe : la fin de l'austérité ?
Guillaume Duval.
Le président de la BCE, Mario Draghi, vient de déclarer que le pacte de stabilité mis en place par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy devrait être remplacé par un pacte de croissance. Est-ce un retour en arrière ? 
Cest une avancée. On se rend bien compte que cette politique d’austérité ne marche pas. La spéculation sur la dette espagnole et italienne est préoccupante. Le pacte de stabilité n’est pas compatible avec un pacte de croissance mais ils vont bien se débrouiller pour bricoler quelque chose.   Mario Draghi est un libéral confirmé. Trouvez-vous ses déclarations surprenantes ? L’austérité plombe l’économie , la rentabilité des entreprises se casse la figure, les gens sont au chômage. Les libéraux intelligents ont intérêt à ce que cette politique change. John Maynard Keynes était un grand bourgeois libéral mais il voulait tout de même que le système capitaliste marche bien pour faire du profit.
Europe : la fin de l'austérité ?
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel (AFP)
On est en période électorale en Allemagne et en France. Faudra-t-il attendre les résultats des élections pour un changement de cap ? Si François Hollande est élu, le changement va certainement s’accélérer. Ce n’est pas pour autant qu’il faudra attendre les élections  législatives allemandes en 2013 pour lancer un plan de croissance. La pression viendra des dirigeants de droite. Mariano Rajoy en Espagne a clairement dit qu’il n’arriverait pas à tenir les engagements du pacte de stabilité.   Angela Merkel est-elle isolée ? Sans aucun doute, même en Allemage  elle n’est plus populaire. Elle a besoin des soutiens des autres pour atteindre une majorité l’année prochaine, elle est loin du compte.
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Mario Draghi (AFP)
On parle d’une perte de temps à la japonaise si on continue avec une politique d’austérité…
Le Japon a pris longtemps pour saisir l’ampleur de la crise qui l’a frappé en début des années 90. Mais ils n’avaient pas un chômage à 22% comme en Espagne.  En Europe, on ne tiendra pas aussi longtemps. Les conflits sociaux et politiques risquent d’exploser à tout moment. On l’a déjà vu en Grèce.   Mario Draghi propose de relancer la croissance en allégeant les charges salariales. Est-ce viable ? 
Alléger les charges, c’est continuer avec la politique actuelle. Si vous allégez les charges, cela veut dire que vous êtes en train de prendre l’argent qui sert aux politiques sociales. La meilleure façon de relancer l’économie, et vite, c’est en faisant une transition massive avers les énergies renouvelables. Si nous sommes en récession ce n’est pas uniquement parce qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy n’ont pas su gérer l’économie. C’est aussi parce que le prix du pétrole augmente et nous en dépendons. La transition énergétique est nécessaire pour relancer l’économie et indispensable pour l’avenir. La France et la Grèce sont les deux pays européens les plus en retard sur cet aspect. Certes on a fait le Grenelle de l’environnement mais à côté, la filière du photovoltaïque a pris un gros coup pendant ce quinquennat.   Vous dites qu’en faisant cette transition verte on retrouvera très vite la croissance. Pouvez-vous estimer combien de temps ? 
On a donné mille milliards d’euros en subventions massives aux banques. Nous pouvons bien trouver la moitié pour lancer ce grand chantier. Les PIB des pays sentiraient très vite les effets positifs. En 1997, Jacques Chirac avec dissout l’Assemblée nationale. S’en suivirent les 35 heures, les emplois jeunes... En quelques mois, nous étions revenus à une situation plus équilibrée.      

Le pacte de stabilité

Sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, l'Europe vote fin 2011 un pacte de stabilité à l'issue de plusieurs réunions de crise. C'est une loi pour le renforcement de la discipline budgétaire. Les pays s'engagent à maintenir leur niveau de déficit à 3% et la dette à 60% du PIB. C'est exactement ce que le traité de Masstrich stipulait en 1992 . La Commission européenne peut imposer des feuilles de route aux pays. S'ils ne les respectent pas, les États s'exposent à des sanctions financières.