Europe : les livraisons de gaz russe "entièrement" suspendues dans un contexte de hausse des prix de l'énergie

Les Européens doivent se passer de gaz russe pour trois jours. Les livraisons par le gazoduc Nord Stream sont interrompues. Gazprom évoque des travaux de maintenance, mais l'Agence fédérale des réseaux allemande regarde cela avec scepticisme. Cette interruption intervient alors que les prix de l'énergie ne cessent de monter. 
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Le soleil se lève sur les infrastructuires de Nord Stream 1, à Lubmin en Allemagne.
AP Photo/ Markus Schreiber
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Les Européens sont de nouveau en alerte après une interruption des livraisons par le gazoduc Nord Stream ce 31 août. Ils devront passer trois jours sans gaz russe. Cette interruption intervient dans un contexte de flambée des prix de l'énergie. Elle a déjà été annoncée cet été par le géant russe Gazprom. Elle est liée à des travaux "nécessaires" dans une station de compression, située en Russie, de cette conduite qui relie directement les champs gaziers sibériens au nord de l'Allemagne, d'où le gaz est ensuite exporté à d'autres pays européens.

Quels sont les pays les plus touchés par l'interruption de Nord Stream ?

  • Le gazoduc relie la Russie à l'Allemagne par la mer Baltique. De ce fait, l'Allemagne, encore dépendante du gaz russe à 37%, est la première à subir les conséquences de cette interruption. 
  • Selon un rapport d'information du Sénat français daté du 31 août 2022, l'Autriche dépend à 65% du gaz russe.
  • Ce chiffre s'élève à 37% pour l'Italie et à 24% en France
  • Au total, la Russie est le premier fournisseur de gaz naturel en Europe, "avec 40 % des importations, ce qui représente 19 % de la consommation totale de gaz de l'Union européenne", selon ce rapport d'information. 

Le flux de gaz est effectivement tombé à zéro aux première heures de la matinée le 31 août, selon les données mises en ligne par le réseau européen de transport de gaz Entsog et par le site de la société Nord Stream. Gazprom a annoncé de son côté mercredi avoir "entièrement" suspendu ses livraisons de gaz vers l'Europe via Nord Stream. Les travaux "prévus sur une station de compression de gaz ont débuté", a indiqué le groupe russe dans un communiqué publié sur son compte Telegram.

Le gaz comme moyen de pression ?

Ces travaux de maintenance, programmés jusqu'à samedi, doivent être effectués "toutes les 1 000 heures", avait assuré précédemment Gazprom, propriétaire du gazoduc. Mais dans le contexte de la guerre en Ukraine, l'énergie est au cœur d'un bras de fer entre Moscou et les Occidentaux qui accusent régulièrement la Russie d'utiliser le gaz "comme une arme".

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Gazprom a réduit de 80% les quantités livrées par Nord Stream au fil des derniers mois. Pour le patron de l'Agence allemande des réseaux, Klaus Müller, les travaux qui débutent sont "incompréhensibles sur le plan technique". L'expérience montre que la Russie "prend une décision politique après chaque soi-disant 'maintenance'", a-t-il observé.

Aux craintes de pénuries énergétiques l'hiver prochain (conséquence des baisses de livraisons de gaz) s'ajoute un nouveau bond des prix de l'électricité qui ont atteint ces derniers jours des sommets, risquant de faire flamber les factures des consommateurs européens.

Quel impact des sanctions sur les travaux ?

Interrogé sur la reprise des flux à l'issue des trois jours de pause, le porte-parole du gouvernement russe Dmitri Peskov a observé que les capitales occidentales "ont imposé des sanctions contre la Russie, qui ne permettent pas d'effectuer des travaux normaux d'entretien et de réparation". Des déclarations peu rassurantes au regard des événements passés : en juillet, Gazprom avait déjà procédé à dix jours de travaux de maintenance sur Nord Stream.

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L'entreprise avait rouvert le robinet du gaz à l'issue de ces travaux, mais en réduisant un peu plus les quantités livrées qui s'établissent actuellement à 20% de la capacité normale du gazoduc. La faute, selon Moscou, à une turbine manquante et qui ne pourrait être renvoyée en Russie à cause des sanctions. L'Allemagne, où se trouve la turbine, assure au contraire que c'est Moscou qui bloque le retour de cette pièce-clé. 

En juillet, il s'agissait d'une maintenance régulière prévue de longue date, cette fois-ci, ce n'était pas prévu et nous ne savons pas ce qui se cache derrière cette opération.Un responsable de Gascade

Avant l'invasion russe de l'Ukraine, Nord Stream acheminait environ un tiers des 153 milliards de m3 de gaz achetés annuellement par l'UE. À Lubmin, port de la mer Baltique où aboutit le gazoduc, l'incertitude est également de mise: "En juillet, il s'agissait d'une maintenance régulière prévue de longue date, cette fois-ci, ce n'était pas prévu et nous ne savons pas ce qui se cache derrière cette opération", a expliqué un responsable de Gascade, entreprise qui transporte le gaz livré par Nord Stream à travers l'Allemagne. 

Quelles alternatives au gaz russe ?

Face au risque d'une crise énergétique majeure cet hiver, l'Allemagne, première économie européenne se démène depuis plusieurs mois pour trouver des alternatives au gaz russe, dont elle est particulièrement dépendante, et pour réduire sa consommation. Ces efforts commencent à payer, a estimé mardi le chancelier Olaf Scholz, selon lequel l'Allemagne est désormais "dans une bien meilleure position" pour affronter les mois qui viennent.

L'objectif de stockage de gaz fixé par Berlin pour octobre, à 85%, devrait être atteint "dès le début du mois de septembre", selon le gouvernement. Dans le même temps, l'industrie allemande, particulièrement gourmande en énergie, a consommé en juillet 21,3% de gaz en moins par rapport à la moyenne des mêmes mois entre 2018 à 2021. 

Et la hausse du recours au gaz naturel liquéfié (GNL) est en bonne voie: plusieurs terminaux flottants devraient entrer en fonction cet hiver. Le premier d'entre eux doit équiper le port de Lubmin et lui permettre de compenser une partie des volumes qui n'arrivent plus via Nord Stream. "Nous espérons pouvoir injecter du gaz dans le réseau de distribution le 1er décembre", a déclaré Stephan Knabe de Deutsche ReGas, la société qui porte ce projet de terminal GNL.