Exhumation d'Arafat, va-t-on connaître les causes de son décès?

Le corps de l'ancien président de l'Organisation de Libération de la Palestine est exhumé ce mardi 27 novembre, en Cisjordanie alors que Gaza se relève d'un énième conflit meurtrier avec Israël. L'objectif : déterminer si oui ou non Yasser Arafat a été victime d'un empoisonnement. L'occasion aussi de déterrer les théories qui entourent sa mort suspecte. 
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Exhumation d'Arafat, va-t-on connaître les causes de son décès?
Le corps de Yasser Arafat sera exhumé demain, en présence de juges français qui enquêtent sur les causes de son décès en 2004 (Photo AFP)
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De grandes bâches bleues recouvrent le mausolée où repose la sépulture d'Arafat au cœur de la Mouqataa, siège de l'autorité palestinienne à Ramallah. Depuis plus de deux semaines, les travaux ont commencé pour retirer du ciment et de la pierre et permettre aux enquêteurs d'atteindre la dépouille de l'ancien dirigeant de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Sur place, les Palestiniens sont partagés. "On va commettre un crime grave, on va souiller une légende" déplore ainsi Nabil, un commerçant prospère dont le journaliste Frédéric Helbert, en reportage sur place, a recueilli le témoignage. L'exhumation, dans la religion musulmane, est une profanation très grave, que seule la recherche de la vérité peut justifier, "parce qu'il faut qu'on sache" affirme un client de Nabil. "Les experts feront les prélèvements et tout sera fait dans la même journée, en quelques heures" a annoncé le président de la commission d'enquête palestinienne à Ramallah Taoufiq Tiraoui pour calmer les esprits, minimiser la portée symbolique de l'exhumation. "Le 27 novembre sera un des jours les plus douloureux de ma vie, pour des raisons personnelles, patriotiques, politiques et religieuses. Mais c'est une nécessité douloureuse pour parvenir à la vérité sur les raisons de la mort de Yasser Arafat" a ajouté Taoufiq Tiraoui, exprimant le paradoxe ressenti par beaucoup de Palestiniens. D'autres cependant sont convaincus que la "profanation" n'était pas nécessaire. C'est le cas du neveu du défunt, Nasser al-Qidwa, qui préside la fondation Yasser Arafat. "Il ne sortira rien de bon de tout ça, cela ne fera aucun bien aux Palestiniens", a-t-il déclaré à l'AFP, affirmant qu'il n'y avait "pas besoin de nouvelle preuve de l'empoisonnement" du dirigeant historique palestinien mais jugeant nécessaire "de poursuivre les assassins et leurs complices". Aucun doute sur leur identité pour Nasser al-Qidwa qui répète depuis des années sa "conviction de la responsabilité d'Israël dans l'empoisonnement de Yasser Arafat".  Des accusation qui trouvent un large échos dans l'opinion publique palestinienne. Dans un sondage réalisé en novembre 2004, plus de 80% des Palestiniens jugeaient fondées les rumeurs d'empoisonnement par Israël et 93% souhaitaient la divulgation du dossier médical, finalement publié le 12 juillet 2012, mais qui n'élucide pas les causes de la mort.

L'exhumation d'Arafat s'est faite discrètement ce matin à Ramallah

27.11.2012Karine Henry
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La thèse de l'empoisonnement

Exhumation d'Arafat, va-t-on connaître les causes de son décès?
Souha, la veuve controversée de Yasser Arafat
La thèse d'un empoisonnement du dirigeant palestinien, dont la mort le 11 novembre 2004 à l'hôpital militaire français de Percy n'a jamais été élucidée. Elle a été relancée après la diffusion en juillet d'un documentaire d'Al-Jazeera. La chaîne avait fait analyser des échantillons biologiques prélevés sur les effets personnels d'Arafat que lui avait confié sa veuve, Souha Arafat. Un laboratoire spécialisé de Lausanne (Suisse) avait alors découvert "une quantité anormale de polonium". Cette substance radioactive hautement toxique avait déjà servi en 2006 à l'empoisonnement d'Alexandre Litvinenko, un ex-espion russe devenu opposant au président Vladimir Poutine.  A la suite de ces révélations, Souha Arafat, qui vit à Malte et n'est jamais revenue dans les territoires palestiniens depuis 2004 a décidé de déposer plainte en France pour assassinat, ouvrant ainsi la voie à l'exhumation. Sa personnalité est très controversée et beaucoup ne voient pas sa démarche d'un bon œil. Elle est, par exemple, accusée d'avoir refusé l'autopsie de son mari, en 2004, ce qu'elle dément. A l'époque, c'était elle qui gardait étroitement l'accès à la chambre de son époux malade. Elle avait d'ailleurs fait scandale en accusant trois de ses vieux compagnons de route, dont Mahmoud Abbas, "qui cherchent à hériter du pouvoir" et "tenter d'enterrer Abou Ammar (nom de guerre de Yasser Arafat - ndlr) vivant" en se rendant en France à son chevet. Ses avocats français ont pourtant tenu à rappeler que sa plainte était "dirigée contre X - de telle sorte que Souha et Zahwa (leur fille- ndlr) Arafat n'accusent personne : ni Etat, ni groupement, ni individu". "C'est une épreuve douloureuse mais nécessaire" a affirmé Souha Arafat à l'AFP. "S'il y a eu crime, il faut qu'il soit découvert".

La thèse du polonium est-elle crédible?

Interview d'un spécialiste, Jean-René Jourdain, pharmacien et radiobiologiste à l'IRSN

26.11.2012
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Une nouvelle hypothèse

Interrogé par Slate.fr , le professeur Marcel Francis-Kahn croit à l'empoisonnement, mais pas au polonium. L'ancien chef du service de rhumatologie de l'hôpital Bichat à Paris, qui est aussi le coofondateur de l'association France-Palestine Solidarité pense que cette hypothèse "ne tient pas la route". "Tous les spécialistes savent qu'une intoxication par un produit radioactif ne donne pas les symptômes constatés chez Arafat. Ce dernier ne présentait notamment ni perte de cheveux ni leucopénie profonde {chute massive des taux de la lignée blanche du sang} comme on le voit chez les personnes qui sont intoxiquées par les isotopes. En revanche, tout collerait très bien avec un empoisonnement par une des toxines de l'amanite phalloïde ou du cortinaire des montagnes. On y trouve la facilité d'administration, les premiers symptômes prolongés, la CIVD {coagulation vasculaire disséminée sévère}, l'évolution prolongée (jusqu'à 30 jours pour le cortinaire et ses toxines) et la défaillance hépato-rénale avec troubles de coagulation terminaux. Ce type de toxine est étudié notamment dans le centre de Nes Ziona, pas très loin de Tel-Aviv".
Il faudra attendre trois mois avant que la commission d'enquête palestinienne puisse faire connaître les résultats définitifs des prélèvements réalisés aujourd'hui sur la dépouille de Yasser Arafat.