Les expositions de Jean-Michel Basquiat ou de Larry Clark au Musée d'Art Moderne de Paris sont certes incontournables, mais il faut absolument fendre l'énorme foule qui s'y presse et descendre jusqu'au sous-sol. Là, en bas des escaliers, à droite, se trouve l'exposition « Gaza 2010 ». Des photos percutantes de Kaï Wiedenhöfer, lauréat 2010 du prix Carmignac du photojournalisme.
Depuis près de 20 ans ce photojournaliste allemand sillonne à moto la Bande de Gaza. « J'ai vécu dans la bande de Gaza. Les accords d'Oslo ont suscité de grands espoirs de paix en faveur de l'émergence d'un Etat palestinien mais en fait d'amélioration, j'ai photographié une occupation qui s'intensifiait et a conduit à une détérioration accrue de la vie quotidienne des Palestiniens » témoigne Kaï Wiedenhöfer. Début 2010, soit un an après l'opération Plomb Durci, l'offensive israélienne visant à réduire à néant le Hamas, Kaï revient encore, il veut voir ce que sont devenus les habitants. « L'attaque menée par Israël laissa une friche semée de 600 000 tonnes de décombres de béton, 1500 morts et 10 000 blessés » constate le photojournaliste.
VICTIMES ANONYMES Voici Ibrahim 25 ans et son fils Obeida 2 ans. « Ibrahim est tailleur et se rendait sur son lieu de travail dans la zone industrielle de Beit Hanoun lorsqu'il a été atteint par une roquette. Un de ses collègues est blessé et trois enfants tués sur le coup. lui, a perdu sa main droite et 18 cms d'os dans l'une de ses jambes » détaille la légende placée au-dessous de la photo.
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Chacune des photographies de l'exposition, près de cent en tout, est minutieusement légendée. Derrière ces hommes et ces femmes au regard prégnant, une blessure profonde, une histoire de vie et la perte d'un ou plusieurs être chers. En quelques lignes brutes, Kaï donne une identité à ces victimes anonymes du conflit israélo-palestinien et raconte un bout de leur drame. TÉMOIN DE LA SOUFFRANCE Pas de jugement, pas de parti pris : l'exposition montre aussi une femme, Sabah, 42 ans, amputée faute de soins après avoir été la cible de militants du Hamas parce qu'elle avait critiqué le parti. Aucun misérabilisme non plus, juste la volonté de raconter l'Histoire, de témoigner de la souffrance d'un peuple délaissé par la communauté internationale, éclipsé par la plupart des médias de masse parce que, on le sait, une actualité en chasse une autre et ce conflit si long reste un sujet difficile et hautement sensible. La mission de Kaï Wiedenhöfer est sans conteste réussie. Le regard profond de ces hommes et femmes nous suivent longtemps après avoir quitté les lieux. > Kaï Wiedenhöfer jusqu'au 5 décembre 2010 au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris, entrée gratuite
À lire
Le livre de la destruction Kaï Wiedenhöfer Edition STEIDL 2011
Le prix Carmignac du photojournalisme
Carmignac gestion est une société de gestion d'actifs financiers. En 2000 elle crée une Fondation, notamment mécène de la grande exposition dédiée à Jean-Michel Basquiat, événement de l'année au Musée d'art moderne de la ville de Paris. L'an passé, la Fondation Carmignac Gestion crée un prix destiné à financer un reportage en prise directe avec l'actualité, et de soutenir une profession en proie à une grave crise. Le lauréat se voit remettre une bourse de 50 000 euros accompagnée d'une exposition et d'une monographie.