Exposition : “(Be)Au boulot !“, ou comment voir le travail autrement
Gérard Filoche est un inspecteur du travail à la retraite. Engagé aux côtés du candidat socialiste à la présidentielle, il connaît parfaitement le monde du travail et dresse un bilan extrêmement critique du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
La notion de travail n’est pas vraiment au cœur de la campagne électorale…
C’est peu de le dire.. Vous savez pourtant que le code du travail concerne 18 millions de salariés du privé. C’est un droit intime, quotidien, essentiel. Même ceux qui ne le connaissent pas, leur vie en dépend. Et on n’en parle jamais. Ils ne savent pas ce que c’est les candidats ? Sarkozy, quand il l’évoque, c’est pour dire que ça gêne, qu’il faut un pacte de compétitivité, qu’il faut le casser, que les salariés sont des fainéants qui ne produisent pas assez. C’est incroyable !
Au fond, quand on parle de travail, c’est surtout pour parler d’absence de travail, pour parler de chômage…
Absolument ! Et l’UMP (le parti présidentiel, NDLR) se moque de ceux qui veulent partager le travail mais eux l’ont fait brutalement : ils partagent le chômage ! Chômage partiel, chômage temps plein, temps partiel, précarité… Il y a un partage brutal du travail fait par Sarkozy depuis cinq ans et il se termine par une catastrophe sociale car les inégalités se sont développées entre tous les salariés. Mais si je comprends bien, en Europe c’est partout pareil puisqu’en Italie, en Espagne, on fait du chantage à la casse du Contrat à Durée Indéterminée et Sarkozy nous menace d’avoir le sort de l’Espagne si on ne fait pas pareil !
Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy a fait campagne sur un slogan « travailler plus pour gagner plus ». Le résultat n’est pas très convaincant.. Quelles conséquences selon vous sur la perception du travail dans la société ?
D’abord il se moquait du monde : on a travaillé moins et gagné moins. Ce que ça a changé ensuite c’est que les gens se sont retrouvés menacés de perdre leur emploi s’ils ne travaillaient pas plus. Pour ce qui est des heures supplémentaires, c’est une arnaque : en vertu de la loi TEPA, plus d’heures supplémentaires ont été payés au patron mais eux en ont déclaré moins au total. Résultat il y a probablement un milliard d’heures supplémentaires impayées dans ce pays mais la moyenne de durée de travail hebdomadaire est probablement dans la vie réelle déjà entre 41 et 42 heures au lieu de 35 heures. Sans parler enfin des nouvelles méthodes de management qui poussent à produire, produire, produire sans être payé plus.
Gérard Filoche, vous êtes engagé auprès du candidat socialiste François Hollande. Sur cette question du travail, quels seront ses grands chantiers, ses grands défis ?
D’abord, lui s’oppose au pacte de compétitivité. Il demande le respect du droit des humains au travail. Il demande à ce qu’on maintienne un SMIC et qu’on l’augmente non seulement en fonction des prix mais aussi de la croissance. Il demande la redistribution du travail avec des pactes entre les générations. Il a fait tout un ensemble de propositions qu’on pourrait encore améliorer mais qui vont dans le sens de la lutte contre le chômage de masse.