Quelle carte Christophe Colomb consultait-il en faisant route vers les Indes ? Devant quels animaux marins les navigateurs du Moyen Âge s'étonnaient-ils ? Comment les explorateurs du XIVe siècle se représentaient-ils la longue chaîne côtière de l'Atlas en Afrique du Nord ? Quels projets la France du XVIIe siècle nourrissait-elle en Amérique du Sud ? L'exposition de la Bibliothèque nationale de France (BNF) apporte une réponse en images à toutes ces questions, et à bien d'autres encore.
Manuscrits et instruments de navigation anciens ; planches représentant bois précieux ou épices, jadis si prisés ; représentations de peuples exotiques aux mœurs inconnus ; illustrations de monstres exotiques, agrémentées d’une profusion de détails plus ou moins exacts, comme le rhinocéros du peintre allemand Albrecht Dürer... Cette exposition sans précédent présente 200 pièces exceptionnelles conservées par la BNF ou prêtées par des bibliothèques et musées français, mais aussi britanniques ou italiens. Mais c'est surtout la première fois qu'une exposition rassemble autant de portulans - près de 80 dont certains n'ont jamais été présentés au public. Au-delà de leur valeur technique pour les navigateurs de l’époque, beaucoup sont de véritables œuvres d’art, à commencer par les exemplaires de luxe réalisées pour des commanditaires riches et puissants, enluminés et rehaussés d’or. Toutes ces cartes reflètent un monde en mouvement, un monde en quête d'un ailleurs, un monde qui se découvre et installe, à l’aveuglette, les rapports qui vont dessiner les grandes lignes de l’histoire des siècles à venir.
Quand l’Europe découvrait le monde
Cette exposition est le récit de la découverte du monde par les Occidentaux. Partant de la Méditerranée, ils se sont aventurés le long des côtes africaines puis, petit à petit, ils ont élargi leur monde. « Ce qui transparaît à travers ces cartes marines, c’est l’émergence d’une perception du monde et du temps complètement nouvelle. Entre la carte de Fra Mauro, qui synthétise tout le savoir du Moyen Âge en 1459 à la veille des grandes découvertes, et celle de Salviati, réalisée vers 1525, on voit les contours du monde se dessiner en l’espace de 75 ans ! C’est extraordinairement rapide. Jusqu’à alors, l’Occident ne connaissait encore qu’un tiers de la planète, » explique Catherine Hofmann, commissaire de l’exposition.
La carte portulan , ou cinq siècles de navigation
Carta Marina, 1539 (Wikipedia)
De l’italien portolano (livre d’instructions nautiques), la carte portulan indique la succession des ports le long des côtes. Les noms s’alignent en rangs serrés, perpendiculairement à la côte, côté terre. Les chaînes de montagne côtières apparaissent sous la forme de traits épais, grossiers et uniformes, qui contrastent avec la finesse du trait sur le reste du dessin. L’espace maritime, lui est sillonné de lignes, appelées lignes de vent, ou "lignes de rhumb". Elles rayonnent de roses des vents reproduites de manière plus ou moins stylisée en plusieurs points de la carte. Un système qui permettait aux marins de s’orienter et de faire le point, en reportant sur la carte la distance qu’ils estimaient avoir parcourue. De ces premières cartes nautiques, seuls de rares vestiges ont survécu. Le tout premier portulan occidental connu, la carte pisane, remonterait à 1290 - tracée à Gênes, elle est conservée et exposée par la BNF. Vient en second un portulan de 1296 dans une charte napolitaine, puis le cartographe Angelino Dulcert en a réalisé un en 1339 (voir diaporama). La carte portulan a perduré pendant plus de cinq siècles, jusqu'à l'apparition de la carte en projection de Mercator, encore utilisée aujourd'hui.
Informations pratiques
Grande Galerie de la Bibliothèque nationale de France, Paris 13e