Fausses informations, la France légifère.... Et ailleurs ?

La nuit de mardi à mercredi 4 juillet aura été houleuse à l'Assemblée Nationale, à Paris. Après des heures de débat, la France adopte finalement deux propositions de loi controversées contre "la manipulation de l'information". La France est l'un des premiers pays au monde à se doter d'une loi du genre. 
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La loi française contre les "fausses nouvelles" vise notamment les diffuseurs numériques
La loi française contre les "fausses nouvelles" vise notamment les diffuseurs numériques.
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La loi contre la "manipulation de l'information" était très contestée. Elle a finalement été adoptée ce mercredi 4 juillet. Censée "protéger la démocratie", selon la ministre de la Culture Françoise Nyssen, elle vise à enrayer les "fausses informations" en période électorale ,à protéger les candidats contre la calomnie, et ainsi protéger le débat public. La loi ne vise pas les auteurs de fausses nouvelles, mais leur diffusion par les plateformes numériques. 

Dorénavant, durant les trois mois précédant un scrutin national, les partis ou candidats pourront saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de "fausses informations". Les sites web relayant une information "fausse" pourront être bloqués. Les plateformes, telles Facebook ou Twitter, devront être transparentes, et notamment indiquer, le cas échéant, l'identité et le montant versé par un individu ou une société pour relayer de l'information se rattachant à un débat d’intérêt général. Le CSA pourra aussi empêcher la diffusion de services de télévision contrôlés "par un État étranger ou sous l'influence de cet État", et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. 

[À VRAI DIRE...] CES INFOS SONT-ELLES DES INTOX ?

L'opposition critique l'instauration d"une vérité officielle" (Eric Ciotti, LR). Nicolas Dupont-Aignan dénonce "une loi scélérate qui vise à organiser la censure de l'opinion adverse". Jean-Luc Mélenchon se demande "allons-nous interdire, et quand, Russia Today et Sputnik ? Si vous voulez interdire ceux qui de l'extérieur répandent de fausses nouvelles ou  qui s'expriment par des canaux qui appartiennent à des gouvernement étrangers, vous n'êtes pas sortis de l'auberge. Il va falloir surveiller matin midi et soir la BBC, tous les jours Al-Jazeera, etc" . 

Droite et gauche dénoncent un texte au mieux "inapplicable", et "inefficace", et des délais trop courts : le juge des référés a 48 heures pour se prononcer.  

 

La Suisse n'a pas voulu légiférer

En Suisse, la question d'un "cadre juridique pour les médias sociaux" s'est posée depuis 2013, sans qu'aucune loi ou stratégie globale ne soit adoptée. L'année dernière, un nouveau rapport a été publié. Et comme la première fois, aucune mesure n'est adoptée.

Bien que dans son rapport de mai 2017, le Conseil Fédéral reconnaît "l'influence croissante sur le discours politique – voire sa manipulation – par de fausses informations ("fake news") et le fait que celles-ci soient de plus en plus générées automatiquement par des programmes (robots sociaux), font actuellement l'objet de vifs débats" ; il "arrive à la conclusion que l'adoption de nouvelles mesures de réglementation n'est pas nécessaire pour le moment".

Pour un certain nombre d'universitaires, dont le chercheur en neurosciences Sebastian Dieguez, la Suisse ne légifère pas, car ses hommes et femmes politiques seraient déjà protégés contre les fausses informations. Son système politique, basé sur le compromis, l'effacement de la personne des élus, et surtout sur une présidence tournante  (les sept membres du Conseil Fédéral devenant président tour à tour pour un an), serait en lui même un garde-fou contre les rumeurs et calomnies visant les élus. 
 
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Et ailleurs ?

En ALLEMAGNE : depuis le début de l'année, les plateformes numériques de plus de deux millions d'utilisateurs ont 24 heures (après notification) pour retirer du contenu criminel, des messages incitant à la haine, mais aussi des fausses nouvelles. Les plateformes sont passibles de 50 millions d'euros d'amende. 

En MALAISIE : en avril dernier, la Malaisie s'est dotée d'une loi contre "les informations fausses ou partiellement fausses", et peut condamner son auteur à 100.000 euros et six ans de prison. Le nouveau gouvernement malaisien a promis de l'annuler ce mois de juillet.

En REPUBLIQUE TCHEQUE : plutôt qu'une loi, le pays a préféré se doter d'une "unité spéciale" au ministère de l'Intérieur chargée de détecter et contrôler les campagnes de désinformation, qui pourraient mettre en danger la sécurité intérieure. L'unité a un compte Twitter qui diffuse des conseils pour identifier des sources de confiance, et qui pointe du doigt des fausses informations.