N'assistons-nous pas à une montée en puissance des talibans avec ces attentats ? Il y a une montée en puissance des talibans alimentée par la guerre menée contre le terrorisme dans le pays. Une guerre conduite sous le diktat américain pour certains. Les talibans bénéficient aussi d'une nébuleuse qui regroupe les talibans pakistanais et les talibans afghans qui ont trouvé refuge au Pakistan. Ils sont beaucoup plus actifs que par le passé et notamment à Karachi, alors qu'ils étaient auparavant contenus sur le territoire frontalier avec l'Afghanistan. Ils ont certes un gros pouvoir de nuisance mais on est très loin d'une dynamique de pouvoir. Lorsqu'ils s'étaient approchés d'Islamabad en 2009, en investissant
la vallée de Swat, ils ont été expulsés par des offensives militaires. Ils restent aujourd'hui encore canalisés à l'ouest de l'Indus, qui est une ligne de démarcation forte au Pakistan, entre le Pendjab et les régions frontalières de l'Afghanistan. Quel impact ces attentats ont-ils sur les législatives ? On a une campagne électorale biaisée parce que les partis laïcs qui étaient au pouvoir n'ont pas pu mener la campagne comme ils l'auraient voulu. Un exemple :
Asfandyar Wali Khan, le chef du parti national Awami, qui est un parti régional présent dans le Khyber Pakhtunkhwa (nord-ouest), a dû mener la campagne à partir d'Islamabad parce que c'était trop dangereux de le faire depuis sa province, beaucoup de membres de son partis ayant été assassinés au fil des années par les talibans. Ces partis n'ont pas pu mener les meetings publics, parce que les gens avaient peur des attentats.
Le parti le plus épargné c'est celui d'Imran Khan, ce qui n'est pas étonnant parce qu'il a toujours eu une position très ambiguë envers les talibans. Selon lui, les talibans sont des brebis égarées qu'on peut faire revenir dans le giron politique normal.
Une dérive islamiste est-elle à craindre alors que certains candidats se disent prêts à négocier avec les talibans ? Une dérive islamiste existe au sein de la société depuis les années 70. C'est une république islamique mais l'imposition de la charia n'est pas pour demain. Quand les candidats se disent prêts à négocier avec les talibans, les calculs se portent sur l'avenir de l'Afghanistan. L'idée est de ramener les talibans afghans au pouvoir à Kaboul. Les militaires estiment que s'ils n'ont plus à faire face qu'aux talibans pakistanais, ils pourront les canaliser dans les régions comme le Waziristan. Par ailleurs, si les talibans sont au pouvoir en Afghanistan, ils seront plus favorables aux intérêts du Pakistan que l'est actuellement Hamid Karzaï, qu'ils considèrent comme une marionnette des Américains. Ils réduiront notamment la présence indienne dans le pays. Et le cauchemar des Indiens est qu'un retour des talibans à Kaboul laisse le champ libre aux services secrets pakistanais d'utiliser leurs talibans pour réamorcer la flamme insurrectionnelle au Cachemire.