Fil d'Ariane
Nous sommes le mardi 17 août. Les nouveaux maîtres de Kaboul, depuis deux jours, tiennent dans la capitale leur première conférence de presse. Ils s'efforcent de rassurer la communauté internationale sur leurs intentions. Le nouveau régime, selon leur porte-parole Zabihullah Mujahid ne sera pas lieu d'acceuil pour terroristes. Le nouveau pouvoir s'engage "à laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l'islam." Les talibans promettent la mise en place d'un gouvernement ouvert à tous les partis du pays. De telles promesses suffisent-elles à rassurer les chancelleries ?
États-Unis. Les Américains maintiennent un dialogue constant avec les talibans depuis leur entrée dans Kaboul. Ils négocient ainsi avec les talibans le "calendrier" des évacuations. Cependant, la Maison blanche insiste sur le fait qu'elle attendra de pouvoir juger sur les actes, notamment sur le respect des droits humains, avant de décider de la nature de leurs futures relations diplomatiques.
Washington s'est néanmoins dit prêt à maintenir sa présence diplomatique à l'aéroport de Kaboul après la date limite de retrait militaire fixée au 31 août, à condition que la situation soit "sûre". C'est ce que précise le porte-parole du département d'Etat, Ned Price.
Union Européenne. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, estime que L'Union européenne "devra parler" aux talibans "aussi vite que nécessaire", car ces derniers "ont gagné la guerre" en Afghanistan. Il a néanmoins précisé que de telles discussions n'impliquaient pas pour autant une prompte reconnaissance officielle du régime taliban par Bruxelles.
Extraordinary #FAC Afghanistan: discussed lessons learnt, immediate measures to facilitate evacuations, support to Afghan population, management of migratory consequences, and ways to engage with authorities to preserve political and social achievements.https://t.co/pu3F2wcUtZ pic.twitter.com/2gMEBngd7r
— Josep Borrell Fontelles (@JosepBorrellF) August 17, 2021
Cette prise de position rapide de Josep Borell a cependant fait grincer des dents au sein de l'administration de Bruxelles.
L'Union européenne et les États-Unis se sont par ailleurs dits "profondément inquiets" de la situation des femmes en Afghanistan. Ils ont appelé les talibans à éviter "toute forme de discrimination et d'abus" et à préserver le droit des femmes.
France. Il est "trop tôt" pour décider du maintien ou non de l'ambassade de France à Kaboul, qui dépendra de l'évolution de la situation après la prise du pouvoir par les talibans, a indiqué mardi l'Elysée. L'Elysée a souligné que la question de la reconnaissance du régime taliban par Paris ne se posait pas car "la France reconnaît les pays, pas les régimes".
#Afghanistan : J’ai demandé que les Taliban démontrent par des actes qu’ils ont changé comme ils le disent. A eux d’en faire la preuve. La France se tient aux côtés du peuple afghan.
— Jean-Yves Le Drian (@JY_LeDrian) August 18, 2021
Pour le moment, l'ambassade reste opérationnelle même si elle a été délocalisée à l'aéroport de Kaboul, où l'ambassadeur David Martinon et son équipe gèrent les opérations d'évacuation des derniers ressortissants français et des Afghans ayant travaillé pour la France
Allemagne. "Nous jugerons les talibans à leurs actes", a prévenu mardi 17 août le ministre allemand des Affaires étrangères. Il a déploré l'entrave de l'accès à l'aéroport de Kaboul pour les candidats afghans à l'évacuation.
L’Allemagne a annoncé avoir suspendu son aide au développement à l'Afghanistan.
Royaume-Uni. Les talibans "seront jugés sur les actes, pas sur les paroles", a averti le Premier ministre britannique Boris Johnson mercredi lors d'une session extraordinaire du Parlement consacrée à la situation en Afghanistan, d'où le Royaume-Uni a évacué plus de 2.000 Afghans.
The Prime Minister gave an update to the @HouseOfCommons on the situation in Afghanistan.
— UK Prime Minister (@10DowningStreet) August 18, 2021
The UK is focused on helping those to whom we have direct obligations and leading the international effort to avert a humanitarian crisis.
➞ https://t.co/mmMPKuitnP pic.twitter.com/E6qxsiZCjF
Boris Johnson plaide pour une "approche unifiée" de la communauté internationale face au retour au pouvoir des talibans. Il s'est entretenu ces derniers jours avec le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel et le président américain Joe Biden. Une rencontre des dirigeants du G7 est prévue dans les prochains jours.
Canada. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau ne veut pas entendre parler de dialogue avec le nouveau pouvoir de Kaboul. Le Canada n'a "aucune intention de reconnaître un gouvernement taliban" a insisté le chef du gouvernement fédéral.
"Canada has no plans to recognize the Taliban as the government of Afghanistan," says Justin Trudeau in Markham. "They have taken over & replaced a duly elected democratic govt by force" & "are a recognized terrorist organization under Canadian law,” he says. #cdnpoli | #elxn44 pic.twitter.com/F2bUeZllgZ
— CPAC (@CPAC_TV) August 17, 2021
"Lorsqu'ils étaient au pouvoir il y a 20 ans, le Canada ne reconnaissait pas leur gouvernement. Ils ont renversé par la force et remplacé un gouvernement dûment élu, et forment un groupe terroriste d'après la loi canadienne", a-t-il poursuivi en marge d'un point presse en Ontario pour la campagne législative.
Chine. Pékin n'a pas encore reconnu officiellement le régime des talibans, attendant de voir la composition d'un futur gouvernement. Le pays, qui partage 76 km de frontière avec l'Afghanistan, a néanmoins indiqué ce lundi 16 août qu'il souhaitait des "relations amicales" avec les talibans.
Malgré le rapatriment de 210 de ses ressortissants, la Chine a maintenu ouverte son ambassade à Kaboul. Son ambassadeur est toujours présent dans la capitale afghane.
Russie. Moscou a jugé mardi 17 août que les talibans envoyaient des signaux positifs en matière de libertés et de partage du pouvoir. Bien qu'appellant à un dialogue inter-afghan, la diplomatie russe estime que les talibans se comportent de manière "civilisée" à Kaboul.
La Russie, bien qu'elle considère les talibans comme une organisation terroriste interdite, a des relations avec eux depuis plusieurs années et a reçu ses émissaires à Moscou à de nombreuses reprises. Comme la Chine, l'ambassade russe fonctionne toujours à Kaboul.
Turquie. Le pays du Moyen-Orient a estimé mardi 17 août que les messages envoyés par les talibans depuis leur prise du pouvoir à Kaboul étaient "positifs". La Turquie affirme avoir des discussions avec le mouvement islamiste radical.
La Turquie accueille "de manière positive" les messages envoyés jusqu'à présent par les talibans et espère que "cela se reflérera dans leurs actes".
Iran. Le pays partage plus de 920 kilomètres de frontière avec l'Afghanistan.
Dans un communiqué officiel, le président iranien Ebrahim Raïssi estimait ce lundi 16 août que "la défaite militaire" des États-Unis en Afghanistan devait se transformer en une "opportunité de paix".
L'Iran a annoncé dimanche 15 août avoir réduit les effectifs de son personnel diplomatique en Afghanistan. Mais son ambassade est toujours ouverte à Kaboul.