Fespaco : "un cinéma africain très contemporain"

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Hicham Ayouch est l'invité du 64' de TV5MONDE.
Interview de Xavier Lambrechts
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Le 24è Festival panafricain du cinéma vient de refermer ses portes. Avec TV5MONDE pour en parler : le réalisateur marocain Hicham Ayouch, lauréat de l'Etalon d'or pour Fièvres, et Thomas Sotinel, journaliste au Monde et spécialiste du cinéma africain.

Entretien avec Thomas Sotinel

Comment interprétez-vous ce palmarès 2015 ?

Je le trouve un peu conservateur, dans la mesure où il ignore une grande partie des films réalisés avec très peu de moyens, comme Entre le marteau et l'enclume, du Congolais Amog Lemra. Le film d'Hicham Ayouch, lui, a déjà vécu. Il est sorti en France et a été présenté dans certains festivals. Quant à Fadhma N'Soumer du réalisateur algérien Belkacem Hadjadj (Etalon d'argent, ndlr), fait pour célébrer le cinquantenaire de l'indépendance, il bénéficie de l'appui de son gouvernement.
 
Je ne suis pas sûr que ce palmarès reflète bien ce qui se passe actuellement dans le cinéma africain, à l'exception du 3ème prix décerné à  l'oeil du cyclone, du Burkinabè Sékou Traoré, qui, lui, essaie de concilier les exigences du cinéma international et les goûts du public africain. Voilà un film équilibré, cohérent, qui dit des choses intéressantes sur l'Afrique d'aujourd'hui. C'est l'histoire d'une avocate amenée à défendre un chef rebelle qui commandait des enfants soldats. Ce film représente tout que j'ai aimé dans le festival : la découverte d'un cinéma qui a complètement changé en dix ans et qui est devenu très contemporain.

Il était votre favori ?

Difficile de parler de favori dans une compétition aussi hétérogène, qui mettait en présence des films relevant de logiques cinématographiques très différentes. D'une part le cinéma d'auteur, qui émane en général de cinéastes appartenant à la diaspora, soit issus de familles ont quitté définitivement l'Afrique, soit vivant à cheval entre deux pays. C'est le cas de Timbuktu, de Sissako, mais aussi du lauréat, Fièvres. Hicham Ayouch, comme son frère Nabil, vit entre la France et le Maroc, et le film a été tourné en France. Ce cinéma d'auteur africain repose sur des aides en partie publiques et sur une vie en festivals, en dehors des circuits commerciaux.
 
De l'autre côté, il y a les films destinés au grand public africain qui, pour schématiser, relèvent de Nollywood. Ce sont des productions dont les coûts sont proportionnels aux ressources que peut espérer le cinéma africain de son public. Ce cinéma africain dépend d'une vie économique sans subventions et repose sur l'exploitation en salles ou en DVD.

Comment les deux courants coexistent-ils ?

La coexistence entre ces deux communautés de créateurs se révèle assez fructueuse. Le problème, c'est que l'on arrive à un stade où le fossé en termes de ressources, de goûts, et d'histoire se creuse, ce qui fait qu'il devient difficile de les juger à la même aune.
 
Difficile de savoir comment les choses vont évoluer. Il se peut que les deux courants continuent à coexister sans se rencontrer, mais il se peut aussi aussi qu'un public de cinéma d'auteur finisse par émerger en Afrique, comme en Europe, en Amérique du Nord ou même en Amérique du Sud. Et que les auteurs de la diaspora trouvent nécessaires de toucher le public africain. Je pense que cela arrivera.

La force du cinéma africain, c'est la force de l'Afrique. Avec à la fois une expansion forte des goûts, des besoins, des appétits du public africain, que les créateurs essayent de suivre, voire d'influencer. Et d'autre part la diaspora et son cinéma d'auteur.

Retour sur la soirée de clôture du Fespaco

La remise des prix avait lieu en présence du président de la transition Michel Kafando. L'Etalon d'or a été remis au Marocain Hicham Ayouch pour  Fièvres. L'Etalon d'argent revient à l'Algérien Belkacem Hadjadj pour Fadhma N'soumer et le burkinabè Sékou Traoré remporte l'Etalon de bronze pour L'Oeil du cyclone.

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