Fil d'Ariane
Le Canada fait face à une situation exceptionnelle depuis plusieurs jours avec des feux de forêt qui brûlent d’un bout à l’autre du pays. Pour mieux comprendre ce phénomène, voici quelques explications de Waldir Da Cruz, météorologue de Radio-Canada.
Images aérienne à Shelbrune en Nouvelle Écosse le 31 mai 2023.
Avec les changements climatiques, les phénomènes météorologiques, y compris la sécheresse, les ouragans ou les inondations, deviennent de plus en plus intenses. On doit donc s’attendre à une plus grande fréquence de ce genre d’incendies dans nos forêts, parce que les épisodes de sécheresse durent plus longtemps que d’habitude, asséchant ainsi la flore. On le constate : des records sont battus chaque année.
Et la situation n’est pas unique au Canada. Ces risques s’accentuent partout dans le monde, comme on l’a vu en 2022.
En ce qui concerne les incendies, le plus grand risque provient avant tout des activités humaines, malheureusement, mais il y a aussi les foudres des orages qui déclenchent des feux. Au Québec, en ce moment par exemple, on constate des risques d’orages dispersés, ce qui est très dangereux parce que tous les ingrédients sont présents pour exacerber les risques d’incendie.
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Dans les Maritimes, où des incendies très intenses ont cours, les risques sont tout autre. Après la sécheresse, on s’attend à de la pluie abondante; cela veut dire que l’eau va ruisseler et ne sera pas tout de suite absorbée par la terre, ce qui accentue les risques d’inondation.
C’est d’ailleurs ce qui est arrivé en Colombie-Britannique en juin 2021 quand les températures ont frôlé les 50 degrés à Lytton, causant des feux de forêt, puis qu'au mois de novembre il y a eu des pluies diluviennes dans ce même secteur, provoquant des inondations importantes.
Tout est donc lié.
Le problème, c’est l’intensité de ces événements météorologiques. On passe à chaque fois d’un extrême à l'autre, sans aucune transition fluide comme on en voyait au début du siècle.
Pourtant, les feux de forêt ont toujours existé. Pourquoi est-ce plus préoccupant maintenant?
À la base, les incendies de forêt sont un phénomène naturel et nécessaire. Normalement, ils sont provoqués par les foudres des orages; et les cendres, qui sont riches en nutriments et en sels minéraux, vont enrichir le sol.
Sauf que la nature, sans les activités humaines, s’en occupait très bien. Maintenant, non seulement il y a des dérèglements climatiques, mais en plus les humains sont devenus les principaux responsables de ces feux.
Il faut savoir que, quand le sol d’un bois est asséché, le feu peut être déclenché par un simple mégot ou même par le passage d’une voiture, du moteur de laquelle émane une forte chaleur, par exemple.
Oui. De par sa géographie, le Canada se trouve dans une position entre les masses d’air chaudes, qui viennent directement du golfe du Mexique, et les masses d’air froides, qui nous parviennent de l’Arctique. Ces deux masses s'affrontent, ce qui crée un fort contraste à travers le pays.
Des pompiers canadiens en Nouvelle-Écosse arrosent le sol pour éviter un nouveau départ d'incendie.
Dans quelques jours, par exemple, il fera entre 5 et 10 degrés dans les Maritimes, alors que dans les Prairies on prévoit des températures allant de 30 à 35 degrés. On le constate même à Montréal, où les températures baissent de 20 degrés en l’espace de quelques heures.
Ces contrastes thermiques entre les masses d’air chaudes et froides ont le potentiel d'intensifier certains phénomènes comme les orages et les précipitations, mais aussi les vagues de sécheresse, les canicules ainsi que les tornades, qui sont quand même très présentes dans le pays.
Cette dynamique risque de s'amplifier au cours des prochaines années.
On a des outils qui nous permettent d’anticiper ces phénomènes extrêmes, mais seulement à court terme.
Parfois, les modèles météorologiques ne s’accordent pas entre eux, et c’est là qu’intervient le travail des météorologues qui vont analyser toutes ces données, mais ça reste difficile de prévoir à long terme.
On voit la même chose avec les sismologues qui disposent de modèles capables d’anticiper des risques de tremblement de terre, mais ce n’est pas encore très fiable pour prévoir de futures activités sismiques.
On peut anticiper les zones où peuvent survenir des catastrophes et mettre en garde la population. On anticipe l’avenir en prévision de phénomènes météorologiques qui ne sont même pas encore nés, grâce aux outils technologiques qui nous permettent d’avoir un petit aperçu de ce qui risque de se passer, mais ce n’est pas encore très fiable sur le long terme.