Fièvre porcine africaine : l’épidémie menace les frontières franco-belges

La Chine fait face en ce mois de septembre à une pénurie de cochons. En cause ? La fièvre porcine africaine qui décime les élevages chinois et menace aussi la Belgique et la France. Une barrière de protection a été installée entre les deux pays pour tenter d’endiguer la propagation de cette maladie. D'où vient-elle ? Explications.

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cochons fievre
© Eugene Hoshiko / AP
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L’inquiétude est mondiale. L’épicentre de la crise, chinois. En pleine année du cochon, la fièvre porcine africaine fait des ravages et décime des élevages entiers de porcs destinés à la Chine, plus gros consommateur de viande de porc dans le monde. « Le virus est totalement hors de contrôle en Chine », déplore Nicolas Rose, chef d'unité Epidémiologie et Bien-être du Porc au laboratoire de Ploufragan (France). Au moins 200 millions de bêtes ont été contaminées dans le pays.

Un chiffre vertigineux qui correspond à la quasi-totalité de la production de porc en Europe sur une année, soit dix millions de tonnes. Cette situation inédite à laquelle fait face le marché chinois représente une aubaine pour les producteurs français et belges. Leurs exportations en viande de porc augmentent déjà.
 

Symptômes et effets

Aucun vaccin ni traitement n’existe. Le virus se transmet par contact direct entre deux bêtes contaminées, ou par contact ou ingestion de morceaux de viande contaminés. Il n’est pas transmissible à l’homme. L’animal meurt dans 95 % des cas en seulement quelques jours d’hémorragies internes et externes. Le virus peut survivre entre 100 et 150 jours sur de la viande séchée et près de 3 ans sur une viande congelée.

100kms de clôture électrifiée

Depuis quelques mois, les autorités sanitaires françaises et belges sont en alerte après la découverte de plusieurs sangliers contaminés en Belgique. Une « zone blanche » de 6 kilomètres de large située sur le territoire belge longe désormais la frontière. Cette zone de vide sanitaire est délimitée par une clôture belge et une clôture française électrifiée sur 100 kilomètres. Bordant les départements français des Ardennes, de la Meuse et la Meurthe et Moselle, ce dispositif est censé permettre l’éradication des sangliers contaminés, couplé à une chasse ciblée et un abattage intensif.
 

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Carte des foyers de contamination belges

765 sangliers testés positifs en Belgique

Depuis septembre 2018, sur les 2413 sangliers testés dans cette zone blanche, 765 individus étaient porteurs du virus. Un chiffre « très inquiétant », pour Didier Delzescaux, diplômé en biologie et ingénierie des techniques agricoles et directeur de l’Interprofession Nationale Porcine en France.
« Ce virus pourrait se répandre très rapidement si une bête malade parvenait à passer le bandeau sanitaire et à atteindre les élevages porcins situées à proximité de la zone d'observation. Notamment grâce au continuum forestier à la frontière qui facilite le passage de la faune sauvage ».

La fièvre porcine africaine : les origines

Plus vorace et violente que sa grande sœur de 1957, cette fièvre porcine africaine au génotype particulier fait sa première apparition en 2007. Endémique car uniquement cantonnée à certains territoires d’Afrique, elle est transmise de manière sporadique aux cochons d’élevage par les phacochères avec qui ils échangent leurs tiques molles. C’est par accident qu’elle quitte le sol africain et arrive en Géorgie, par bateau et sous la forme de morceaux de viande contaminés, donnés ensuite à manger à des porcs domestiques d'une ferme locale. Le virus atteint rapidement la Russie, puis l’Europe de l’Est, les pays baltes et la Chine de 2014 à 2018. Désormais, la fièvre possède des foyers non traités en Asie et dans les pays de l’Est, ce qui rend très difficile son éradication et facilite d’autant plus son développement.

Un scénario catastrophe qui pourrait être lourd de conséquences pour les éleveurs. La France est le dixième exportateur mondial de viande de porc. À ce jour, seule la République Tchèque a su éradiquer totalement la fièvre de son territoire. La forêt – facteur favorisant la transmission du virus – y est beaucoup moins dense qu’en Belgique ou en France.

Un sandwich abandonné

Les autorités belges, elles, enquêtent actuellement pour déterminer la cause de la présence de bêtes contaminées dans le royaume. Deux hypothèses sont privilégiées : l’importation illégale de sangliers d’Europe de l’Est destinés à une partie de chasse privée.

La deuxième option est plus insolite. « Un sandwich contenant de la viande de porc contaminé a pu être abandonné sur une aire de repos et mangé par un sanglier », explique l’épidémiologiste Nicolas Rose. Il n’en faut pas plus pour que la fièvre porcine africaine, hautement contagieuse, puisse se propager dans les élevages.