Fin de vie : dans quels pays européens peut-on bénéficier d’une aide à mourir ?

Le président français Emmanuel Macron annonce le lancement d’une consultation citoyenne sur la fin de vie ce 13 septembre 2022. L’objectif : la possible instauration d’un nouveau « cadre légal » d’ici la fin 2023. Quels sont les différents cadres légaux proposés en Europe ?
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espagne cmanifestaiton
Lorsque l'Espagne a légalisé l'euthanasie le 25 juin 2021, des manifestants du groupe 'Droit à mourir dans la dignité' se sont rassemblés pour montrer leur satisfaction. Sur une pancarte, on peut lire "Je décide comment et quand mourir".
Paul White/AP
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Euthanasie et suicide assisté sont autorisés dans une poignée de pays en Europe. Cependant, la France n’en fait pas partie. À la différence de la Belgique et de la Suisse, il s’agit du seul pays francophone européen qui interdit l’euthanasie active (voir encadré plus bas). Cependant, elle doit réfléchir à un nouveau « cadre légal » d’ici la fin 2023 avec une consultation citoyenne. 

Comment va s’organiser la consultation en France ?

  • Une convention citoyenne, organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), sera « constituée dès octobre » et rendra ses conclusions en « mars 2023 », indique l’Élysée dans un communiqué.
  • Des débats seront aussi organisés par les espaces éthiques régionaux dans les territoires « afin d’aller vers tous les citoyens et de leur permettre de s’informer et de mesurer les enjeux qui s’attachent à la fin de vie ».  
  • Les équipes de soins palliatifs, régulièrement confrontées à la fin de vie, seront aussi consultées. 
  • Un « travail concerté et transpartisan » sera engagé avec les députés et les sénateurs.
  • « L’ensemble de ces travaux permettra d’envisager le cas échéant les précisions et évolutions de notre cadre légal d’ici la fin de l’année 2023 », ajoute l’Élysée. 

Pour le moment, c’est la loi Leonetti, adoptée en 2005, qui encadre le processus de traitement des malades en fin de vie en France. D’après ce texte, seules les personnes qui se trouvent « en phase avancée ou terminale d’une maladie grave et incurable » sont concernées. Le texte législatif a été enrichi en 2016, par d’autres dispositions qui renforcent les droits pour les malades en fin de vie. Il s’agit de la loi Leonetti-Claeys, du nom de ses deux rapporteurs. Cependant, il ne s’agit pas d’euthanasie passive (voir encadré plus bas), mais de fin de vie.

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Euthanasie active ou passive ? 

La Belgique est l’un des cinq pays au monde a proposer une euthanasie active, avec la Colombie, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Espagne depuis 2021. Il s’agit d’un acte volontaire qui entend abréger la vie du patient. En Belgique, la procédure est encadrée par des professionnels de santé qui soulagent la douleur physique et psychique du malade en phase terminale. La demande doit être « volontaire, réfléchie, répétée », « sans pression extérieure », selon un texte de loi promulgué le 28 mai 2002.

Aux Pays-Bas, depuis 2002, la loi stipule que le médecin et un expert indépendant doivent déterminer chez le patient une souffrance insupportable et sans espoir d’amélioration. Il doit aussi être établi que la demande d’euthanasie est mûrement réfléchie, volontaire et qu’il n’y a aucune autre « option réaliste. »  Au Luxembourg, l’euthanasie et le suicide assisté ont été dépénalisés en 2009. 

Euthanasie active/passive, suicide assisté... Quelles différences ? 

  • Euthanasie active : le médecin injecte directement au malade un produit létal dans l’intention de provoquer sa mort. L’euthanasie active est autorisée en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, notamment.
  • Euthanasie passive : il s’agit de s’abstenir de prodiguer ou prolonger les soins du patient, sur décision de ce dernier, ou de ses proches. Dans ce cadre, on peut par exemple envisager le débranchement d’un cœur artificiel ou de ne pas entreprendre un traitement agressif qui pourrait prolonger l’existence du malade.
  • Suicide assisté : le patient s’injecte lui-même le produit létal. Il peut y avoir recours si deux médecins attestent qu’il lui reste moins de 6 mois à vivre. Le malade ne doit pas être atteint de troubles mentaux.
  • Sédation : Il ne s'agit pas de provoquer la mort du malade mais de soulager sa souffrance par des moyens médicamenteux. 

La loi espagnole de 2021 prévoit que toute personne « ayant une maladie grave et incurable » ou des douleurs « chroniques la plaçant dans une situation d’incapacité » puisse demander l’aide du corps médical pour mourir et s’éviter ainsi une « souffrance intolérable. » Le Portugal pourrait être un des prochains pays européens à dépénaliser l’euthanasie. Un vote du Parlement en juin 2022 a relancé le processus législatif qui s’était heurté jusqu’à présent aux réticences du président conservateur Marcelo Rebelo De Sousa. 

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Un tourisme de la mort ?

En Suisse, on évoque une « assistance au suicide ». Elle est encadrée par des codes de déontologie médicale et prise en charge par des organisations comme l’association Exit. En 2021, elle a accompagné près de 1 400 personnes dans la mort. Elle n’est pas punissable par le Code pénal, à partir du moment où la démarche n’est pas motivée par un « mobile égoïste ». Autrement dit, l’autonomie du candidat face à la mort doit être préservée. Cela exclut qu’un tiers influence un individu pour l’amener à mettre fin à ses jours. 

Deux autres pays utilisent un principe similaire de suicide assisté. En Autriche, les personnes atteintes d’une maladie grave ou incurable peuvent en bénéficier depuis janvier 2022. En Italie, le suicide assisté est dépénalisé depuis 2019 dans certaines configurations. Pour les malades pleinement conscients « maintenus en vie par des traitements (...) et atteinte d’une pathologie irréversible, source de souffrance physique et psychologique qu’ils estiment intolérables. »

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En 2018, le monde avait été ému par la démarche du scientifique australien, David Goodall. À 104 ans, il avait quitté, de son plein gré, définitivement son pays, pour bénéficier en Suisse, de cette procédure de suicide assisté, au nom d'un droit à mourir dans la dignité. De facto, il s'agissait d'une sorte de « tourisme de la mort », possible en Suisse pour des étrangers, alors qu'il concerne d'abord les résidents en Belgique. Ce 13 septembre, le quotidien français Libération affirme que le cinéaste franco-suisse Jean-Luc Godard a eu recours au suicide assisté pour mourir. « Il n’était pas malade, il était simplement épuisé, explique un proche de la famille au journal. Il avait donc pris la décision d’en finir. »