Fil d'Ariane
L’annonce était prévisible tant Mark Zuckerberg s’était, ces dernières semaines, rapproché du futur président Donald Trump. Le fact-checking au sein du groupe Méta, c’est donc bel et bien terminé. L'annonce a été faite dans une vidéo du patron de Méta diffusé sur les réseaux sociaux. Evidemment politique, la décision est historique pour le géant américain.
Mark Zuckerberg porte une paire de lunettes Orion AR lors de la conférence Meta Connect, le mercredi 25 septembre 2024, à Menlo Park, en Californie.
Jusque-là, Mark Zuckerberg s’opposait à Elon Musk dans la modération de leurs réseaux sociaux. Mais cette semaine, le patron de Meta est rentré dans les rangs. Selon lui, "les vérificateurs ont été trop orientés politiquement et ont plus participé à réduire la confiance qu'ils ne l'ont améliorée, en particulier aux États-Unis (...) Nous revenons à nos racines."
Pour rappel, Meta faisait appel à plus de 80 médias à travers le monde dans son service de fact-checking, dans 26 langues différentes. La décision est donc aussi économique, en dépit du fait que le groupe Meta a réalisé 136 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023.
Le système de fact-checking d’Instagram, WhatsApp et Facebook va donc disparaître, mais par quoi va-t-il être remplacé ? Comme sur X, c’est le système de notes de contexte, ou notes communautaires, qui va désormais régir la modération du groupe Meta.
Leur principe est assez simple. Chaque utilisateur du réseau peut créer une note communautaire, pour dénoncer ou signaler une publication. Libre à tous les autres utilisateurs de juger ou non de la pertinence de la note. Les remarques les plus populaires apparaissent ensuite sous les publications concernées, avec un message de prévention contre la désinformation.
Dans un article paru en octobre 2024, le Washington Post mettait en lumière les dysfonctionnements des notes communautaires dans la lutte contre la désinformation. Par exemple, 74 % des notes communautaires qui demandaient une « modification du texte » ne sont finalement pas visibles par les autres utilisateurs. Impossible donc pour les autres utilisateurs de les mettre en avant. C’était pourtant le principe.
Autre exemple, les publications du patron Elon Musk ne font jamais l’objet de modifications. La faille est là. Même si de nombreux contributeurs décident de réfuter certaines affirmations, leurs opposants de l’autre côté de l’échiquier politique peuvent simplement mettre fin à leurs notes, en affirmant qu’ils ne sont pas d’accord. Aucune note n’est donc affichée.
Depuis plusieurs semaines, le rapprochement entre le fondateur de Facebook et le camp républicain se concrétise. Dana White, le sulfureux président de l’UFC, très proche de Donald Trump, est récemment entré au conseil d’administration de Meta. À l’image de cette nomination, Zuckerberg multiplie ces derniers temps les allégeances envers le futur résident de la Maison-Blanche.
La relation de Méta avec la politique est pourtant, à l'origine, difficile. En 2016, Moscou est accusé d'ingérences dans la campagne présidentielle américaine. Le Kremlin avait acheté pour plus de 100 000 dollars de publicités visées, sur Facebook. Une controverse, qui avait amené Zuckerberg devant le congrès américain, mais qui avait surtout marqué le début du partenariat de Facebook avec L'international Fact-Checking Network et les services des agences de presse.
L’idylle entre les deux était peu prévisible. Après l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, Donald Trump avait vu tous ses comptes Méta suspendus. S’en étaient suivies des déclarations plus chocs les unes que les autres. Mais la séparation du patron de Méta avec l’administration Biden en août dernier, suite à des pressions du FBI à propos de la suppression d’un article du New York Post sur le fils de Joe Biden, avait acté le revirement de situation.
Ainsi, depuis août dernier, le leader du groupe Meta a opéré un changement drastique de vision. En novembre, c’est bien à Mar-a-Lago, chez Donald Trump, que s’est rendu Mark Zuckerberg accompagné de ses équipes. Mieux encore, c’est lui qui a financé la cérémonie d’investiture du futur président, le 20 janvier prochain.
Rapidement, les réactions se sont multipliées. La journaliste et prix Nobel Maria Ressa a qualifié d’« extrêmement dangereuse » la prise de cette décision, à une époque où la confiance dans les médias traditionnels est au plus bas. Les organismes de presse, qui possédaient des contrats avec Meta à l’image de Reuters Fact Check ou de l’Agence France-Presse, et qui avaient, pour certaines d’entre elles, renouvelé récemment leur contrat avec Meta, n’ont été prévenus qu’une heure avant l’annonce officielle.
Après Elon Musk avec X, c’est donc au tour de Mark Zuckerberg d’opérer le rapprochement avec Donald Trump et cela au nom de la liberté d’expression si l’on en croit ses dires : « Les récentes élections semblent être un point de bascule culturelle vers une nouvelle priorité accordée à la liberté d’expression. »