Coup de tonnerre sur l'équipe de France féminine: la capitaine Wendie Renard et les attaquantes Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani, joueuses les plus emblématiques des Bleues, ont claqué la porte de la sélection à cinq mois du Mondial, réclamant des "changements".
"Management" décrié,
"système loin des exigences du haut niveau",
"résultats" mitigés... Les trois vedettes de l'équipe n'ont pas mâché leurs mots sur les réseaux sociaux, quelques jours après le premier rassemblement de l'année.
L'uppercut est violent pour l'encadrement de l'équipe de France. Il atteint par ricochet la sélectionneuse Corinne Diacre, jamais nommée par ses cadres mais visée à mots couverts, et la Fédération française de football.
Déjà engluée dans la gestion de l'avenir de son président Noël Le Graët, la
"3F" doit désormais gérer un
"Knysna" au féminin, qui ravive l'épisode de la grève des joueurs au Mondial-2010 en Afrique du Sud chez les messieurs.
Les joueuses s'y sont néanmoins prises différemment, bien en amont de l'événement: à cinq mois de la Coupe du monde en Australie et en Nouvelle-Zélande (20 juin-20 juillet), elles prennent la parole pour demander des
"changements nécessaires".
"Je ne peux plus cautionner le système actuel bien loin des exigences requises par le plus haut niveau", écrit Renard, détentrice du plus beau palmarès de l'actuelle équipe de France du haut de ses 32 ans et 142 sélections.
"Plus envie de souffrir"
La déflagration s'est rapidement transformée en incendie lorsque les deux vedettes de l'attaque du Paris SG et des Bleues, Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani, ont emboîté le pas de la Lyonnaise.
La première a évoqué
"les événements de 2019" (elle n'avait pas été retenue pour le Mondial en France, NDLR) et
"la blessure de 2022" (elle s'est gravement blessée à un genou au dernier Euro) pour justifier sa position.
"Je ne suis plus en adéquation avec le management de l'équipe de France et les valeurs transmises", écrit la meilleure buteuse des trois dernières saisons de D1 féminine.
La seconde pointe elle les
"récents résultats" et le
"management en équipe de France", exigeant des
"changements profonds".
Wendie Renard va même plus loin en indiquant souhaiter
"préserver (sa) santé mentale". "Mon visage peut masquer la douleur mais le coeur, lui, souffre... et je n'ai plus envie de souffrir", a développé la joueuse.
Demi-finalistes malheureuses à l'Euro l'été dernier, toujours en quête de leur premier titre international, les Françaises ont vécu plusieurs mois mitigés depuis le début de saison, avec notamment deux défaites marquantes en octobre en Allemagne (2-1) et en Suède (3-0), deux concurrentes en vue du titre planétaire.
Emmenées par Renard et Diani (Katoto est blessée), les Bleues ont timidement relevé la tête en remportant ces derniers jours le Tournoi de France, une épreuve amicale, contre des nations réputées plus faibles: le Danemark (1-0), l'Uruguay (5-1) et la Norvège (0-0).
Les choix de Diacre en question
Avec leurs décisions, Renard, Katoto et Diani ajoutent une ligne - de loin la plus épaisse - au long historique des turbulences associées au mandat de Corinne Diacre, en poste depuis 2017 et prolongée l'été dernier jusqu'aux JO-2024 par Noël Le Graët, qui l'a toujours défendue.
L'ancienne coach de Clermont en Ligue 2 avait vu ses débuts parasités par son choix décrié de retirer le brassard de capitaine à Renard. Elle le lui a finalement rendu en septembre 2021.
Les mises à l'écart de certaines cadres, comme Amandine Henry et Eugénie Le Sommer, sont également mal passées auprès de plusieurs joueuses. Et ces derniers jours, la convocation surprise de la milieu Kheira Hamraoui, qui entretient des relations glaciales avec Katoto et Diani, a beaucoup fait parler.
Sollicitées par l'AFP, la Fédération française de football et la sélectionneuse n'avaient pas réagi, vendredi, à ces développements.
Vague de soutien pour les joueuses
Les soutiens à Renard, Diani et Katoto se sont multipliés ces dernières heures, à l'échelle nationale et internationale sur les réseaux sociaux. Perle Morroni, la défenseure de Lyon et de l'équipe de France féminine s'est associée samedi à ses coéquipières pour dénoncer des pratiques dont elle dit avoir souffert :
"Je souhaite à mon tour m'exprimer par rapport à la situation et me joins à elles contre le système du management de l'équipe de France actuel pour en avoir souffert personnellement", écrit la joueuse de 25 ans, qui compte 11 sélections.
"Si je reporte un jour le maillot de l'équipe de France j'espère que ce sera dans de meilleures conditions et avec des valeurs adéquates au haut niveau", ajoute Morroni sur Instagram. La défenseure latérale n'a pas été convoquée depuis le mois d'avril 2022, malgré l'absence sur blessure des deux titulaires à son poste, Sakina Karchaoui et Selma Bacha.
L'ex-gardienne des Bleues Sarah Bouhaddi, qui avait dénoncé les méthodes de Corinne Diacre ces dernières années en annonçant dès 2020 une pause avec la sélection a souhaité
"saluer le courage" de ses coéquipières.
(RE)lire : Football féminin : les Canadiennes contraintes de mettre fin à leur grève Ada Hegerberg et Megan Rapinoe, les deux premières lauréates du Ballon d'Or féminin, ont également soutenu les trois Tricolores. "Avec toi capitaine. @FFF qu'est-ce que tu fais ?" a écrit l'Américaine sur Twitter. La Norvégienne, partenaire de Renard à Lyon, s'est elle demandé "pendant combien de temps (les joueuses devraient) passer par ces moments pour (être) respectées". Première lauréate du Ballon d'Or féminin de l'histoire, Ada Hegerberg avait notamment pris du recul avec sa sélection entre 2017 et 2022.
Pour des raisons diverses, d'autres joueuses ou sélections féminines ont pris des positions similaires ces dernières années. Depuis le début de saison, une quinzaine de joueuses de l'Espagne notamment refusent de jouer tant que leur sélectionneur, Jorge Vilda, reste en poste.
Et ces derniers jours, la sélection canadienne a songé à boycotter le dernier rassemblement pour dénoncer les inégalités femmes-hommes et le manque de financement, reprochés à leur fédération.