Football féminin : les joueuses canadiennes gagnent l'égalité salariale

Leur mouvement de colère aura finalement payé. Un mois après avoir menacé de faire grève, les joueuses de l'équipe nationale de football du Canada sont en voie d'obtenir les mêmes rémunérations que les joueurs. La Fédération propose un accord de parité salariale. Une proposition qui intervient deux semaines après la démission du président de la Fédération qui avait reconnu la nécéssité d'un "changement". 
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Les joueuses canadiennes célèbrent leur victoire 2 à 0 contre l'Argentine lors d'un match amical à Sanluca de Barrameda, Espagne, le 6 octobre 2022.
Les joueuses canadiennes célèbrent leur victoire 2 à 0 contre l'Argentine lors d'un match amical à Sanluca de Barrameda, Espagne, le 6 octobre 2022.
© AP Photo/Juan Carlos Toro del Rio
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Une parité des salaires et une victoire de taille sans doute pour les footballeuses canadiennes. La fédération canadienne de football à proposé un accord établissant la parité des rémunérations entre les sélections nationales hommes et femmes, ce qui fera de cette dernière la deuxième la mieux payée au monde. 

"Si elle est acceptée par les organisations de joueurs et joueuses, cette convention collective offrira aux deux sélections nationales la même somme d’argent pour 90 minutes de jeu et elles partageront équitablement les dotations accordées lors des compétitions internationales, indique le communiqué officiel. La sélection nationale féminine canadienne deviendra la seconde mieux payée des 211 présentes au sein de la Fifa." 

Cette proposition prévoit notamment une mise en commun des revenus dégagés lors des participations aux Coupes du monde avec une répartition égale entre les deux équipes. Le communiqué a été diffusé alors que le parlement canadien s’apprête à mener des auditions sur ce sujet lors desquelles des joueuses seront entendues.

Une colère qui a payé

Cette annonce intervient un mois après le mouvement de grève lancé par les joueuses de l'équipe nationale de football canadienne. Une grève qui n'avait pu durer qu'une journée. Sous pression, et notamment menacées de sanctions par la Fédération, elles avaient dû reprendre leurs matchs et leur entraînement pour préparer la Coupe du monde cet été. 

Les coupures budgétaires sont inacceptables et s'il n'y a pas d'action collective, rien ne changera jamais. 
Communiqué de l'équipe de football féminin canadien

"Canada Soccer (la Fédération, NDLR) nous a dit qu'[elle] considérait notre action syndicale comme une grève illégale", écrivent-elles dans leur communiqué. Ainsi, elles risquaient des "mesures juridiques" pour les "forcer à revenir sur le terrain", et des demandes de "ce qui pourrait être des millions de dollars en dommages et intérêts". 

Ce n'est pas fini. Nous continuerons à nous battre pour tout ce que nous méritons et nous gagnerons.
Christine Sinclair, capitaine

Ne pouvant se "permettre" de tels "risques", l'équipe féminine a donc renoncé à son mouvement de grève, mais a rappelé qu'elle continuait de "croire que les coupures" budgétaires "sont inacceptables" et que s'il n'y avait pas d'action collective, "rien ne changera jamais". "Pour être claire. Nous sommes contraintes de reprendre le travail à court terme. Ce n'est pas fini. Nous continuerons à nous battre pour tout ce que nous méritons et nous gagnerons. Le She Believes est joué en signe de protestation", écrit la capitaine Christine Sinclair sur son compte Twitter.
 

Démission du président

Le président de la Fédération canadienne de football, Nick Bontis, a annoncé lundi 27 février 2023 sa démission, reconnaissant la nécessité d'un "changement", dans le contexte d'une crise avec l'équipe féminine qui dénonce les inégalités femmes-hommes et le manque de financement. "Bien que j'aie été un des plus grands partisans d'un système égalitaire dans l'environnement lié aux performances dans les compétitions, pour notre équipe nationale féminine, je ne dirigerai malheureusement plus la fédération quand cela se produira", a expliqué Nick Bontis, dans un communiqué. "Je reconnais que le contexte actuel exige un changement" a-t-il ajouté, précisant que sa démission est à effet immédiat.
deux joueuses canadiennes
Christine Sinclair (12) du Canada et Victoria Swift de Trinité-et-Tobago se disputent le ballon lors d'un match de football du championnat féminin de la CONCACAF à Monterrey, au Mexique, le 5 juillet 2022. Les joueuses de l'équipe nationale féminine canadienne se disent scandalisées par les coupes dans leur programme.
©AP Photo/ Fernando Llano

"Le moment est venu d'agir !"

Dans un communiqué publié le 10 février, les joueuses canadiennes, scandalisées par les "coupures importantes" dans le budget 2023, avaient annoncé qu'elles souhaitaient ne plus s'entraîner ni de jouer de match.

Comme les footballeuses danoises il y a 6 ans, les footballeuses de l'équipe nationale canadiennes se disent "fatiguées" de devoir se battre "pour un traitement juste et équitable", et dénoncent le manque de considération de la fédération par rapport au soutien apporté à l'équipe masculine.
 

À jeu égal, salaire inégal 

Les joueuses négocient depuis plus d'un an avec la Fédération nationale, l'"Association Canadienne de Soccer", mais elles disent être toujours dans "l'incertitude" concernant leur rémunération.

D'après la capitaine de l'équipe, Christine Sinclair, en 2021, la fédération a accordé plus de 11 millions de dollars canadiens (un peu plus de 7 millions d'euros) à l'équipe masculine, contre environ 5 millions de dollars canadiens à l'équipe féminine, alors que l'année précédente, les dépenses consacrées par la Fédération étaient quasiment identiques: un peu plus de 3 millions de dollars pour les hommes, et 2,8 millions pour les femmes.
 
De leur côté, les joueurs masculins, qui ont disputé le Mondial-2022 au Qatar l'hiver dernier, ont déclaré "soutenir de tout cœur" les joueuses dans leur démarche.
"La manière dont Canada Soccer alloue ou utilise les fonds n'est pas claire et est pleine de secrets", ont écrit de leur côté les joueurs dans un communiqué.

(RE)voir : Le sport peut-il être un vecteur d'égalité ?
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Des compensations rétroactives ?

Sur Twitter, la Fédération a affirmé sa volonté d'équité et souligné que des "montants rétroactifs" avaient déjà été versés aux joueuses, "après des mois de négociations".

En 2019, les footballeuses américaines avaient porté plainte contre leur Fédération pour discrimination devant un tribunal de Los Angeles. La 9e édition de la Coupe du monde de football féminine se déroulera en Australie et en Nouvelle-Zélande, du 20 juillet au 20 août.

En 2020, l'équipe féminine du Canada était huitième au classement de la FIFA et en 2021, elle a remporté l'or aux Jeux Olympiques de Tokyo.

Large soutien populaire

Depuis leur annonce, les joueuses ont reçu un immense soutien de la part des internautes sur les réseaux sociaux. 
 
"Comment s'attendent-ils à ce que les femmes jouent si elles ne sont pas correctement payées pour leur temps et leurs services. Soccer Canada fait cela pour les hommes et leurs faibles talents d'acteur, qui devraient être payés par la guilde des acteurs. Payez le programme des femmes de manière égale et équitable, pas comme un atelier de misère", s'indigne l'un d'eux sur Twitter. Une autre, professeure à la retraite en ressources humaines et en relations humaines, se dit prête à leur apporter de l'aide dans leur démarche : "Je suis une experte dans le domaine de l'équité salariale, ce à quoi je crois fermement. Je serais heureuse de donner de mon temps pour vous aider". Sur les réseaux, des appels au soutien sont lancés, avec les mots dièse #genderequity #womeninsports.