Petits poucets de la compétition, les Moldaves du Sheriff Tiraspol ont créé la sensation, mardi 28 septembre, en faisant chuter l'ogre madrilène sur son terrain (1-2), à l'occasion de la deuxième journée de Ligue des Champions. Un exploit retentissant pour un club singulier issu d'un territoire séparatiste et propriété d'un obscur conglomérat.
76 % de possession de balle, 31 tirs, 25 occasions, 625 passes réussies. L’adage « (sur)dominer n’est pas gagner » a pris tout son sens, au soir du mardi 28 septembre, dans l’enceinte du stade Santiago-Bernabeu.
Le Real Madrid, son effectif à 793,5 millions d’euros (selon le site de référence
Transfermarkt) et son armada offensive (Benzema, Hazard, Vinicius et consorts) sont tombés sur un os dans leur antre.
En face, le modeste Sheriff Tiraspol, avec son équipe évaluée à
12,38 millions d’euros, a fait le dos rond et surtout fait montre d’une efficacité létale.
Quatre tirs, zéro corner obtenu et 166 passes auront suffi aux Moldaves pour glaner un succès prestigieux sur le terrain du club le plus titré de l’histoire de la compétition. Un scénario historique pour une toute première participation à la Ligue des Champions.
D’autant que le braquage s’est dessiné dans les derniers instants de la rencontre.
À l’ultime minute du temps réglementaire, le coup de canon du Luxembourgeois, Sébastien Thill, frère aîné de Vincent, jeune joueur passé par le FC Metz, fait taire le public espagnol. Et le commando moldave de partir avec la caisse et les honneurs d’une soirée inoubliable.
Aucun Moldave sur la pelouse
Nul doute que la prouesse bénéficie d’un écho retentissant auprès des amateurs du ballon rond en Moldavie, plus pauvre pays d’Europe et membre de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) depuis 1996.
D’autant que la formation du Sheriff s’avère singulière à plus d’un titre. Déjà, lors de ces deux oppositions européennes, elle n’a aligné, aux côtés de Brésiliens, de Colombiens, d’un Nigérian ou encore du Malien Adama Traoré (également passé par le FC Metz), aucun joueur moldave.
Club phare d'un territoire sécessionniste
Par ailleurs, le Sheriff n’est autre que le club phare d'un pays que personne ne reconnaît sur la scène internationale. Bien que prenant part au championnat moldave, qu'il remporte régulièrement, le Shériff représente la Transnistrie, une enclave séparatiste prorusse qui a fait sécession à l’issue d’une courte guerre après la chute de l’URSS en 1991.
1.500 soldats russes la protègent tandis que de gracieuses livraisons de gaz de la part du parrain moscovite la maintiennent à flot.
Entité d'un conglomérat nébuleux
Elle est, en outre, comme bon nombre d’entreprises sur ce territoire, la propriété de Sheriff. Alcool, supermarchés, stations-services, énergie... Ce nébuleux conglomérat dispose d’une mainmise tentaculaire. Le média d’investigation
RISE Moldova estime qu’il brasse un tiers du budget transnistrien.
Fondé par l’actuel président du club, l’ex-policier Victor Gushan et un autre ancien flic, Ilia Kazmaly, en 1993, le groupe a tiré parti de la période de privatisations post-URSS. À l’instar de Valeri Litskai, ex-ministre des Affaires étrangères, certains reconnaissent volontiers que l’ascension de Sheriff s’est faite au prix de méthodes pour le moins douteuse sinon parfois brutales.
Toujours est-il que sur le terrain sportif, la bande à Yuriy Vernydub, le coach ukrainien de l’équipe, fait des miracles. Avec six points sur six possibles, après les trois empochés à domicile contre le Chakhtior Donestk lors de la première journée, elle s’empare de la tête du groupe D.
Une posture confortable avant d’aller défier l’Inter Milan, championne d’Italie en titre, et qui lui permet de rêver sérieusement à une épopée européenne, ne serait-ce qu’en Ligue Europa.