Fil d'Ariane
Après la chute du gouvernement Barnier, le président Français doit se plonger dans les dossiers des candidats au poste de Premier ministre. Entre inquiétude et lassitude, les Français attendent la nomination d'un nouveau gouvernement alors que consultations ont démarré ce jeudi 5 novembre.
Le président français Emmanuel Macron, à droite, et le Premier ministre Michel Barnier lors des commémorations de l'armistice du 11 novembre 1918, à l'Arc de Triomphe. Paris, le lundi 11 novembre 2024.
La France est en attente d'un nouveau gouvernement. Au lendemain d'une censure historique, c'est un Emmanuel Macron revenu au cœur de l'attention qui a reçu jeudi matin Michel Barnier, démissionnaire, avant de consulter les présidents des deux chambres du Parlement et son allié François Bayrou, et de s'adresser aux Français à 20H00.
Michel Barnier, renversé la veille par 331 députés et qui détient désormais le peu enviable record de brièveté à Matignon sous la Ve République, a quitté l'Élysée vers 11H00 après une heure d'entretien avec Emmanuel Macron.
(Re)lire Le gouvernement de Michel Barnier est censuré par l'Assemblée nationale, une première depuis 1962
"Le Premier ministre a remis ce jour la démission de son gouvernement au président de la République qui en a pris acte", annonce l'Elysée dans un communiqué. Michel Barnier et les membres de son gouvernement vont toutefois assurer "le traitement des affaires courantes jusqu'à la nomination" d'une nouvelle équipe.
Quand sera nommé son successeur ? La présidente de la chambre basse, Yaël Braun-Pivet, a exhorté jeudi Emmanuel Macron à le faire "rapidement" afin de "ne pas laisser s'installer le flottement". Elle a été reçue par le chef de l'État en fin de matinée, tandis que son homologue du Sénat, Gérard Larcher, est attendu dans l'après-midi.
L'entourage du chef de l'État ne fournit à ce stade aucun calendrier, mais plusieurs de ses familiers ont confié qu'il entendait cette fois agir vite. Dès jeudi soir ? "Il n'a pas le choix", pense un de ses proches. Quel que soit son choix, il fera une allocution aux Français à 20H00.
"Flou", "impasse", "cercle vicieux": du nord au sud du pays, l'inquiétude et la lassitude étaient manifestes chez les Français interrogés par l'AFP.
Elles se sont également traduites par une mobilisation notable des agents de la Fonction publique d'État, qui étaient 18,62% à faire grève jeudi à la mi-journée, soit plus de 246.000 personnes, selon le ministère de la Fonction publique. Dans l'Éducation nationale, le mouvement a été suivi par 24,87% des personnels.
Les marchés restaient en revanche calmes : la Bourse de Paris était en légère hausse et, loin de s'envoler, le taux auquel la France emprunte sur les marchés était même orienté à la baisse. Mais l'agence Moody's prévient que la chute du gouvernement "réduit la probabilité d'une consolidation" des finances publiques.
Il faut donc nommer un Premier ministre "au plus vite" pour Xavier Bertrand (Les Républicains), le patron des socialistes, Olivier Faure, demandant au président de la République de consulter dès aujourd'hui "l'ensemble des chefs de parti".
Avec la chute du gouvernement, la crise politique ouverte avec la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin a franchi un cap inédit : pour la première fois depuis 1962, un Premier ministre a été renversé après avoir engagé sa responsabilité.
Selon un sondage Toluna Harris Interactive pour RTL, 64% des sondés se disent favorables à la démission d'Emmanuel Macron, un souhait très prononcé chez les sympathisants de La France insoumise et du Rassemblement national.
"Il faut qu'Emmanuel Macron s'en aille", a réclamé jeudi le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, dans une manifestation d'enseignants à Paris, prédisant que "la mobilisation se poursuivra dans la rue". Au RN, si Marine Le Pen n'a pas formellement réclamé une démission du président, elle estime que "la pression" à son endroit "sera évidemment de plus en plus forte" si "on ne prend pas la voie du respect des électeurs".
La cheffe de file de l'extrême droite a également assuré mercredi que les députés lepénistes "laisseront travailler" le futur Premier ministre, afin de "co-construire" un budget "acceptable pour tous". Mais les lignes rouges du RN, incluant la réindexation des retraites sur l'inflation, "ne bougeront pas", a prévenu le député Jean-Philippe Tanguy.
Le chef de l'Etat doit désormais résoudre la quadrature du cercle, entre reconduite du "socle commun" macronistes-LR ou élargissement de ses contours afin de dégager une coalition gouvernementale plus solide pour résister à une future tentative de censure.
Les Républicains ne "feront pas tomber" le prochain gouvernement même s'ils décidaient de ne pas y participer, a assuré le patron de leurs députés Laurent Wauquiez. "On ne sera pas dans le blocage, on ne sera pas dans la stratégie du pire", a-t-il ajouté, conditionnant la participation de LR aux priorités mises sur la table par le nouveau Premier ministre.
On ne sera pas dans le blocage, on ne sera pas dans la stratégie du pire.
Laurent Wauquiez
Le chef des députés macronistes, Gabriel Attal, qui devait réunir les ténors de Renaissance dans la matinée, propose pour sa part un accord de "non censure" avec le PS pour échapper à la tutelle du RN. L'équation est d'autant plus complexe qu'une nouvelle dissolution et de nouvelles élections législatives ne peuvent intervenir avant juillet.
D'ici là, qui pour Matignon ? Le nom du président du MoDem François Bayrou, soutien de la première heure d'Emmanuel Macron, est beaucoup cité. Il déjeunait jeudi avec le président à l'Élysée et s'est aussi entretenu avec un autre prétendant, l'ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve. Ceux du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, de Xavier Bertrand, ou du maire de Troyes, François Baroin, circulent également.
Le très droitier ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, jugé parfois proche des idées du RN, ou le macroniste historique Roland Lescure, associé à la branche sociale-démocrate de Renaissance, font par ailleurs l'objet de supputations.
La cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, a confirmé que son groupe censurerait tout Premier ministre qui ne serait pas issu du Nouveau Front populaire, y compris Bernard Cazeneuve, qui a quitté la PS.