Fil d'Ariane
Ils ont obtenu chacun 34.000 euros de dommages et intérêts et près de 3.000 euros de salaires en retard.
"C'est un tournant, cela crée du droit sur cette question", a indiqué à l'AFP Maître Aline Chanu. Elle est l'avocate des 25 travailleurs employés en 2016 sur ce chantier par MT Bat Immeubles. Une société placée en liquidation judiciaire en août 2018.
Les ouvriers, employés illégalement sur un chantier du très chic VIIe arrondissement de la capitale française, s'étaient mis en grève, soutenus par le syndicat CGT, après deux accidents graves dont une chute d'un échafaudage non sécurisé. L'employeur avait refusé d'appeler les pompiers alors qu'un ouvrier malien était sans connaissance au sol.
Les ouvriers, qui ont depuis été embauchés par l'entreprise Capron (premier sous-traitant du donneur d'ordre du chantier) réclamaient devant les prud'hommes près de 66.000 euros chacun pour travail dissimulé et "discrimination raciale systémique". Le conseil des prud'hommes est une instance chargée de régler les conflits entre employeurs et salariés en France.
Les ouvriers disaient tous que sur les chantiers, on les appelait "Mamadou". Peu importe leur prénom : on les interpellait de cette manière.
Maître Aline Chenu, l'une des avocates des 25 travailleurs maliens
A l'audience, la représentante du Défenseur des droits en France, saisi par les ouvriers, avait estimé que la société sous-traitante MT Bat Immeubles avait "volontairement constitué une équipe composée uniquement de travailleurs sans papiers", à la fois "pour des raisons économiques" et pour les "cantonner" aux tâches les plus pénibles dans des conditions de sécurité "indignes".
Le conseil des prud'hommes reconnaît dans son jugement que "tous les travailleurs maliens étaient des manœuvres assignés aux tâches les plus pénibles du chantier dans des conditions extrêmement dangereuses". "On ne travaillait pas dans des conditions normales", assure Dipa Camara, l'un de ces 25 travailleurs maliens. "Nous n'avions ni masque, ni gants", déplore-t-il.
Autant de faits qui caractérisent une "discrimination systémique", un concept "encore jamais reconnu dans une quelconque décision de justice", selon Maître Chanu.
"Les ouvriers disaient tous que sur les chantiers, on les appelait Mamadou", renchérit Maître Chenu. "Peu importe leur prénom : on les interpellait de cette manière".
"On a beau être sans-papiers, on n'est pas sans droits", souligne le sociologue Nicolas Jounin. "Un ensemble d'éléments enfermait ces personnes dans un statut infériorisé."
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