Fil d'Ariane
Mayotte, petite île nichée à mi-chemin entre le Mozambique et Madagascar traverse une tempête sociale majeure. En marge de la grève générale lancée par une intersyndicale le 30 mars dernier, des rassemblements ont dégénéré mardi, donnant lieu à des violences urbaines, notamment dans le chef-lieu du 101ème département français, Mamoudzou.
Des témoignages recueillis sur place ont fait état de groupes de jeunes cagoulés qui ont caillassé des habitations et saccagé de nombreuses voitures.
"On est sorti pour constater les dégâts, notamment des gros cailloux lancés sur les véhicules, et certains d'entre nous n'avaient que leurs yeux pour pleurer, c'est l'impuissance de notre part et aussi de la part des forces de l'ordre, on ne sait pas comment sortir de cette situation", a déploré à l'AFP Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental SNUipp-FSU.
La ministre des Outre-mer George Pau-Langevin a précisé mardi, dans une déclaration à l'AFP, qu'"un dispositif renforcé sera mis en place" dans la soirée. Elle souligne que Mayotte n'est "pas livrée à elle-même", que "la très grande majorité des Mahorais ne participe pas au conflit" et "qu'une petite minorité tente de déstabiliser l'ordre public".
"Les troubles constatés depuis la fin mars sont le fait d'une minorité agissante, comme on peut en retrouver dans d'autres zones urbaines. Nous ne sommes pas dans le contexte d'une participation massive ou coordonnée de la population mahoraise", a-t-elle insisté, assurant ne pas confondre "la manifestation sur fond de revendication sociale avec les affrontements urbains qui se déroulent en même temps." La ministre était également l'invitée de l'édition du journal du soir sur France O, mardi 12 avril.
La préfecture de Mayotte, contactée par l'AFP, a précisé qu'il s'agissait d'affrontements entre "bandes rivales", qui ont provoqué des dégâts matériels - 85 véhicules saccagés - et fait au moins un blessé.
@FranceOtv parle de #SaveMayotte avec @loutremer @Pau_Langevin #espritBTM https://t.co/hjNJxBIWnW
— BOUGE-TOI MAYOTTE (@btm976) April 12, 2016
Un rassemblement d'habitants s'est tenu mardi sur la place centrale de Mamoudzou pour dénoncer les violences ayant eu lieu la veille dans leur quartier, a constaté une photographe de l'AFP. A Doujani, une cinquantaine d'individus ont "exposé" dans la matinée leurs voitures caillassées aux vitres brisées, bloquant un carrefour.
Un conflit social oppose depuis deux semaines les autorités mahoraises et plusieurs syndicats revendiquant "l'égalité réelle" entre la métropole et le département d'outre-mer.
"Nous demandons l'application du Code du travail national, un alignement des prestations sociales ou encore une amélioration des retraites", explique Moursali Aboudou, interrogé francetv info, mardi 12 avril. Car depuis que Mayotte est devenu un département il y a 5 ans, la situation de l'île ne s'est pas améliorée.
Une intersyndicale a décrété la grève générale, provoquant de graves perturbations sur l'île, notamment avec le blocage des principales routes. Les activités économiques fonctionnent partiellement ou au ralenti au grand dam de nombreux entrepreneurs qui n'ont pas hésité mardi à s'en prendre verbalement à des leaders syndicaux, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Est ce que vous êtes contents de la paralysie du département que vous provoquez et du manque à gagner que nous, entrepreneurs, nous subissons ? Comment allons-nous pouvoir payer nos salariés à la fin du mois?" a demandé un employeur du secteur privé au bord de la crise de nerfs, au responsable syndical SNUIPP-FSU Rivo Rakotondravelo.
Selon le syndicaliste, les violences urbaines secouant l'île sont liées au manque d'encadrement des jeunes à Mayotte. "Un élève en école élémentaire en métropole représente 7.400 euros (d'investissement par l'Etat, ndlr). A Mayotte, on est à 4.300 euros. Voilà l'injustice", a-t-il affirmé.
Et justement, la grève touche également le secteur scolaire. De nombreuses écoles restent fermées, et les transports scolaires ne sont plus assurés. "Certains jeunes s'insurgent contre les grèves à répétition à quelques mois des examens", observe le journaliste Chamsudine Ali, de la chaîne Mayotte 1ère.
Le mot dièse #SaveMayotte a été lancé sur les réseaux sociaux pour rassembler tous ceux qui participent à ce mouvement.
#SaveMayotte lancé par @btm976 est le hashtag de ts les combats à #Mayotte, insécurité,égalité réelle, éducation... pic.twitter.com/1KA9xmJict
— MAYOTTE 1ère (@Mayotte1ere) April 12, 2016
Les Mahorais déplorent sur les réseaux sociaux l'indifférence de l'hexagone face à cette situation.
C'est drôle que personne ne parle de #Mayotte alors qu'il se passe réellement quelque chose, comme si c'était pas la France.
— Ludivine (@ludivinePE) 12 avril 2016
Dans l'indifférence de la métropole, un département français est en grève générale depuis le 30 mars pour l'égalité https://t.co/pjVk7f1eSw
— Clochix (@clochix) 12 avril 2016