France : la bataille du dimanche

Faute de majorité parlementaire pour son projet de loi "Macron", Manuel Valls choisit ce 17 février d'engager à son sujet la responsabilité de son gouvernement, menace implicite de dissolution de l'Assemblée nationale en cas de vote négatif. Parmi de multiples dispositions, la réforme libéralise considérablement le travail dominical. Dénoncée par ceux qui y voient une régression sociale, elle ranime une querelle bien ancienne.
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Dimanche de Seurat
Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande Jatte (fragment) Georges Seurat, 1884-86
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49 - 3, mode d'emploi

L’article 49 de la Constitution de 1958 fait partie du Titre V : Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement (articles 34 à 51). Il organise la responsabilité politique du Gouvernement devant le parlement. En cela, il donne à la constitution, dont la nature est discutée[pas clair], un des traits principaux du régime parlementaire. Il s'agit cependant d'un parlementarisme fortement rationalisé, c’est-à-dire cherchant à assurer la stabilité du gouvernement. Il réutilise en les renforçant des éléments déjà présents sous la IVe République et introduit par son alinéa 3 une disposition originale, sans équivalent dans des constitutions antérieures ou à l'étranger[réf. nécessaire], et fournissant une arme très puissante au Gouvernement. Ces dispositions visent à apporter au pays la stabilité gouvernementale qui lui faisait défaut en protégeant le gouvernement de majorités de circonstance qui défaisaient les gouvernements au gré des alliances, tout en étant incapables de proposer une alternative.

L'article comprend quatre alinéas et constitue un des éléments forts pour permettre d'éviter les crises ministérielles, telles que la France les a connues sous la IVe Républiquenote 1. Il organise :

  • l'engagement de responsabilité sur un programme (dit aussi « question de confiance ») à l'initiative du gouvernement ;
  • la motion de censure à l'initiative de l'Assemblée nationale ;
  • l'engagement de responsabilité sur un texte, le point le plus original, qui permet au gouvernement de forcer l'adoption d'un texte, sauf si l'Assemblée est prête à le renverser ;
  • la possibilité enfin pour le gouvernement de demander l'approbation de sa politique par le Sénat, cette dernière ou son refus éventuel étant dépourvus d'effets juridiques.

L'article 49.2, dit de « censure spontanée » (par opposition à l'alinéa suivant, où la censure est en quelque sorte « provoquée » par le gouvernement), en imposant l'adoption de la motion par la majorité absolue des membres, change la charge de la preuve, force l'Assemblée à démontrer qu'il y a un rejet effectif du gouvernement. Le gouvernement ne peut être renversé avec le concours d'indécis qui se contenteraient de s'abstenir. L'article 49.2 n'a abouti qu'une seule fois, en octobre 1962 contre Georges Pompidou qui dut démissionner, pour être aussitôt reconduit, et soutenu par une nouvelle majorité issue d'élections législatives anticipées.

L'article 49.3, dit d'« engagement de responsabilité », permet au gouvernement de faire passer le texte qu'il présente, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure que l'opposition se doit de déposer pour la forme, avec peu d'espoir de réussite.


Septième jour

C'est l’un de ces débats qui revient périodiquement en France, de préférence avant les fêtes ou à la belle saison du bricolage : le repos hebdomadaire du dimanche, ou plus précisément, son encadrement légal. Le sujet divise les partis, les familles, les générations et parfois les individus eux-mêmes, alternativement consommateurs et salariés. Il est d'autant prisé que chacun peut y convoquer à sa guise la liberté individuelle bafouée, les droits sociaux ou ceux du commerce, voire l'histoire la plus reculée.

Acquis

C'est Dieu, selon la Genèse - commune aux religions monothéistes -, qui aurait le premier manqué au libéralisme économique. Non seulement en se reposant
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Illustration de la Genèse, Gustave Doré
lui-même au septième jour, mais en en faisant une règle, qui dérange encore la marche des affaires : « Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu'en ce jour il se reposa de toute son œuvre qu'il avait créée ». En Europe, le christianisme – dès l'empereur Constantin - se le tint pour dit, interdisant le travail le dimanche et tentant même au Moyen-Âge de proscrire la guerre ce jour-là (et, plus largement, en fin de semaine).

Déistes, mais précurseurs d'un monde nouveau, Voltaire et Diderot s'en sont irrités, au nom de l'économie et même de la morale. L'Encyclopédie note en 1751 que « si après la messe & les instructions du matin, [les travailleurs] se remettoient l’après-midi à leur travail & à leur négoce, ils n’iroient pas au cabaret dépenser, au grand préjudice de leurs familles, une partie de ce qu’ils ont gagné dans la semaine ; ils ne s’enyvreroient pas, ils ne se querelleroient pas, & ils éviteroient ainsi les maux que causent l’oisiveté & la cessation d’un travail innocent, utile pour eux & pour l’état ». Se rangeant à cette opinion, la Révolution française bourgeoise supprime quatre décennies plus tard le repos du dimanche (et interdit, par ailleurs, aux travailleurs de s'organiser collectivement).

Ce n'est qu'en 1906 qu'une loi de la République le restaure formellement, non sans réserves. Malgré son application inégale, cette loi reste en France, avec celle limitant la journée de travail à huit heures ou proscrivant celui des enfants, considérée comme l'une des conquêtes emblématiques du mouvement ouvrier. C'est aussi, pour d'autres, depuis lors et plus encore dans l'économie moderne triomphante, une citadelle à détruire.

Assauts

Avec une régularité un peu monotone, les assauts surviennent généralement en trois temps. Des acteurs économiques concernés (grands magasins, professionnels du tourisme ...) dénoncent avec des accents déchirants les pesanteurs
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Manifestation de salariés d'enseignes de bricolages en faveur du travail dominical (capture d'écran, France 2)
(insupportables) des réglementations (moyenâgeuses) en vigueur et organisent, campagnes de communication à l'appui, des ouvertures illégales. Les syndicats saisissent la justice, qui leur donne logiquement raison. Surgissent « spontanément » des salariés (étudiants salariés, en partie, lors de la dernière opération de l'enseigne Leroy Merlin) qui manifestent pour faire « respecter » (en l'espèce, plutôt aboutir) leur « liberté de travailler » quand bon leur semble. Les télévisions et radios accourent. L'ensemble des médias suit, déplorant le plus souvent sur un ton consterné et sondages à l'appui le terrorisme syndical – le consommateur est « pris en otage » - et l'archaïsme français. Le gouvernement du moment désigne une commission qui, selon l'air du temps et l'ampleur des réactions, débouche ou non sur de nouvelles restrictions.
Il faut quand même penser aux familles qui ont le droit, les jours où elles ne travaillent pas, d'aller faire leurs courses dans des magasins qui sont ouverts (Nicolas Sarkozy)
Particulièrement engagé dans la cause et affectionnant les sujets « clivants », Nicolas Sarkozy avait fait naguère du travail dominical un thème populaire, et ouvert un certain nombre de brèches : « Il faut quand même penser aux familles qui ont le droit, les jours où elles ne travaillent pas, d'aller faire leurs courses dans des magasins qui sont ouverts »(1). Promulguée sous sa présidence en 2009, la dernière loi autorise les commerces non-alimentaires à ouvrir cinq dimanches par an. Elle distingue en outre les « PUCE » (périmètres d'usage de consommation exceptionnelle) et les « zones touristiques » (à Paris, on en compte sept). Les salariés sont, en principe, payés double dans les premières mais non dans les secondes, qui ne sont pas forcément bien différentes ni très loin. S'y ajoutent de multiples dérogations pour les enseignes d'ameublement, bricolage et même alimentation, variables selon les départements.

Appétits

Trop complexe, et surtout pas suffisant pour un certain nombre de grands commerces, notamment ceux liés au tourisme, dont la voix porte haut et fort dans la capitale. Leur promesse vague, mais répétée, de création d'un millier d'emplois pour le seul boulevard Haussmann (artère qui abrite, entre autres, le Printemps et les Galeries Lafayette) par l'extension du travail dominical dans ce quartier (actuellement hors dérogation) est reprise par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, mais aussi du tourisme. « Si, dans ces zones-là, c'est fermé le dimanche [le touriste] ne va pas revenir le jeudi ».

La distribution obtient ainsi du pouvoir de gauche ce qu'elle n'avait pu arracher à ses prédécesseurs. S'appuyant sur un rapport supplémentaire « indépendant »
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Boulevard Haussmann à Paris (photo Petr Brdicko, Créative commons)
commandé à un grand patron, Jean-Pierre Bailly, le gouvernement de Manuel Valls prépare une nouvelle réforme, examinée en Conseil des ministres ce 10 décembre. En projet sous le label « pour la croissance  et l'activité » : augmentation de cinq à douze le nombre des dimanches travaillés (sept d’entre eux encadrés par le maire, les autres automatiques) ; redéfinition et extension des périmètres « PUCE » et touristiques, incluant désormais les gares ; création de « zones touristiques internationales » - en fera justement partie … le boulevard Haussmann - échappant aux municipalités. Objectifs affichés : stimuler l’activité, supprimer des « blocages », répondre à la concurrence internationale. Argument définitif, qui apaise au passage les consciences conservatrices ou catholiques éventuellement troublées (2) : tout le monde, en Europe, travaille le dimanche, la France est « en retard », variante de son « déclin » invoqué comme un mantra. La réalité, comme en d’autres domaines, s'avère pourtant plus nuancée.

Seule la France ?...

En Grande-Bretagne, Margareth Thatcher - fille d'épicier qui extermina de son royaume la plupart des droits sociaux - échoua curieusement à abolir la fermeture
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En Grande-Bretagne
des commerces le jour du Seigneur. Il fallu, pour l'obtenir, l'appui de députés travaillistes dans les années 1990. C'est aujourd'hui chose faite et les magasins londoniens – survivants - sont largement ouverts le dimanche. Mais les employés ne doivent travailler ce jour que si leur contrat le stipule.

En Allemagne, autre modèle vénéré, la législation en la matière demeure, à l'opposé, particulièrement stricte. La Cour constitutionnelle y a renouvelé la limitation sévère du travail le dimanche, ne laissant à la grande distribution que huit dimanches par an (dix à Berlin). Dans son arrêt, la Cour (saisie par les Églises) invoque les traditions religieuses, les droits sociaux et ceux de la famille.

En Suisse, il est également interdit de travailler le dimanche, sauf dérogations motivées, soumises à autorisations. Le travail dominical régulier ou périodique est permis lorsque des raisons techniques ou économiques le rendent « indispensable ». Le temporaire est autorisé en cas de besoin urgent dûment établi, avec majoration de salaire de 50 %

En Belgique, le travail dominical est également interdit dans son principe. Les dérogations sont accordées selon un régime proche du système français.

En Espagne, la réglementation est disparate. La crise économique et un taux de chômage supérieur à 25 % a permis au patronat d'obtenir beaucoup d'assouplissements légaux, mais en pratique, hors Madrid, peu de magasins de ville restent ouverts le dimanche. Des Généralités (régions) – comme la Catalogne, la première du pays – continuent de réserver ce droit à de rares commerces (boulangeries, fleuristes, presse...).

Au Portugal, la crise économique a également permis le passage, en 2010, d'une loi abolissant les restrictions, mais les municipalités conservent un pouvoir d'encadrement. Dans la pratique, on cherchera en vain le dimanche, dans une ville comme Porto (seconde du pays), un commerce ouvert autre qu'un bar ou une boutique de souvenirs.

En Italie, les commerçants peuvent ouvrir, depuis quelques années, les dimanches et jours fériés dix mois par an dans les villes d'art et de tourisme. Les grandes surfaces seize dimanches par an.

En Pologne, la fermeture des magasins n'est obligatoire que douze jours par an. Un courant d'opinion – mené par la droite catholique, mais majoritaire – milite pour un retour au repos dominical obligatoire.

Doutes

En dépit de cette diversité d’applications, le repos dominical reste, en somme, dans la plupart des pays d'Europe, le principe admis. Ses dérogations de plus en plus nombreuses trahissent un phénomène récent correspondant davantage à un dumping social – désormais internationalisé - de temps de crise qu'à une nécessité sociale établie.
On voit mal les salariés dépenser le dimanche l'argent qui leur manque la semaine (François Hollande)
 Quant aux effets économiques positifs garantis par ceux qui veulent le supprimer ou l'"assouplir", ils restent difficiles à prouver, et souvent contestés.  Les achats du
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Campagne syndicale en France
dimanche mobilisent des services publics et des surcroîts de dépenses. Ils sont déduits de ceux des autres jours. « On voit mal les salariés dépenser le dimanche l'argent qui leur manque la semaine », écrivait François Hollande... en 2008.

Choix de société ou scepticisme sur l’intérêt de la réforme, les opposants ne sont pas seulement en France les principaux syndicats – qui ne croient guère à la réalité du volontariat dans un contexte de chômage élevé - ou les Églises – soucieuses de préserver un jour pour l'esprit - mais également, à l’occasion, des acteurs économiques ou politiques peu suspects d’ « archaïsme ».

Parmi les opposants résolus du projet gouvernemental figurent divers courants et personnalités de la majorité dont, inattendues, deux maires de très grandes villes membres du Parti socialiste au pouvoir : Martine Aubry (Lille), ancienne ministre inspiratrice naguère des trente-cinq heures (« c'est un élément majeur de la société qu'on veut détruire »(3)) et surtout Anne Hidalgo (Paris), ancienne inspectrice du travail, favorable au statu quo, irritée qu'on lui « force la main », et dont les alliés dénoncent le tout-commerce dans la capitale. Le Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis a également exprimé de vives réserves sur le projet de loi. Avec le renfort de la droite, le gouvernement peut ignorer la fronde, mais elle devient bien embarrassante. La guerre du dimanche n'est pas achevée.

[mise à jour le 10 décembre 2014]
(1) Le 28 octobre 2008
(2) Lancé par le député UMP des Côtes-d’Armor Marc Le Fur, vice-président de l’Assemblée nationale, l’appel du 21 novembre 2008 «Touche pas à mon dimanche !» fut cosigné par 55 députés de droite
(3) Le 5 octobre 2014
. Martine Aubry signe ce 10 décembre dans le Monde une tribune particulièrement virulente intitulée "Ne réduisons pas l'existence à la consommation". [maj le 10 décembre]

La version finale soumise au vote (AFP)

Les députés français sont appelés mardi à voter un projet de loi assouplissant le travail du dimanche et réformant la profession très protégée des notaires, censé dans sa globalité "déverrouiller" l'économie du pays et donner des gages à Bruxelles.

Ce texte "Pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", porté par le jeune ministre de l'Economie Emmanuel Macron, un ancien banquier d'affaires de 37 ans, devrait être adopté dans l'après-midi mais avec un vote plus serré que prévu en raison de "frondeurs" socialistes ayant annoncé mardi qu'ils voteraient contre le texte.
La plupart des parlementaires de l'opposition de droite UMP et du Front de gauche (extrême gauche) devraient se prononcer contre. En revanche, plusieurs représentants du centre droit devraient voter pour ou s'abstenir.
Sans attendre ce vote, le ministère des Finances a commis un impair en annonçant mardi matin dans un communiqué l'adoption du texte, avant de rectifier.

Le texte, qui sera soumis au printemps à la deuxième chambre, le Sénat, comporte quelque 200 articles. Le plus emblématique concerne le tabou du travail le dimanche dans un pays à majorité catholique et attaché à ses traditions, qui va bousculer les comportements.
"Notre pays est dos au mur et le statu quo n'est plus une option. Nous avons besoin d'un nouveau souffle", avait expliqué le ministre socialiste en présentant son texte, vivement critiqué lors de manifestations aux cris de "Macron, patrons, même combat".
Le représentant du patronat, Pierre Gattaz, a lui regretté mardi que le texte ait été "édulcoré" par rapport à "l'ambition de départ", estimant qu'il faudrait "cinq ou dix lois Macron si on veut vraiment repartir de l'avant".
Emmanuel Macron est convaincu que la crise actuelle en France, caractérisée par une croissance atone et un chômage record de plus de 10%, résulte d'un "manque de compétitivité, d'une perte du muscle économique français, des marges trop faibles, d'un manque de mobilité de notre société, d'un manque de fluidité".
Novice en politique et peu rodé au débat parlementaire, Emmanuel Macron a vécu avec son texte pendant quelque 200 heures de débat son baptême du feu. Alors que son projet empiète sur plusieurs compétences ministérielles, il a fait le choix d'être là du début à la fin de la discussion, prenant soin de répondre point par point aux objections des parlementaires.

Entré au gouvernement fin août, le ministre s'est attiré de nombreux commentaires élogieux en dépit de plusieurs faux pas. Certains experts politiques ont souligné son travail de "coproduction" avec des députés souvent snobés par le pouvoir, d'autres lui prédisant un grand avenir dans les hautes sphères étatiques.
L'exécutif a fait de son texte la vitrine, en France et à Bruxelles, de la politique de réformes du président François Hollande, qui reste contestée par l'aile gauche du Parti socialiste au pouvoir.
En vertu de la loi, le nombre d'ouvertures dominicales des commerces autorisées va passer de 5 à 12 par an, sur décision du préfet (haut représentant de l'Etat) sauf dans le cas de zones touristiques et commerciales qui vont être définies par décrets gouvernementaux.
Selon les cas, ces dimanches seront payés double ou devront faire l'objet d'un accord de compensations salariales entre les syndicats et le patronat.


Une majorité de Français souhaite ... que les autres travaillent le dimanche

04.12.2014AFP

Six Français sur dix (62%) sont favorables à l'ouverture des magasins le dimanche mais dans le même temps, ils sont tout autant à être opposés à l'idée de travailler eux-mêmes ce jour-là, selon un sondage BVA à paraître vendredi dans La Dépêche du Midi.

Dans le détail, 28% des personnes interrogées sont tout à fait favorables à l'ouverture dominicale, 34% plutôt favorables, contre 38% qui y sont opposées, dont 16% tout à fait opposées.

Cela n'empêche pas les Français d'être aussi en nette majorité (60%) en désaccord avec l'idée de travailler eux-mêmes ce jour-là, une opposition en hausse par rapport à l'an dernier (+4 points).

En revanche, 61% d'entre eux seraient d'accord pour travailler régulièrement le dimanche s'ils bénéficiaient de contreparties importantes, comme le doublement de leur salaire et un repos compensateur.

La question du travail "reste extrêmement clivante politiquement", selon l'institut de sondage.

Soutenue par une large majorité des sympathisants de droite (77%), l'ouverture dominicale suscite nettement plus de réticences à gauche (53% y sont opposés, contre 46% de favorables).

L'an dernier, les sympathisants de gauche étaient une courte majorité à y être favorables (52%).

Quant à être d'accord personnellement pour travailler le dimanche, seuls 54% des sympathisants de droite seraient d'accords, contre 27% des sympathisants de gauche.

Le sondage a été réalisé par téléphone et par internet les 3 et 4 décembre auprès de 1.120 personnes constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée d'au moins 18 ans (méthode des quotas).

 

Fabius prone “l'assouplissement“

05.12.2014AFP
Le ministre des Affaires étrangères en charge du Tourisme Laurent Fabius a prôné mardi à Nancy devant restaurateurs et hôteliers réunis au congrès du principal syndicat du secteur l'Umih, une "plus grande souplesse des horaires d’ouverture des commerces", en soulignant qu'un touriste qui trouve "porte close le dimanche ne revient pas le mardi".

La question de l'ouverture des magasins le dimanche en France sera abordée dans le projet de loi pour la croissance d'Emmanuel Macron, présenté le 10 décembre prochain. En octobre dernier, le ministre de l'Economie avait annoncé que les magasins non alimentaires pourraient ouvrir cinq dimanches par an sur simple demande (et non sur autorisation préalable) et jusqu'à 12 dimanches par an au total.

Pour Laurent Fabius, "c'est un sujet délicat mais dans certaines zones très touristiques, il faut une plus grande souplesse des horaires d’ouverture des commerces. Il y aura au début de l'année prochaine, et cela sera présenté en conseil des ministres dans quelques jours, un projet de loi qui comportera des dispositions pour faire avancer ce sujet. Ce sera sur la base du volontariat, avec des compensations mais je pense que c'est absolument indispensable si l'on veut augmenter les recettes liées au tourisme", a-t-il assuré.

"Il y a quelques années, les choses étaient différentes, mais aujourd'hui si un touriste étranger sait qu'il va trouver porte close le dimanche, il ne va pas revenir le mardi. Si l'on veut attirer davantage de touristes, et faire fonctionner plus efficacement l'ensemble de vos professions, le bon sens indique qu’il faut nous adapter à leur demande, plutôt que d'exiger que la demande s'adapte à nous", a poursuivi le ministre devant 600 professionnels du secteur.

Actuellement, dans le secteur des cafés, de l'hôtellerie et la restauration et les discothèques (CHRD), les salariés ne touchent pas de compensations financières lorsqu'ils travaillent le dimanche.

"Nous resterons très attentifs car si le gouvernement décidait d'appliquer une compensation financière dans notre secteur, cela constituerait de trop lourdes charges supplémentaires dans le contexte économique actuel", a expliqué à l'AFP le président de l'Union des métiers et des industries de l'hotellerie (Umih), Roland Héguy.

Laurent Fabius, a par ailleurs annoncé que "l’entreprise Orange France vient de négocier avec le principal opérateur téléphonique chinois China Mobile, 700 millions d'abonnés: Au 1er janvier 2015, tous les touristes chinois arrivant chez nous recevront un SMS d’accueil leur souhaitant en chinois la bienvenue et les invitant à consulter le site officiel du tourisme +Rendez-vous en France+, traduit en chinois", a-t-il développé.

La France accueille 1,5 million de touristes chinois par an et s'est fixé comme objectif d'en recevoir 5 millions à l'horizon 2019.

 

Martine Aubry : “Ne réduisons pas l'existence à la consommation“

10.12.2014Une tribune de Martine Aubry publiée dans “le Monde“
Le projet de loi pour l’ouverture des commerces le dimanche va entrer en discussion au Parlement. Ce n’est pas une réforme subalterne, c’est un moment de vérité autour de la seule question qui vaille : dans quelle société voulons-nous vivre ?
Veut-on faire de la consommation – ?encore plus qu’aujourd’hui – l’alpha et l’oméga de notre société ? La gauche n’a-t-elle désormais à proposer comme organisation de la vie que la promenade du dimanche au centre commercial et l’accumulation de biens de grande consommation ?
Le dimanche doit être un temps réservé pour soi et pour les autres. C’est un moment précieux qui doit être consacré à la famille et aux amis, à la vie associative, à la culture et au sport… Valorisons l’être, plutôt que le tout avoir. Gardons du temps pour penser, respirer et vivre.
D’ores et déjà, 5 millions de Français travaillent habituellement le dimanche, et 3 millions occasionnellement. Leur fonction est nécessaire à la vie collective : la sécurité, les transports, la santé…, sans oublier les magasins alimentaires…
Les arguments économiques de ceux qui sont favorables à une plus grande libéralisation du travail le dimanche ne résistent pas à l’analyse. Le commerce est affaire de revenu disponible. Celui-ci étant limité, l’élargissement des jours d’ouverture procédera à une simple réaffectation des achats dans la semaine. Les zones de tourisme international font seules exception, et méritent une approche particulière, car elles peuvent apporter du pouvoir d’achat supplémentaire, et donc créer des emplois. Encore faut-il que l’approche soit limitée et partagée par les maires concernés.
Dégradation
Par ailleurs, les petits commerçants, si importants pour le dynamisme de nos centres-villes comme de nos quartiers, déjà en butte à la concurrence des zones commerciales et de l’e-commerce, qui souffrent aujourd’hui de la crise économique, seront nombreux à ne pas résister face à l’ouverture le dimanche. Des dizaines de milliers d’emplois seront détruits, sans compter la dégradation des conditions de vie pour ceux qui survivront.
Le volontariat est mis en avant, pour récuser toute régression sociale. Croire que les salariés vont de gaieté de cœur travailler le dimanche, en décalage avec la vie de la société, sous prétexte qu’ils n’ont pas d’emploi ou un salaire majoré, montre une profonde méconnaissance de la réalité. En période de chômage de masse, on ne refuse pas de travailler aux horaires que demande l’employeur. L’ensemble des syndicats sont aujourd’hui à l’unisson opposés à ce projet. Il faut les entendre. Inutile autrement de parler de démocratie sociale.
Enfin, sur un sujet qui touche à l’organisation du temps dans la société, à la façon dont nous voulons vivre ensemble, ce ne sont pas les sondages qui doivent servir de boussole. Les Français dans leur majorité veulent sans doute pouvoir commercer, y compris le dimanche, mais une majorité encore plus grande d’entre eux ne veulent pas être contraints de travailler le dimanche. La politique, c’est bien de dire, au regard de nos valeurs et du sens que nous leur donnons, dans quelle société l’on veut vivre et non de se laisser guider par les études d’opinions.
Je me suis toujours engagée pour un dimanche réservé à la vie : vie personnelle, vie collective. Aujourd’hui, je suis fermement opposée au passage de 5 à 12 dimanches ouverts par an.
Je combattrai cette régression pour notre société au niveau national, comme dans ma ville.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/12/10/ne-reduisons-pas-l-existe...