Fil d'Ariane
Les médiums et autres arts divinatoires font l'objet d'une raillerie ou d'un formidable engouement.
Il y a la France qui consulte et celle qui hausse les épaules.
C'est que la France, pays de Descartes, (1596-1650) est aussi la patrie de Allan Kardec (1804-1869), père fondateur de la doctrine spirite.
L'Institut National des Arts Divinatoires (INAD) estime que "plus des deux tiers des praticiens des arts divinatoires sont des charlatans. De nombreuses plateformes dirigées par des affairistes spécialisés dans la voyance illusoire, comptent plus de 200 voyants, dont les 3/4 sont des illuminés, des charlatans, de simples étudiants ou des commerciaux formés pour la circonstance et baptisés pompeusement "conseillers" ou "experts". "
Une mise en garde qui ne refroidit pas celles et ceux qui consultent.
Terminé (ou presque) la caravane gitane où officie la diseuse de bonne aventure ! Astrologie, numérologie, cartomancie et voyance se déclinent d'abord sur le web. La webcam, le smartphone et les SMS ont ringardisé la boule de cristal. Et mieux vaut
avoir le portefeuille solidement garni. Une consultation par téléphone coûte, en moyenne, plus de trois euros la minute. Souvent, les dix premières minutes sont offertes. L'hameçon fonctionne : il y a tant d'incorrigibles bavards ! A l'autre bout du fil, vous êtes supposés avoir les moyens de les faire parler ! Résultat : des factures gratinées et bien salées.
Et les plaintes se multiplient. Ces escroqueries en ligne rapportent des fortunes. Des victimes se sont parfois faites dépouiller de plus de 200 000 euros ! Des cas exceptionnel, bien entendu.
Le plus souvent, une fois la dépendance établie, le naïf devenu captif, la facture avoisine le millier d'euros.
Difficile, sinon impossible, de récupérer ensuite l'argent. Et puis, une fois ruiné, comment payer un avocat et engager une procédure ? Il y a aussi la honte de s'être ainsi fait escroqué avec des diseurs de bonne aventure.
Et si les victimes décident, malgré tout, d'aller jusqu'au bout et souhaite emprunter la voie judiciaire, elles s'aperçoivent que ces centres d'appel ne sont pas tous installés en France. Beaucoup prospèrent en Tunisie, au Sénégal ou en Hongrie. Au gré des législations compétentes dans les pays pour ce type d'abus, les dossiers s'enlisent....
On reste cependant stupéfait par les promesses ahurissantes véhiculées par de pseudo marabouts sur Facebook. Qu'on en juge : "Marabout féticheur avec 30 ans d’expérience, je peux rendre n’importe quelle femme folle amoureuse de vous et même multiplier vos billets de banque.” ; “Ta femme reviendra en te suppliant à genoux” ; “Je règle tous vos problèmes de puissance sexuelle à distance”, etc. La ficelle est grosse mais elle fonctionne.
Au Bénin, il existe des spécialistes de ce type d'arnaque.
La tactique est de créer une dépendance. Si la magie n'opère pas, c'est qu'il faut changer de stratégie et le faux marabout propose alors une nouvelle "initiation"... contre le paiement de plusieurs centaines d'euros mensuel. Une rente. Les victimes ? Des personnes souvent esseulées, malades ou chef d'entreprise.
Un vivier.
Mais il n'y a pas que des victimes en proie à de vilains profiteurs. Il y a également des personnes fermement convaincus par les pouvoirs des médiums.
Nous rencontrons Elise.
Après avoir perdu sa mère alors qu'elle était enfant, cette journaliste se décide à contacter un médium après l'avoir vu lors d'une émission télé.
"C'était en 2012. J'étais tout de même très sceptique sur les médiums. Je n'étais pas du tout dans la douleur puisque ce deuil n'était par récent. J'ai obtenu les coordonnées du médium via Google. Le contact s'est fait par téléphone. J'ai envoyé une photo de ma mère et un chèque de
70 euros. Je le répète, j'étais très septique, sans aucune conviction. Et l'expérience s'est avérée extrêmement troublante. Et déstabilisante. La médium m'a donné des détails sur ma mère qu'elle ne pouvait pas savoir. Je suis resté 2h en ligne. C'était comme une conversation à trois, sauf que la troisième personne n'est pas visible ! C'était tellement bon ! Après tu as tendance à vouloir recommencer pour recontacter le défunt, pour maintenir le lien. Tu as envie. C'est humain. Puis, un jour, je suis allée la voir. C'étais un samedi après midi. J'étais en vacances. Dans son cabinet surchauffé, tout était fermé. J 'ai tout à coup senti un courant d'air glacial sur mes jambes. La médium m'a dit : "Votre mère me dit qu'elle vous a fait un signe !" C'était le courant d'air glacé ! Au final, moi, tout cela moi m'a aidée. J'étais avec ma mère. Je crois qu'il faut faire attention aux personne que l'on consulte. Cela fonctionne d'abord avec le bouche à oreille. J'en ai vu d'autres ensuite. Cela ne m'a pas convaincue. Sans doute, ma mère m'avait délivrée son message. C'était fini."
Cependant, malgré cet indéniable engouement pour les affaires occultes, le pays est bien loin de connaître la ferveur brésilienne telle qu'à pu la faire naître Chico Xavier (1910-2002).
Cet homme, considéré comme le plus grand médium du XXe siècle, se décrivait pourtant comme un "moins que rien", un homme "d'une absolue insignifiance". Candidat malheureux au Nobel de la Paix en 1981, son incroyable altruisme, ses dons de médium et la publication de 451 livres en font, aujourd'hui encore, l'un des plus grands hommes qu'ait connu le pays.
La France de Descartes n'a pas, à ce jour, connu pareil phénomène.