France : l'Église de scientologie ouvre un centre de formation à deux pas des sites olympiques

L'Église de scientologie inaugure ce 6 avril un nouveau centre de formation. Le bâtiment de 5 étages est situé à deux pas du stade de France, en pleine rénovation pour les Jeux Olympiques de l'été prochain. Une installation décriée par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Image
La façade du nouveau centre de formation de l'Église de la Scientologie à Saint-Denis, le 6 avril 2024. Capture d'écran vidéo AFP.

La façade du nouveau centre de formation de l'Église de la Scientologie à Saint-Denis, le 6 avril 2024. Capture d'écran vidéo AFP.

AFP video
Partager 2 minutes de lecture

Au coeur de la zone d'activités déserte ce 6 avril à Saint-Denis, des petits groupes de personnes tirées à quatre épingles détonnent. Il s'agit de fidèles de la scientologie venus participer à l'inauguration du nouveau centre de formation que leur Église ouvre aux portes de Paris.

L'immeuble vitré de cinq étages est orné de deux grandes banderoles verticales marquées "Dianetics" (le concept du fondateur L. Ron Hubbard) et "Scientology".

Lire Agressions sexuelles sur fond de yoga tantrique : un gourou interpellé en France

Aux abords de l'"Église de Scientology & Celebrity centre du Grand Paris", plusieurs responsables de l'organisation veillent à ce que les invités, seuls autorisés à pénétrer dans l'enceinte, ne s'attardent pas et n'échangent pas avec les quelques journalistes présents.

La présence de Tom Cruise ?

L'acteur et figure de la scientologie Tom Cruise et l'actuel chef de l'Église, David Miscavige, sont venus en région parisienne la semaine dernière, selon une source proche du dossier, précisant que leur présence pour l'inauguration n'était pour l'heure pas prévue.

L'acteur américain Tom Cruise prononce un discours lors de l'inauguration d'un centre de l'Église de la scientologie à Madrid, en Espagne, le 18 septembre 2004.

L'acteur américain Tom Cruise prononce un discours lors de l'inauguration d'un centre de l'Église de la scientologie à Madrid, en Espagne, le 18 septembre 2004. 

© AP Photo/Paul White

Costume bleu et chemise blanche, attentif aux allers et venues des médias, Eric Roux, responsable européen de l'Église de scientologie, a indiqué à l'AFP qu'aucune déclaration ne serait faite et aucun détail de la cérémonie rendu public avant la fin de journée.

Laurent Durand est venu de province spécialement pour cette inauguration mais, loin d'être endimanché, lui angoisse d'être à proximité du bâtiment. "Je suis un petit peu nerveux", confie cet homme qui a quitté l'Église de scientologie il y a dix ans et qui, depuis, milite contre l'organisation. 

L'ouverture de ce centre de formation à quelques mètres du Stade de France, en pleine rénovation en vue des Jeux olympiques de l'été prochain, n'est selon lui qu'un "gros coup de buzz". "C'est très dommage pour la ville de Saint-Denis", déplore Laurent Durand. "C'est juste un investissement financier de (David) Miscavige : il plante ses cacahuètes, c'est tout," ajoute-t-il, en suggérant un enrichissement personnel de l'actuel chef de l'Église.

"briser des familles"

Voyant converger vers l'immeuble des dizaines de ressortissants étrangers, notamment des Suisses, Anglais et Allemands arrivés dans deux bus, l' ancien scientologue est gagné par l'amertume. "Les gens peuvent croire ce qu'ils veulent mais quand leurs croyances leur font faire des choses qui nuisent, là ça devient un problème", dénonce Laurent Durand, "comme briser des familles".

Depuis son départ de l'Église, il regrette de n'avoir plus aucune relation avec son fils trentenaire, scientologue. "Je vais peut-être le voir aujourd'hui", soupire l'homme de 58 ans en jetant un regard furtif en direction du bâtiment dont le haut de la façade est orné d'un grand noeud bleu.

Un choix "pas anodin"

Dans son dernier rapport datant de 2021, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) soulignait que ce choix de localisation à Saint-Denis n'était "pas anodin".

"Le bâtiment de cinq étages se situe à proximité du Stade de France, du futur village olympique et de l'autoroute A1 d'où le mouvement pourrait rendre visible la croix à huit branches, son symbole", écrivait la Miviludes. "Il y a régulièrement un risque, autour des grands événements sportifs, d'opérations de tractage par des organisations connues", a ajouté à l'AFP le chef de la Miviludes, Donatien Le Vaillant.

L'organisme a enregistré 33 saisines concernant l'Église de scientologie en 2021 et relevé dans son rapport une "stratégie de reconquête à grande échelle" et un "manque de transparence du groupe".

L'Église dispose déjà de deux centres plus petits à Paris et de deux autres en France, à Angers et Clermont-Ferrand.

Opposition de la mairie

La mairie de Saint-Denis s'est longtemps opposée à l'acquisition en 2017 par les scientologues du bâtiment qu'ils inaugurent, avant d'y être contrainte par une décision du Conseil d'État quatre ans plus tard. "La mairie subit cette ouverture et regrette que cet immeuble n'ait pas été préempté quand la Scientologie l'a acheté. L'erreur fondamentale (a été commise) à cette époque", a déclaré à l'AFP la mairie. Le 5 avril, l'actuelle municipalité socialiste a fait savoir qu'elle serait très vigilante aux tentatives de prosélytisme.

Donatien Le Vaillant, chef de la Miviludes, s'est dit "conscient des risques" de prosélytisme, en assurant que "les services de l'État ont, avec la préfecture, une action pour sensibiliser aux risques de dérives sectaires" dans leur ensemble.

L'association Caffes (Centre d'accompagnement familial face à l'emprise sectaire) a elle lancé un "appel à la vigilance" sur cette installation "à la veille des JO" de Paris (du 26 juillet au 11 août), événement mondial "propice au recrutement".

Une autre autorisation de manifestation, d'opposants cette fois, a été déposée auprès de la préfecture par un ex-scientologue.

"Ils veulent faire passer le message que c'est en train de croître alors que le mouvement s'effondre un peu partout dans le monde", a critiqué auprès de l'AFP Ludovic Durand, pendant vingt ans membre du personnel du centre du 17e arrondissement à Paris.

L'Église de scientologie n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.