France : les députés n'auront (finalement) pas besoin d'un casier judiciaire vierge

Le président français Emmanuel Macron en avait fait l'une de ses promesses phares pendant la campagne électorale. Parmi les mesures de "moralisation" de la vie politique, il devait obliger les élus à présenter un casier judiciaire vierge pour être éligible. L'Assemblée nationale vient de choisir un autre dispositif.
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L'Assemblée nationale française (archive du 4 juillet 2017)
©AP/Michel Euler
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Les députés français examinent, depuis lundi 24 juillet, le projet de loi visant à redonner "confiance dans l'action publique". Au préalable, parmi les mesures adoptées la semaine dernière en commission, se trouvait l'obligation d'un casier judiciaire vierge de tout crime ou délit en lien avec la probité afin de pouvoir se présenter à une élection en France.

Ce dispositif était défendu par le candidat Emmannuel Macron pendant sa campagne électorale. Son programme comportait la promesse : "L’interdiction pour tous les détenteurs d’un casier judiciaire (niveau B2) de se présenter à une élection" (page 27).
 

Mesure enterrée à la demande du gouvernement


Mais cette mesure a finalement été enterrée dans la nuit de lundi à mardi, pendant les débats entre députés, à la demande de la ministre de la Justice et du groupe LREM (La République en Marche). Le gouvernement voyait, finalement, dans cette mesure un risque d'inconstitutionnalité.

A la place, l'Assemblée a mis sur pied un autre dispositif. L'amendement adopté prévoit que, en cas d'atteinte à la probité, un élu sera condamné à une "peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité". 

Plusieurs élus ont déploré un "recul" du gouvernement sur le casier vierge, à l'instar de Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, Delphine Batho (Nouvelle Gauche) ou Philippe Gosselin (Les Républicains) qui a regretté une "reculade" sur "un engagement clair, ferme du président de la République".
 
En séance, Delphine Batho dénonce l'argument utilisé par le gouvernement pour renoncer à cette mesure :

La ministre de la Justice Nicole Belloubet insiste, elle, sur le fait que le dispositif finalement adopté permettra lui aussi "de rendre inéligibles les personnes qui n'en sont pas dignes en raison de manquements à la probité".  Elle a rappelé que deux voies étaient possibles : "rendre inéligibles les personnes qui ne disposent pas d'un casier judiciaire B2 vierge" ou la peine complémentaire.

"Afin d'éviter tout risque de censure" par le Conseil constitutionnel, le gouvernement a défendu cette "peine complémentaire obligatoire", un dispositif "plus efficace" que le casier vierge, "malgré l'apparence", car cela peut être considéré comme "une peine automatique" contraire "au principe d'individualisation des peines garanti par la Constitution", a-t-elle argué.
 

Inégibilité pour discrimination et violences sexuelles


Le gouvernement souligne par ailleurs que le champ d'application de cette sanction d'inégiblité a été étendue. Elle concernera non seulement les manquements à la probité mais aussi "les faits de discrimination, injure ou diffamation publique, provocation à la haine raciale, sexiste ou à raison de l'orientation sexuelle".

Dans un communiqué, la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) a salué "une avancée historique dans la lutte contre le racisme". Pour son président Alain Jakubowicz, "le message adressé à nos concitoyens est clair : la République française proclame que désormais les noms des racistes, des antisémites, des négationnistes, des homophobes n'a rien à faire sur un bulletin de vote".

Le gouvernement a aussi inclus des éléments venus du Sénat sur les délits de harcèlement et de violences sexuelles, ainsi que d'autres propositions Modem sur le recel de délits boursiers.