A plus de 15 000 kilomètres de distance de la métropole, la Polynésie française apparait comme un rêve. Un rêve coloré, parfumé et lointain dont on ne sait rien ou presque... Mais ce rêve est surtout un cauchemar pour ceux qui en subissent les conséquences sanitaires.
C'est au cours d'une réunion des Nations Unies sur la Polynésie française que l'indépendantiste Oscar Temaru a annoncé ce dépot de plainte. "C'est avec un grand sentiment du devoir et de détermination que le 2 octobre nous avons déposé une plainte auprès de la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité. Cette poursuite en justice a pour objectif de demander des comptes à tous les présidents français vivants depuis le début des essais nucléaires contre notre pays", a expliqué l'ancien président de la Polynésie française. En 30 ans, la France a procédé à 193 essais nucléaires dans les atolls de Mururoa et Fangataufa.
A la CPI, on confirme ce dépôt de plainte. Voici les précisions que nous avons pu obtenir : "nous analyserons les documents soumis, le cas échéant, conformément au Statut de Rome et en toute indépendance et impartialité. Dès que nous aurons pris une décision sur la prochaine étape appropriée, nous en informerons l'expéditeur et fournirons les raisons de notre décision."
Reste que la Cour basée à La Haye, aux Pays-Bas, ne peut pas être compétente dans ce cas précis, nous explique Raphaëlle Nollez-Goldbach, auteure de "La Cour Pénale Internationale", car "la CPI ne juge que des individus et non pas des États. Pour saisir la cour, il faut être un État et dans ce cas de figure c'est la France qui devrait porter plainte."
Une plainte pour "crimes contre l'humanité" n'est pas non plus possible "puisqu'il s'agit d'une série d'actes (extermination, meurtres, réduction en esclavage, torture, viol...) qui soient commis dans le contexte d'une attaque contre la population civile", ajoute-t-elle.
Et de plus, pour cette spécialiste du droit international au CNRS, "on est en dehors de la compétence temporelle de la cour qui ne peut pas juger les crimes commis avant 2002. Donc elle est totalement incompétente."
Reste à se tourner vers un tribunal administratif seul compétent car il existe la loi Morin du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Mais le dispositif mis en place est jugé trop restrictif, selon des associations de vétérans touchés par des maladies radio-induites
En février 2016, lors de sa visite en Polynésie française, le président François Hollande a reconnu que les essais nucléaires avaient eu un impact sur l'environnement et la santé et il appelait à une accélération des indemnisations.
Mais depuis la promulgation de la Loi Morin, sur le millier de dossiers déposés, seuls 19 ont abouti.