Fil d'Ariane
La procédure lancée en 2021 par la Franco-Vietnamienne Tran To Nga, contre le producteur de "l'agent orange" Bayer-Monsanto a été jugée “irrecevable” par la cour d’appel de Paris. Retour sur l'affaire.
Tran to Nga lors d'un rassemblement à Paris en janvier 2021.
La cour d’appel de Paris a déclaré dans un arrêt publié ce jeudi 22 août, que la plainte déposée en mai 2021 à l’encontre de Bayer-Monsanto et treize autres groupes agrochimiques ayant fourni à l’armée américaine “l’agent orange” était irrecevable. La plainte déposée par Tran To Nga, Franco-Vietnamienne de 82 ans, avait pour but d’obtenir justice pour les millions de victimes qui, comme elle, ont été exposées au composé chimique déversé en masse par l’armée américaine sur les forêts vietnamiennes durant la Guerre du Vietnam (1965-1975).
“Les demandent de Mme To Nga se heurtent à l’immunité de juridiction dont les sociétés (...) bénéficient.” selon l’arrêt consulté par l’AFP. Une immunité employée par ces entreprises en indiquant qu’elles avaient agi pour le compte des Etats-Unis.
Voire: Procès de l’"agent orange" : Tran To Nga accuse 14 groupes agrochimiques, dont Bayer-Monsanto
Cette enseignante née en 1942 est depuis une dizaine d'années le fer de lance de la lutte pour la condamnation des entreprises telles Monsanto-Bayer, Dow Chemical et Hercules, jugées comme responsables des souffrances propagées par l’agent orange. La condamnation de ces entreprises et la reconnaissance des victimes figurent notamment parmi les objectifs d’associations telles le collectif Vietnam Dioxine.
L’agent orange, tenant son nom de la couleur des bandeaux peints sur les barils du produit, est un défoliant toxique employé durant la Guerre du Vietnam par l’armée américaine. Celle-ci le largue en masse sur les forêts du Vietnam afin de déloger les combattants communistes du Vietcong en détruisant ces mêmes forêts. Le nombre des victimes du composé s’élèvent à plus de trois millions. Des militaires américains qui étaient chargés de le déverser, des membres du Vietcong, mais surtout des millions de civils vietnamiens sont exposés à l’agent orange après que l’armée ait commencé à l’employer.
Un avion militaire américain répand de "l'agent orange", sur une forêt vietnamienne durant la Guerre du Vietnam.
En 1966, Mme To Nga, alors journaliste, est exposée au défoliant; dont elle subira les séquelles pour le reste de sa vie. Sa fille née en 1969 décédera à 17 mois d’une malformation cardiaque d’après le collectif. Celui-ci ajoute que ses deux autres filles; de même que ses petits-enfants souffrent également de “pathologies graves”. Mme To Nga quant à elle soufre, du fait de son exposition à l’agent orange, de “tuberculoses à répétition, d’un cancer et d’un diabète de type II”, selon Vietnam Dioxine.
Seuls les vétérans américains ayant dispersé le défoliant ont à ce jour reçu une indemnisation pour les séquelles, sans que ne se tienne un procès. Les millions de victimes vietnamiennes n'ont jamais reçu de compensation. La justice américaine avait statué en 2005 que ce produit était un “herbicide” et non une arme chimique, rendant ainsi nuls les espoirs d’une association vietnamienne de victimes.
Des fantassins américains durant la Guerre du Vietnam.
Mme To Nga avait quant à elle décidé de se tourner vers la justice française pour faire condamner ces entreprises. Elle avait cependant été déboutée en 2021 par le tribunal d’Evry. Ce dernier, tout comme la cour d’appel, avait estimé que les entreprises en question avaient agi “sur ordre et pour le compte de l’Etat américain.” et que celle-ci pouvaient par conséquent se prévaloir de “l’immunité de juridiction”.