Fil d'Ariane
"Il s’est éteint à l’hôpital Foch de Suresnes dans les Hauts-de-Seine, où il résidait, dans ce département qu’il avait façonné par sa ferme volonté d’inscrire l’action politique en réalisations concrètes et ambitieuses. Il est toujours resté fidèle à son engagement gaulliste dans la Résistance contre l’occupant nazi. Pour lui, la politique était un combat au service de la France, dans la fidélité à ses compagnons, dans le respect de ses adversaires dès lors qu’ils étaient animés, comme lui, par la conviction et le courage. (...) Seules les offenses faites à la France et à l’honneur ternissaient son regard bienveillant face à toutes les épreuves. Il aurait souhaité en ce jour si douloureux pour nous que ses amis ne cèdent pas au chagrin mais gardent de lui une image fidèle et que, pour lui, ils perpétuent son dévouement à une certaine idée de la France."".Cette information, la famille l'a d'abord fait parvenir au Point.fr.
La disparition de cette figure politique française, sorte de raminagrobis redoutable et rigolard, marque incontestablement la fin d'une époque. Charles Pasqua, petit-fils de berger corse, né à Grasse, dans les Alpes-Maritimes, en 1927, était l'homme des réseaux et des coups souvent tordus.
Résistant à 15 ans, gauliste de la première heure, il commence sa carrière politique... chez Ricard, le célèbre fabricant de pastis. " Mon père avait été nommé dans la police à Marseille et je faisais des petits boulots de plagiste. Un ami m’a conseillé de postuler chez Ricard. J’ai eu un coup de chance, j’ai été reçu par Paul Ricard lui-même. Dans son bureau, il m’a demandé de mimer une scène de vente. Ma prestation a dû lui plaire. Quinze jours plus tard j’étais pris à l’essai." dira -t-il lors d'une interview au JDD.
Il revendiquera ses années très formatrices : "Je ne serais jamais devenu ce que je suis devenu si je n’avais pas travaillé avec Paul Ricard. C’était un meneur, un animateur exceptionnel, bien sûr, avec ses outrances, mais il ne peut pas ne pas y avoir d’outrances."
L'outrance ? Les bons mots ? Comment mettre une salle dans sa poche ? Autant de leçons qu'il n'oubliera jamais. Charles Pasqua apprend vite. En 1955, il est inspecteur des ventes, en 1960 le voici directeur régional, trois ans plus tard directeur export, et, en 1967, numéro 2.
Mais la politique le démange. Avec Jacques Foccart et Achille Peretti, il fonde le Service d'Action Civique (SAC), de sinistre mémoire. Fini la bonhommie et les bons mots. Charles Pasqua est un homme à poigne, partisan de méthodes musclées et pas très regardant sur ses asscociés qui font le coup de poing. Le SAC lutte contre l'OAS qui n'accepte pas l'indépendance de l'Algérie."Le vrai patron, dira-t-il, c'était Jacques Foccart. C'était une résurgence du service d'ordre du RPF, constitué de nombreux anciens de la France libre. Ça n'avait rien d'un nid de barbouzes ! "
En 1968, il s'installe politiquement dans les Haut-de-Seine. Le voici député UDR, puis sénateur et président du conseil général. Très vite, les journalistes raffolent de ce bonhomme un peu pagnolesque, toujours "bon client", disponible, et souvent drôle y compris quand il pratique avec un art consommé une étourdissante langue de bois. Il joue avec son accent marseillais, et Pompidou s'en étonne. Selon Pasqua, le Premier ministre lui aurait dit : "Jeune homme, vous avez des qualités et un bel avenir devant vous. Mais votre façon de parler est un handicap. Certains de vos collègues suivent des cours de diction..." Ce à quoi Pasqua aurait répondu : "Monsieur le Premier ministre, vous pouvez tout me demander, mais ça, jamais ! "
En 1983, il pense succéder à Achille Peretti en qualité de maire de Neuilly sur Seine, où habite tous le gratin politique et artistique de Paris. Mauvaise pioche. Sur la dernière ligne droite, il se fait doubler par un jeune ambitieux de 28 ans, un certain Nicolas Sarkozy. Il se rattrape peu après et devient le premier flic de France en acceptant d'être le ministre de 'Intérieur du premier gouvernement de cohabitation (1986-1988). Sa méthode ne fait pas dans la demie-mesure : d'abord une politique sécuritaire et puis repression maximum lors des manifestations étudiantes opposées à la loi Devaquet, une loi qui allait dans le sens d’une plus grande libéralisation, notamment dans l’enseignement supérieur.
La répression se soldera par la mort du jeune Malik Oussekine, tabassé jusqu'à en perdre la vie. Il durcit les lois sur l'immigration et s'engage contre le terrorisme. En marquant des points : arrestation du terroriste Carlos et, en décembre 1994, le succès de l'opération du GIGN sur l'aéroport de Marseille, pour " neutraliser " un commando du GIA ayant détourné un Airbus parti d'Alger.