Au petit matin, ce lundi 30 juin, un homme seul et armé se retranche chez lui. Mais ce n'est ni un forcené, ni un anonyme qui, peu après, se rendra au GIGN. L'homme n'est autre que Paul Barril, son ancien numéro 2 qui fut, il y a bien longtemps, proche de l'Elysée. Un homme diminué par la maladie de Parkinson, mais dont le nom reste intimement lié à plusieurs affaires d’État de la fin du XXe siècle, de l'implication de la France dans la "libération" de la Mecque en 1979 au génocide rwandais. Retour sur le parcours de cet homme qui, en 2012 encore, se présentait comme conseiller des autorités qataries.
Converti à l'islam pour libérer la Mecque En novembre 1979, quelque deux-cents jihadistes d'une quinzaine de nationalités s'emparent de la mosquée Al-Masjid al-Haram à La Mecque. Ils réclament le départ de la famille royale saoudienne, jugée corrompue. La garde saoudienne intervient, en vain. C'est alors que les forces de sécurité françaises sont appelées à la rescousse. Si nul ne sait exactement le rôle de chacun, l'écrivain et journaliste lauréat du prix Pulitzer américain Lawrence Wright relate l'épisode en ces termes dans son livre "La guerre cachée" : "Trois agents du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN) sont arrivés à la Mecque. Les non-musulmans n'étant pas autorisés à entrer dans la ville sainte, ils ont dû se convertir à l'islam lors d'une brève cérémonie... Plus de deux semaines après l'assaut, les rebelles survivants se sont rendus." Paul Barril utilisera ce fait d'armes pour se lancer dans la sécurité et le conseil international, à travers les sociétés fondées après son départ de l'armée, en 1984 (Epsylon, mais surtout Secrets pour les activités internationales). Des entreprises peu regardantes sur les motifs de ses clients, à commencer par le gouvernement hutu du président rwandais à la veille du génocide Tutsi.
Les Irlandais de Vincennes Du grand public, Paul Barril s'est fait connaitre dans l'affaire des trois Irlandais de Vincennes qui, à l'été 1982, sont présentés comme des terroristes, avant d'être innocentés un an plus tard. "L'opération des Irlandais n'a été de bout en bout qu'un montage réalisé par le capitaine Barril," résumera Edwy Plenel dans le Monde. Paul Barril crie à la diffamation et attaque Plenel en justice. Procès perdu pour celui qui, désormais, est devenu célèbre comme l'un des "gendarmes de l'Elysée".
Génocide au Rwanda : "le capitaine Barril, c'est la France" En 1989, Paul Barril est contacté par le pouvoir du Rwanda pour y réorganiser les services de renseignements puis pour un audit de son armée. Il y réapparaît en avril 1994, toujours à la demande de Kigali. Outre 1000 mercenaires au service du gouvernement hutu, le "contrat d'assistance" de Barril, signé le 28 mai 1994, en plein embargo, porte sur plus de 3 millions de dollars d'armes et de munitions. Or à l'époque, "faire appel à Barril, c'est faire appel à la France", déclarera par la suite une source judiciaire. Car voici des années que, selon le quotidien Le Monde, Paul Barril opère dans ce lieu très sensible à la demande de proches conseillers du président Mitterrand. Officiellement pour une "mission d'infiltration" au sein du gouvernement du président hutu Habyarimana, puis pour démêler les circonstances de l'attentat qui coûtera la vie ce dernier et déclenchera le génocide contre les Tutsis. C'est une perquisition à son domicile, à l'été 2012, qui permettra à la justice de réunir les documents qui prouvent le rôle joué dans l'ombre par Paul Barril au Rwanda.
"Association de malfaiteurs" Dans les années 2000, alors que se joue une guerre des clans autour du cercle de jeux Concorde, Paul Barril est accusé d'avoir fourni une "assistance musclée" à l'une des parties via ses sociétés de sécurité. Mis en cause par un des suspects déjà écroués dans le cadre de l'enquête sur une affaire de blanchiment présumé d'argent au sein du cercle de jeux parisien Concorde, Paul Barril est mis en examen et condamné pour "association de malfaiteurs en vue de la commission d'extorsion en bande organisée, en vue de la commission d'assassinat et de corruption". Libéré sous caution, il est relaxé en 2013.
“Oeil pour oeil, dent pour dent“
Dans l'émission Taxi du 12 septembre 1986, Paul Barril parle du terrorisme et de sa méthode pour riposter. Il évoque les attentats de 1983 à Beyrouth et affirme que les "chefs" savent où se trouvent les terroristes (archives INA).