France : pourquoi la droite veut-elle revenir sur l’accord avec Algérie qui encadre l’immigration ?

Les Républicains à l'Assemblée nationale appellent à dénoncer unilatéralement l'accord franco-algérien sur l'immigration. Ils ont déposé une proposition de résolution en ce sens. Cette révision a initialement été prônée par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe.

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algérie france photo supporter CAN 2019

Photo d'illustration. Un fan algérien porte un masque du président des États-Unis Donald Trump et agite un drapeau algérien après le match de football de demi-finale de la Coupe d'Afrique des Nations entre l'Algérie et le Nigeria. Paris, France - dimanche 14 juillet 2019.

AP/Kamil Zihnioglu
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"Il y a des relations historiques extrêmement puissantes entre la France et l'Algérie, mais le maintien aujourd'hui d'un tel dispositif avec un pays avec lequel nous entretenons des relations compliquées ne me paraît plus justifié". C'est par cette déclaration que l'ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron, Édouard Philippe, a relancé lundi 5 juin le débat autour de cet accord.

"Cinquante-cinq ans après, les conditions ont changé. Je pense que ce traité, il faut le réexaminer", a appuyé mercredi 7 juin le président LR du Sénat Gérard Larcher, estimant qu'il introduit une "discrimination" entre l'Algérie et les autres pays d'immigration.

"L'Algérie ne remplit pas ses obligations"

L'accord franco-algérien de 1968 sur l'immigration confère un statut particulier aux Algériens, en régissant notamment leurs conditions de circulation, de séjour et d'emploi en France. Il est aujourd'hui remis en cause par plusieurs responsables politiques français, notamment à droite. Ils jugent cette exception anachronique.

Il apparaît donc qu'aucune politique migratoire cohérente ne soit possible sans la dénonciation de l'accord franco-algérien.
Fondation pour l'innovation politique (Fondapol)

En mai dernier, le groupe de réflexion classé à droite Fondapol avait déjà dénoncé dans une étude l'"anomalie" de cet accord. Ce dernier empêche la France "d'agir significativement sur les flux en provenance de l'Algérie", a estimé la Fondapol.

"La situation de la France est d'autant plus défavorisée que l'Algérie ne remplit pas ses obligations, notamment en ce qui concerne la délivrance des laissez-passer consulaires" qui permettent de réaliser les expulsions, a-t-elle ajouté, avant de conclure : "Il apparaît donc qu'aucune politique migratoire cohérente ne soit possible sans la dénonciation de l'accord franco-algérien", qui n'avait pas agité le débat public depuis une décennie.

Soutenir l'économie française 

Signé six ans après la fin de la guerre d'Algérie (1954-1962), l'accord intervient à un moment où la France a besoin de bras pour soutenir son économie. L'accord crée un régime d'immigration largement favorable pour les Algériens.
Leur entrée est facilitée (sans qu'ils n'aient besoin de visa de long séjour).

Grâce à cet accord, ils peuvent s'établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante et ils accèdent plus rapidement que les ressortissants d'autres pays à la délivrance d'un titre de séjour de 10 ans.

Dans le cadre d'un regroupement familial, les membres de la famille reçoivent également un certificat de résidence de 10 ans dès leur arrivée si la personne qu'ils rejoignent possède ce titre. Les Algériens peuvent aussi solliciter un certificat de 10 ans après trois ans de séjour, contre cinq pour les autres nationalités.

Dans le décret d'application du 18 mars 1969, la démarche est justifiée par "la nécessité de maintenir un courant régulier de travailleurs", passant notamment à l'époque par l'Office national de la main d’œuvre, et qui "tienne compte du volume de l'immigration traditionnelle algérienne en France". Les Algériens restent aujourd'hui les premiers ressortissants étrangers, en nombre, en France.

Qu'est-ce que l'accord franco-algérien de 68 ?
L'accord bilatéral entre la France et l'Algérie a été signé le 27 décembre 1968. Il crée un statut particulier pour les ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi en France. L'accord a fait l'objet de trois révisions, en 1985, 1994 et 2001. Elles ont débouché sur trois avenants, mais les grands principes du texte ont été maintenus. 

Le texte, qui relève du droit international et prime donc sur le droit français, écarte les Algériens du droit commun en matière d'immigration. Les Algériens n'ont, depuis, pas de carte de séjour en France. Ils peuvent bénéficier de "certificats de résidence pour Algérien". 600.000 titres de ce genre ont été délivrés en 2022, selon la statistique publique.

Dans son projet de loi sur l'immigration - depuis reporté - l'actuel gouvernement a souligné que les dispositions ne concernent pas les "ressortissants algériens qui sont exclusivement régis par l'accord franco-algérien".

Les étudiants algériens lésés 

En revanche, puisque leur statut est régi par ce seul accord, les ressortissants algériens ne peuvent pas prétendre aux autres titres de séjour créés récemment. Notamment les titres en matière d'immigration professionnelle comme le "passeport talent" ou encore la carte "étudiant programme de mobilité".

Les étudiants algériens, eux, y perdent. Ils ne peuvent pas travailler, pour un job étudiant par exemple, sans solliciter une autorisation provisoire et cet emploi ne peut excéder 50% de la durée annuelle de travail pratiquée dans la branche concernée (contre 60% pour les autres nationalités).