France : pourquoi les adoptions à l'international sont en chute libre ?

Le nombre d'enfants adoptés à l'étranger ne cesse de chuter. 244 adoptions internationales ont été réalisées en 2020 contre 421 en 2019, selon le ministères des affaires étrangères. Une baisse de 47%. Comment expliquer la poursuite de cet effondrement qui dure depuis plus d'une décennie ?
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Des bébés de cinq mois sont bercés par des employés d'un orphelinat de la province de Bac Ninh, près de Hanoï, au Vietnam, le 23 avril 2008.
AP Photo/Chitose Suzuki
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Depuis une décennie, le nombre d’adoption à l’étranger ne cesse de baisser pour les ressortissants français ou les étrangers résidant en France. Plusieurs facteurs expliquent cette diminution.

La question éthique

En 2020, 244 enfants ont été adoptés à l'étranger par des ressortissants français ou des étrangers résidant en France, selon le ministère des Affaires étrangères français. Le Vietnam est le premier pays d’origine des enfants suivi par la Colombie, la Thaïlande, Haïti et la République du Congo.

Plusieurs facteurs expliquent la baisse des adoptions depuis plusieurs années. Il y a notamment une forte diminution des enfants adoptés en Russie, longtemps premier pays d'origine, des restrictions ont été instaurées par Moscou.

La Russie, la Chine ou encore le Brésil ont préféré développer les adoptions nationales. Pékin a également mis fin à la politique de l'enfant unique en 2015 ce qui a mécaniquement fait baisser le nombre d'enfants candidats à l'adoption.
 

Des pays n'offrant pas des niveaux suffisants de sécurité juridique ou éthique (Cambodge, Cameroun, République centrafricaine) ont suspendu aussi les adoptions, parfois depuis plusieurs années.

Ces diminutions n'ont pas été compensées par une augmentation dans quelques autres pays tels que la Colombie, la Côte d'Ivoire et Haïti.

Haïti : les familles d'accueil privilégiées

En 2019, 30 enfants ont été adoptés par des Français en Haïti, contre 61 un an plus tôt. Les adoptions ont fortement chuté par rapport à 2010 (992 enfants) et 2009 (651), selon l'Agence Française de l'Adoption. 

Haïti est en proie à une grave crise institutionnelle, humanitaire et sécuritaire. En novembre 2020, un couple de Français originaires de l'Ardèche a été tué par balles en novembre à Port-au-Prince, où ils venaient d'arriver pour une adoption. Après cet évènement, les couples ont été appelés à redoubler de vigilance.

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Afin de contrer les risques de traite et les dérives des orphelinats qui se sont multipliés après le séisme de 2010, Haïti mène une large réforme de sa protection des enfants, en privilégiant notamment leur placement en familles d'accueil.

Le nombre d'établissements hébergeant des enfants avait plus que doublé au cours des mois suivant la catastrophe, un boom aussi rapide qu'illégal.

Aujourd'hui, seule une cinquantaine des 754 maisons d'enfants recensées sont accréditées ou en voie d'accréditation auprès de administration haïtienne de protection de l'enfance, l'IBESR. Pour reprendre le contrôle, l’État a interdit, sous peine de poursuites pénales, toute nouvelle ouverture d'institutions du genre.

Autre mesure forte, Haïti a finalement signé la convention de la Haye mettant fin aux adoptions indépendantes. Que l’État ait finalement la responsabilité d'apparenter enfant et adoptant est apparu vital pour mettre fin aux drames vécus par certains parents biologiques. 

"La personne confiait son enfant à un orphelinat, signait éventuellement un document mais parfois sans savoir même lire. De façon récurrente, on recevait à l'Institut des mères en pleurs qui venaient réclamer leur enfant mais qui était parti à l’adoption à l’étranger", se remémore avec tristesse Arielle Jeanty Villedrouin, directrice de l'IBESR.

Car 80% des quelque 27000 enfants haïtiens actuellement placés en orphelinat ont au moins un parent en vie. 

Corée du Sud : l'adoption nationale

Après la Guerre de Corée (1950-1953), l'adoption fut un moyen de se débarrasser des enfants nés de la relation entre des militaires américains et des Sud-Coréennes, alors que le pays ne jurait que par l'homogénéité ethnique.

La société sud-coréenne demeure profondément conservatrice et patriarcale et nombre de jeunes mères non mariées se trouvent contraintes d'abandonner leur bébé à la naissance. En 2020, Séoul est la 10ème puissance mondiale selon l’OCDE. Le pays a vu son niveau de vie s’améliorer, la population la plus aisée est en mesure d’adopter des enfants. Les orphelins sont donc pris en charge par des nationaux.

La Corée du Sud fut un temps l'un des premiers viviers de l'adoption internationale. Au moins 167000 enfants sud-coréens ont été adoptés par des parents étrangers depuis les années 1950.

Guatemala : la guerre civile en héritage

La guerre civile au Guatemala entre 1960 et 1996 a fait quelque 200000 morts selon la Commission pour la Vérité sous les auspices de l'ONU. L'armée a commis la majorité des massacres, visant essentiellement les communautés amérindiennes. 

En 2020, environ 900 de ces enfants considérés comme disparus ont retrouvé leur famille, selon des organisations humanitaires guatémaltèques.

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Ignacio Segura, adopté au Canada au début des années 1980 recherche sa famille biologique. "Mon rêve, c'est d'embrasser ma maman. Cela me soulagerait d'un poids qui m'écrase depuis que je suis tout petit” explique-t-il

En février 2020 une campagne est lancée au Guatemala pour que ceux qui, comme lui, ont été adoptés pendant la guerre civile puissent retrouver leur famille biologique.

Des avis seront publiés sur les réseaux sociaux et des affiches proclamant "Je cherche ma famille" seront placardées dans les rues par un collectif baptisé H.I.J.O.S. (enfants) qui rassemble des survivants de la guerre civile. 

Selon le collectif H.I.J.O.S., il y a plus de 5000 cas avérés d'enfants disparus, dont certains âgés d'un à six ans, "enlevés par des officiers de l'armée" dans des régions dévastées par les militaires, et qui ont ensuite été emmenés dans des orphelinats.

Lors des adoptions internationales, moins de 10% des enfants adoptés sont orphelins. Les autres peuvent être des enfants abandonnés ou dont les parents ont été déchus de leurs droits parentaux.