Fil d'Ariane
« Quand je lisais cette phrase : "Maman, je suis en Syrie", mon cerveau me disait : "maman, je suis mort », se souvient Saliha. Elle évoque le souvenir de son fils, Sabri, 19 ans, parti en août 2013 « faire le djihad », la guerre sainte. Quelques semaines plus tard, Saliha reçoit un appel anonyme. On lui assure que Sabri est mort en martyr et que ses parents "peuvent être fiers".
Jonathan, un grand balèze, vigile dans une grande surface, parle de sa soeur. Sarah avait 17 ans. Elle s'est volatilisée à la sortie des cours. Mais un jour, Sarah a appelé. « Elle nous a dit qu'elle était en Syrie. On se l'ait pris en pleine gueule. Tout était calculé ». On devine comme une colère dans les yeux de Jonathan mais aussi une atroce impuissance rendue plus vive par des regrets certainement ressassés : « Si j'avais connu certaines personnes avant que ma soeur parte, bien sûr, elle ne serait jamais partie...», lâche-t-il.
Il y a aussi les témoignages de Véronique : « On ne peut pas aller le chercher », dit-elle quand elle évoque le souvenir de son fils Quentin (22 ans), et les yeux mouillés de Baptiste quand il se remémore l'inacceptable : « Léa a pris un sac à dos et une écharpe et elle a disparu ».
La force de ces quatre films tient à la simplicité des témoignages. Les parents qui découvriront ces spots se sentiront certainement concernés. Loin de l'image-cliché de "gosses à problèmes" destinés "à finir mal", Sabri, Sarah, Quentin et Léa étaient des ados apparemment sans histoire.
Le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam tord le cou à certains clichés. « 80% des familles sont de référence athée, 20% sont de référence bouddhiste, juive, catholique ou musulmane » précise son rapport « La Métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes ».
Et les familles n'appartiennent pas aux classes sociales les plus modestes : « à plus de 84%, les familles appartiennent aux classes sociales moyennes ou supérieures, avec une forte représentation des milieux enseignants et éducatifs (50% de ces 84%).(...) Le reste exerce des métiers variés, qui vont de commerçants à médecins spécialisés… Les 16% de classes populaires comprennent une grande partie de parents au chômage et/ou en invalidité.»
Il semble dans ces quatre films que les parents n'aient rien vu venir.
Mais ce n'est pas toujours le cas. Les parents sont souvent les premiers à constater les métamorphoses de leurs enfants qui peu à peu vont s'enfermer dans un mutisme inquiétant, vont aussi s'absenter des réunions familiales et sécher les cours. Ces jeunes ont en commun de ne plus compter les heures passées devant un écran d'ordinateur. Le temps, désormais, est entièrement fagocité par ces « nouveaux amis ».
Valérie Aubry-Dumont de l'association "Malgré Eux", la psychologue clinicienne Inès Weber et la productrice Fabienne Servan-Schreiber signent ces quatre films qui se terminent chacun par un numéro vert accessible en France et depuis l'étranger : 0 800 00 56 96.
Elles écrivent : « Si le but principal est de porter assistance aux familles et sensibiliser l'opinion publique, nous souhaitons que ces témoignages aident les jeunes eux-mêmes, tentés par cet engagement suicidaire, à prendre conscience des souffrances qu'ils pourraient alors causer à leurs proches et des risques vitaux qu'ils prennent en rendant là-bas. »
Selon les derniers chiffres fournis par le ministère français de l'Intérieur en avril 2015, le numéro vert anti-djihad a permis de recenser 1864 personnes radicalisées, soit plus de la moitié des 3786 cas signalés aux autorités. Sur ces 1864 signalements, 40 % concernait des jeunes femmes.
LE NUMÉRO VERT (appel gratuit) 0 800 00 56 96 est accessible en France et depuis l'étranger du lundi au vendredi de 9h à 18h.
- Le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’slam (CPDSI)
- Le rapport "La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes" de Dounia Bouzar, Christophe Caupenne, Sulayman Valsan