France : qu'attendre des 20 mesures sur l'immigration ?
Plus exigeant sur l'accès aux soins, plus ferme face aux "abus" et davantage soucieux des filières économiques en tension: Edouard Philippe dévoilera mercredi 20 mesures sur l'immigration, après un mois de polémiques amalgamant ce sujet au communautarisme et la laïcité.
Le Premier ministre français Edouard Philippe à l'Assemblée nationale, à Paris, le lundi 7 octobre 2019, lors d'un débat sur la réforme de l'immigration.
(Photo AP / Thibault Camus)
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Les décisions seront officiellement dévoilées mercredi matin à l'issue d'un Comité interministériel mais ont été présentées dès lundi soir à plusieurs ministres et parlementaires de la majorité, réunis à Matignon.
Elles ponctuent une longue séquence initialement voulue par l'exécutif, désireux de ne pas laisser ce thème à la droite et l'extrême droite, mais qui lui a ensuite échappé en déviant ces dernières semaines, notamment sur le port du voile. Quatre semaines après le premier débat annuel sur l'immigration à l'Assemblée et au Sénat, le gouvernement a entériné plusieurs pistes (législatives ou réglementaires) pour atteindre un "équilibre", oscillant entre "très grande fermeté" et "très grande ouverture", dixit le vice-président des députés LREM Florent Boudié.
Comme attendu, et malgré les protestations des associations, l'exécutif a acté l'instauration pour les demandeurs d'asile d'un délai de carence de trois mois pour accéder à la Protection universelle maladie (PUMa), la Sécu de base. Jusque-là, ils y avaient droit dès le dépôt de leur demande. La ministre de la Santé Agnès Buzyn s'est récemment élevée contre un "dévoiement" de la PUMa par des demandeurs d'asile venant de Géorgie et d'Albanie "qui sont a priori des pays sûrs".
Dispositif réservé aux sans-papiers, et régulièrement au coeur de controverses pour son caractère supposément dispendieux, l'Aide médicale d'Etat (AME) qui bénéficie à 318.000 personnes n'est pas directement touchée. Mais désormais, certains actes non-urgents pourront faire l'objet d'un accord préalable de la Sécurité sociale. Ces retouches à la PUMa et l'AME figureront dans les amendements du gouvernement examinés jeudi à l'Assemblée dans le cadre du budget santé.
Un rapport sur l'AME commandé à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) et qui a guidé les orientations du gouvernement doit aussi être rendu public mardi. Le Premier ministre a d'ores et déjà insisté sur "la nécessité de lutter contre les fraudes et les abus", selon une participante à la réunion de lundi soir. M. Philippe rejoint Emmanuel Macron qui a appelé dans sa récente interview à Valeurs actuelles à "régler vite" la question "des gens qui viennent avec un visa touristique, qui restent trois mois et ensuite se mettent à l'AME".
Davantage de contrôles devront aussi être exercés sur les bénéficiaires de l'Aide aux demandeurs d'asile (ADA) qui toucheraient, selon le gouvernement, indûment en même temps le Revenu de solidarité active (RSA).
"Crédits supplémentaires"
Parmi les décisions dites "d'ouverture", le gouvernement avait dit souhaiter trouver un dispositif permettant de "s'ajuster en temps réel aux besoins de nos entreprises", ce qui faciliterait l'immigration économique légale. Dans cette perspective, le détail des filières en tension, datant de 2011, va être actualisé.
"Il va y avoir jusqu'en avril un gros travail pour revoir la liste des métiers à autorisation de travail. Cela donnera des listes plus proches des territoires" et des objectifs fixés annuellement, a indiqué le député LREM Raphaël Gauvain. Autre point crucial, la réduction des délais d'instruction des dossiers pour les demandeurs d'asile. La loi votée en 2018 n'a pour l'heure pas produit les effets escomptés, avec un délai moyen de 12 mois au lieu des six mois espérés, dans un contexte de "forte augmentation des demandes", selon Matignon. Dans ce cadre, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) devraient se voir attribuer des "crédits supplémentaires", selon une députée.
Enfin, Edouard Philippe a confirmé la volonté de redéployer l'Aide publique au développement, dont l'effort doit être porté à 0,55% du PIB en 2022. Selon Matignon, cette aide doit "se concentrer sur les zones à enjeux, sur des priorités thématiques bien définies (santé, égalité hommes/femmes...) pour que cela soit un vrai levier de la politique migratoire".