France : quelle autonomie pour la Corse ?

Agression d'Yvan Colonna en prison, émeutes urbaines en marge de manifestations organisées en soutien au détenu et revendications indépendantistes : l'île de Beauté s'embrase depuis plusieurs jours. Le gouvernement appelle au calme et se dit ouvert à l'autonomie du territoire.
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Manifestation organisée par les indépendantistes corses en marge d'une visite d'Emmanuel Macron à Ajaccio. 3 février 2018.
Manifestation organisée par les indépendantistes corses en marge d'une visite d'Emmanuel Macron à Ajaccio. 3 février 2018. 
Raphael Poletti / ASSOCIATED PRESS
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Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est arrivé ce mercredi en Corse avec l'objectif de ramener le calme sur l'île. Suite à l'agression du détenu indépendantiste Yvan Colonna dans la prison d'Arles, des manifestations en série ont secouées l'île de beauté.  

Arrivé en Corse, Gérald Darmanin offre d'emblée la perspective d'une "autonomie" de l'île. "Nous sommes prêts à aller jusqu'à l'autonomie. Voilà, le mot est dit", a annoncé le ministre dans un entretien au journal Corse-Matin. 

Autonomie : vers un statut "à la polynésienne" ? 

Quelle forme prendrait cette autonomie? "Il faut que nous en discutions (...) Voir quel calendrier on peut mettre en place", a-t-il ajouté. Dans un entretien au quotidien Corse-Matin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a évoqué le statut de la Polynésie française comme une possibilité pour la Corse.

Ce n'est pas encore une victoire, ni pour moi ni pour le peuple corseGilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse

"Nous avons entendu des élus de la collectivité évoquer un “statut à la polynésienne”. Ce qui est déjà dans le cadre constitutionnel. On pourrait tout à fait imaginer que la collectivité de Corse rejoigne désormais un autre type de compétences très élargies", a-t-il avancé. Le statut de la Polynésie française est fixé par la loi du 27 février 2004, qui définit une organisation proche d'un parlementarisme d'assemblée. La Polynésie française est entièrement compétente en matière économique et sociale, d'enseignement scolaire, de santé, d'équipement et d'environnement.

Ce n'est "pas encore une victoire ni pour moi ni pour le peuple corse", a réagi M. Simeoni sur franceinfo. Mais il a estimé "important" que "le ministre de l'Intérieur, au nom du Premier ministre, et probablement du président de la République, dise aujourd'hui publiquement que le gouvernement et l'État sont prêts à rentrer dans une discussion historique".

Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse durant une visite officielle du président de la République Emmanuel Macron. Ajaccio, 6 février 2018
Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse durant une visite officielle du président de la République Emmanuel Macron. Ajaccio, 6 février 2018
Ludovic Marin / ASSOCIATED PRESS

La Corse, région la plus pauvre de France hexagonale

L’agression de Yvan Colonna a permis aux revendications nationalistes de revenir sur le devant de la scène médiatique nationale.  La région la plus pauvre de France métropolitaine est en effet fortement imprégnée de revendications nationalistes. Les nationalistes corses, divisés entre autonomistes et indépendantistes, sont au pouvoir dans l'île depuis 2015.

Ils demandent un "statut d'autonomie de plein droit et de plein exercice", construit autour de quatre priorités: le pouvoir législatif et fiscal, la co-officialité de la langue corse au côté du français, l'achat de biens immobiliers réservé aux seuls résidents et l'amnistie de ceux qu'ils considèrent comme des "prisonniers politiques", parmi lesquels Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac en 1998.

Plaque commémorative en hommage au préfet Claude Erignac assassiné en Corse le 6 février 1998. Corse, 6 février 2018.
Plaque commémorative en hommage au préfet Claude Erignac assassiné en Corse le 6 février 1998. Corse, 6 février 2018.
Ludovic Marin / ASSOCIATED PRESS

Un statut à part et une autonomie partielle depuis 1991 

La Corse a un statut différent de celui des autres régions, qui lui confère depuis 1991 une autonomie plus large dans certains domaines (éducation, culture, logement et foncier, développement économique, environnement, transport, gestion des infrastructures...).

Le 1er janvier 2018, la Collectivité territoriale unique de Corse (CTU) a remplacé en les fusionnant les deux conseils départementaux corses et la Collectivité territoriale de Corse (CTC), une première en France métropolitaine. L'Assemblée de Corse comprend 63 membres élus pour six ans au suffrage universel, qui élisent un exécutif.

Déjà objet de trois lois, en 1982, 1991 et 2002, le statut de la Corse revient régulièrement dans les débats. Il a été de nouveau à l'ordre du jour au début du quinquennat d'Emmanuel Macron, dans un projet de révision constitutionnelle qui devait inscrire dans la loi fondamentale le statut spécifique de la Corse. Mais la réforme n'a pas abouti.

De l'agression d'Yvan Colonna à une proposition d'autonomie de la Corse 

- 2 mars :  Yvan Colonna, 61 ans, est passé à tabac par un détenu dans l’enceinte de la prison d’Arles. Grièvement blessé, il est pris en charge dans un centre hospitalier marseillais et son pronostic vital est engagé.

- nuit du 2 au 3 mars : premières manifestations en soutien à Yvan Colonna. 

- 8 mars : le Premier ministre Jean Castex Castex lève le statut de "détenu particulièrement signalé" d'Yvan Colonna. Ce statut empêchait son rapprochement vers une prison corse.

- 10 mars : Plusieurs centaines de lycéens manifestent près de la préfecture d'Ajaccio, au lendemain d'une nuit "d'émeutes". Le palais de justice est  pris pour cible et plusieurs personnes blessées. 

- 11 mars : Jean Castex lève le statut de "détenu particulièrement signalé" de Ferrandi et Alessandri, "dans un esprit d'apaisement" après l'agression d'Yvan Colonna qui a suscité une série de manifestations en Corse, a annoncé Matignon

- 13 mars : Onze jours après l'agression en prison d'Yvan Colonna, une grande manifestation s'est tenue à Bastia. Mot d'ordre : "vérité et justice" pour le militant indépendantiste, toujours entre la vie et la mort.

- 14 mars : Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin annonce qu'il se rendra en Corse pour "ouvrir" un "cycle de discussions" avec "l'ensemble des élus et des forces vives de l'île".

- 15 mars : Les nationalistes corses maintiennent la pression à la veille de la visite sur l'île du ministre de l'Intérieur.

- 16 mars : Gérald Darminin arrive en Corse pour rencontrer les élus locaux. Lors d'un entretien à la presse locale,  il s'est dit "prêt à aller jusqu'à l'autonomie" de la Corse, pour tenter de calmer les tensions sur l'île méditerranéenne, provoquant une polémique en pleine campagne pour l'élection présidentielle.