Fil d'Ariane
Deux adolescents de 13 ans ont été mis en examen et placés en détention ce 19 juin après le viol d'une jeune fille de 12 ans à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Elle affirme avoir été traitée de "sale juive" par ses agresseurs. Un viol et une agression antisémite qui percutent de plein fouet la campagne des législatives.
Manifestation du collectif "Nous vivrons" à l'entrée de la conférence de presse tenue par les dirigeants du Nouveau Front Populaire le 14 juin 2024.
Une affaire de viol en réunion à Courbevoie sur une adolescente de 12 ans entre avec fracas dans la campagne des législatives.
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Deux adolescents de 13 ans ont été mis en examen le 18 juin dans la soirée pour viol en réunion, menaces de mort, injures et violences à caractère antisémite. Un troisième suspect de 12 ans a été placé sous le statut de témoin assisté pour viol et mis en examen pour les autres infractions visées par l'enquête, selon le parquet de Nanterre.
Les faits ont été dénoncés par l'adolescente dans la soirée 15 juin. Selon une source policière, la mineure a indiqué avoir été abordée par trois adolescents et entraînée dans un hangar alors qu'elle se trouvait dans un parc proche de son domicile avec un ami. Les suspects l'ont frappée et "lui ont imposé des pénétrations anales et vaginales, une fellation, tout en lui proférant des menaces de mort et des propos antisémites", a précisé cette source.
La jeune victime a déclaré aux enquêteurs que l'un des adolescents mis en cause lui avait "posé des questions concernant sa religion juive", lui demandant pourquoi elle n'en parlait pas et lui posant des questions sur Israël, détaille une source policière. Il l'a aussi traitée de "sale juive".
Face à l'émoi suscité par cette affaire, le président de la République Emmanuel Macron a demandé ce 19 juin, au cours du Conseil des ministres, qu'"un temps d'échanges" soit organisé dans les prochains jours dans les écoles sur le racisme et l'antisémitisme.
Les deux adolescents de 13 ans ont été placés sous mandat de dépôt. Un troisième suspect de 12 ans a été placé sous le statut de témoin assisté pour viol et mis en examen pour les autres infractions visées par l'enquête et fait l'objet d'une mesure éducative provisoire, selon le parquet de Nanterre.
Selon les premières déclarations de la victime, l'un des agresseurs a filmé la scène, qui s'est déroulée dans un local désaffecté. Un autre adolescent l'a menacée de mort si elle rapportait les faits à la police.
"Sordide", "abject" : en pleine campagne électorale, cette affaire suscite de nombreuses réactions de part et d'autre de l'échiquier politique.
Le leader de La France insoumise dénonce un acte motivé notamment par un "racisme antisémite". "Horrifié par ce viol à Courbevoie et tout ce qu'il met en lumière concernant le conditionnement des comportements masculins criminels dès le jeune âge, et du racisme antisémite", déclare, sur le réseau social X, Jean-Luc Mélenchon, régulièrement accusé par des opposants politiques de propos ambigus sur l'antisémitisme.
La cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, rebondi sur cette affaire pour appeler à ne pas voter pour les partis de gauche aux législatives anticipées.
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"L'agression antisémite et le viol d'une enfant de 12 ans (...) nous révulsent", déclare la responsable du parti d'extrême droite critiquant dans la foulée "la stigmatisation des juifs depuis des mois par l'extrême gauche à travers l'instrumentalisation du conflit israélo-palestinien". "Chacun devra en avoir pleinement conscience les 30 juin et 7 juillet", conclu Marine Le Pen.
Du côté du camp présidentiel, Sylvain Maillard, ex-président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, a confié son "horreur devant ce viol antisémite". "L'antisémitisme doit être combattu dès le plus jeune âge et puni sévèrement", a-t-il intimé.
"Viol, antisémitisme : tout est abominable dans ce crime", a également réagi la ministre de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet.
À gauche, les condamnations sont venues de tous les principaux partis.
Le député sortant insoumis de la Somme, François Ruffin, a dénoncé un "horrible viol antisémite" qui "doit nous percuter au plus profond, sur ce qu'il révèle".
"L'antisémitisme, les violences faites aux femmes, sont des plaies béantes de notre société. Nous devons regarder cette réalité en face et agir résolument", a également réagi la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier, quand son homologue du PCF Fabien Roussel a dénoncé "un crime atroce qui nous rappelle une fois de plus que l'antisémitisme gangrène notre société et grandit dangereusement".
La veille, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, avait fustigé le "fléau" de "la haine antisémite", appelant à la combattre "sans faiblesse et sans répit".
Lors des discussions pour la création du Nouveau Front populaire, les partenaires de LFI dans cette alliance de gauche pour les législatives ont beaucoup insisté sur l'importance de la lutte contre l'antisémitisme.
Mais Jean-Luc Mélenchon a déclaré le 2 juin que "l'antisémitisme reste résiduel en France", des propos qui ont suscité de vives critiques, y compris à gauche.
La déclaration a indigné la communauté juive, alors que les actes antisémites flambent (+300% au premier trimestre) depuis l'attaque du 7 octobre. Le Crif a été très clair: "que le PS puisse encore envisager une alliance avec LFI est une honte absolue", affirme son président Yonathan Arfi, selon qui la France insoumise a "fait de la haine des juifs son fonds de commerce électoral".
"On considère qu'évidemment, il y a un gros problème d'antisémitisme à LFI", ce qui "décrédibilise toute la gauche dans sa bataille contre l'extrême droite", explique Lorenzo Leschi, porte-parole du collectif de gauche Golem.
Cette accusation d'antisémitisme est vivement contestée à LFI.
Se revendiquant "A-partisan" et tenant des valeurs républicaines, le collectif Nous Vivrons, visé par une plainte de députés LFI, estime lui que "la lutte contre le RN ne justifie aucune alliance avec des antisémites".
"Ce qui nous horrifie le plus, c'est la chute du Parti socialiste", assure à l'AFP sa porte-parole Sarah Aizenman. Et la posture du collectif pour les législatives est claire : "au premier tour ni RN, ni Front populaire" et "au second ni RN, ni LFI".
Beaucoup se projettent surtout dans l'après-législatives, en espérant une clarification.
"On n'a pas le choix, on vote pour n'importe quel candidat contre le RN", affirme à l'AFP Brigitte Stora, autrice de "L'antisémitisme, un meurtre intime". Mais ensuite "il faut mettre Mélenchon hors-jeu, lui et ses petits capitaines", ajoute-t-elle.