«
Democratol élimine durablement l'impuissance politique. Convient à tous types de convictions. » Inutile de chercher ce médicament en pharmacie, vous le trouverez en libre-accès sur internet. Précisons d'emblée qu'il est tout à fait légal et exempt de contrefaçon.
Democratol est en fait un drôle de tract politique. Son but : inciter le tout-un-chacun (français) à s'investir dans une
« primaire ouverte » à l'élection présidentielle de 2017, comme candidat ou simple votant. Concrètement, cela passe pour l'instant par
une courte inscription sur internet (
https://laprimaire.org/) : prénom, nom, adresse courriel et code postal suffisent à participer.
Dès la fin février 2016, une application mobile devrait doubler le site et permettre aux personnes inscrites de communiquer entre elles. Ce sera l'occasion pour les futurs candidates et candidats de se faire connaître, de chercher des soutiens auprès du public ou d'échanger entre eux. Si au terme du processus de candidature ils apparaissent trop nombreux,
ils seront présélectionnés par les participants (
https://laprimaire.org/deroulement/) avant la tenue du vote à proprement parler.
Contrer la « frustration électorale »
À l'origine de cette plateforme, deux complices. Thibauld Favre est programmeur et a «
toujours aimé la politique ». Fin 2014, sa
start-up installée aux États-Unis doit mettre la clé sous la porte. Avec un ami avocat installé à Paris, David Guez, il peaufine alors un projet né quelques mois plus tôt : la Primaire.
Pour ce faire, ils s'appuient sur les chiffres du
Baromètre de la confiance politique (
http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/rapports/) publié régulièrement par le centre de recherche politique Cevipof. La dernière vague de résultats indique par exemple que 76 % des personnes interrogées estiment le personnel politique français «
plutôt corrompu », et 88 % que les élus ne se préoccupent pas, ou peu, de ce que qu'ils pensent.
Ils souhaitent prendre le mal à la racine pour contrer cette «
frustration électorale » des Français. «
Quand vous votez c'est, si vous le faites encore, peu par conviction. Mais soit par dépit, soit par devoir. C'est frustrant. Pourtant, l'offre est large ! appuie Thibauld Favre.
Le point commun de tous les candidats ? Ils appartiennent à un parti politique. » Pour lui, la Primaire doit permettre de «
changer la manière de faire de la politique, en utilisant les règles actuelles et sans révolution ».
Un outil pour permettre l'émergence d'un(e) candidat(e)
Pourquoi ne pas plutôt lancer un nouveau mouvement pour défendre des idées qui leur seraient propres ? «
C'est ce que font 99 % des gens, et cela ne fonctionne pas », estime Thibauld Favre. Selon lui, les partis sont très forts au jeu du «
mieux diviser pour mieux régner ». C'est pour cela qu'avec son ami David Guez, il entend changer de méthode : «
Il s'agit de cliver la présidentielle. Soit on vote pour le système des partis, soit on vote pour la légitimité citoyenne ».
Bien qu'il s'agisse de «
ré-impliquer les citoyens dans la vie politique », la Primaire ne se définit pas pour autant comme une «
primaire citoyenne », commente Thibauld Favre. Un(e) candidat(e) d'un petit parti reste le bienvenu. «
En revanche, François, Nicolas et Marine ont peu de chance d'être adoptés par les participants », décrit-il avec un sourire en coin.
En fait, la Primaire se veut un outil pour permettre à un(e) candidat(e) d'émerger grâce au vote de personnes de tous bords sur internet. Une fois choisi, celui-ci devra créer sa structure - donc son parti - pour mener campagne lui-même. Si les deux fondateurs du concept reconnaissent qu'il sera forcément coloré politiquement, ils insistent sur le fait qu'une fois qu'il sera choisi et lancé sur les rails de la campagne, la Primaire ne fera plus rien pour lui.
Un minimum de 100 000 inscrits est nécessaire
Pour en arriver là, Thibauld Favre et David Guez attendent au minimum 100 000 inscrits sur le site. Sans cela, ils estiment que le résultat pourrait être manipulé. Mais en réalité, ils souhaitent l'arrivée de 500 000 inscrits soit, disent-ils, davantage que ceux de tous les partis de France réunis. Ils estiment
leur nombre à 365 000 (
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/09/22/des-republicains-au-ps-la-desertion-des-militants_4766932_4355770.html).
En ce début février 2016, environ 14 000 personnes sont enregistrées sur le site. Un chiffre optimiste pour les deux fondateurs. «
On s’était dit qu’on souhaitait 10 000 inscrits pour la fin janvier. On en était en fait à 13 000. Le chiffre de 100 000 est donc à portée de main en juin. » Pour y parvenir, ils se sont astreints à un tour de France entre décembre 2015 et février 2016. Ils viennent tout juste de l'achever à Strasbourg. À l'heure actuelle, de 400 à 500 participants auraient l'intention d'être candidats.
Une fois choisi
via la Primaire, le ou la candidat(e) se verra-t-il conforté le jour de l'élection présidentielle ? Pas sûr. «
Celui qui sort ne correspondra pas au vœu de 100 % des inscrits. C’est déjà une première déperdition, acquiesce David Guez.
Ensuite, il n'est pas certain que ceux qui le feront sortir confirmeront leur vote dans les urnes. » L'adhésion à la Primaire qu'ils perçoivent leur laisse bon espoir.
Ne pas se limiter à la présidentielle
« Nous, personne ne nous connaît, nous ne venons de nulle part ! » répètent à l'envi Thibauld Favre et David Guez. Il est assez probable qu'il en soit de même pour le ou la candidat(e) qui sortira de leur Primaire.
Une fois choisi, ce dernier suivra sa route, direction l'élection présidentielle de 2017. De son côté, après lui avoir fourni quelques cadeaux (de quoi monter sa structure de financement, des promesses de parrainages d'élus et une campagne de récolte de dons en ligne), la Primaire le laissera s'occuper seul de son sort présidentiel et vaquera à d'autres occupations.
Au premier chef : l'organisation de nouvelles primaires, cette fois-ci locales, pour faire émerger des candidats aux élections législatives de juin 2017. Puis, pourquoi pas, développer le concept dans les pays voisins en vue des élections européennes de 2019...
Sur la même thématique, "faut-il une primaire des gauches?" en France, retrouvez le Grand Angle du 64' du dimanche 7 février 2016, avec en plateau Caroline De Haas, activiste féministe française et ex-militante socialiste et Elliot Lepers, activiste numérique et ex-militant Ecologie-Les Verts.