France : vers un bracelet antirapprochement contre les violences conjugales

Alors que plus de 210.000 femmes sont, chaque année, victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur compagnon, le Parlement s'apprête à adopter définitivement mercredi le bracelet antirapprochement pour éloigner les conjoints et ex-conjoints violents.
 
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bracelet femme
Une affiche indique "Féminicide, moins de discours, plus d'argent" à Paris, mercredi 6 novembre 2019.
(Photo AP / François Mori)
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Le Sénat doit donner l'ultime feu vert à la proposition de loi du député LR Aurélien Pradié, après l'Assemblée nationale qui l'a déjà votée la semaine dernière à la quasi-unanimité. 92 des 95 députés présents dans l'hémicycle avaient voté pour, sauf les trois Insoumis qui ont préféré s'abstenir en jugeant le texte pas à la hauteur de ces violences "systémiques", a expliqué Clémentine Autain.

La mesure phare du texte est la mise en place du bracelet antirapprochement, défendu par Aurélien Pradié comme "une solide avancée" qui "sauvera des vies".
Ce bracelet existe notamment en Espagne où les féminicides ont baissé de manière significative. Il permet de géolocaliser et maintenir à distance les conjoints ou ex-conjoints violents par le déclenchement d'un signal.

Sous réserve du consentement du conjoint violent, il pourra être mis en place "à titre de peine ou avant tout jugement pénal dans le cadre d'un contrôle judiciaire, ou en dehors de toute plainte, dans le cadre civil d'une ordonnance de protection", a expliqué la garde des Sceaux Nicole Belloubet à l'Assemblée.

Le lancement des 1.000 premiers bracelets est chiffré entre 5 et 6 millions d'euros.
"Le financement a été anticipé, nous avons provisionné six millions d'euros. (...) C'est un coût estimatif car le marché n'a pas encore été passé", a indiqué Mme Belloubet, alors qu'Aurélien Pradié avait jugé "injustifiable" l'absence de garanties financières.
                  
- "Un pas majeur" -                  
                  
Le texte veut aussi rendre plus efficaces les ordonnances de protection, donner un nouveau souffle au téléphone "grave danger" et faciliter le relogement des victimes de violences conjugales.
Députés et sénateurs l'ont complété en ajoutant la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale en cas de crime ou de poursuites pour crime d'un parent sur son conjoint.

Le texte exclut encore de la succession d'une personne décédée, ou du bénéfice d'une pension de réversion, le conjoint qui a été condamné pour avoir commis des violences envers cette personne.
Pour le président de la commission des Lois du Sénat, Philippe Bas (LR), ce texte "constitue un pas majeur dans le renforcement de la lutte contre les violences au sein de la famille".

En défendant ce texte dès octobre, LR aura réussi un coup politique et pris de vitesse la majorité, mobilisée sur le Grenelle des violences conjugales, achevé le 25 novembre.
Mais le sujet n'est pas épuisé.
Les députés LREM ont déposé fin novembre leur propre proposition de loi pour "aller plus loin encore" et "reprendre les propositions du Grenelle".

Ce nouveau texte "vise à mieux reconnaître les violences conjugales sous leurs différentes formes qu'elles soient physiques et psychologiques, notamment en reconnaissant l'emprise".
Il s'agira notamment, pour les auteurs de harcèlement au sein du couple, de porter les peines à dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende lorsque le harcèlement aura conduit au suicide.

Les peines encourues pour les atteintes à la vie privée - dont la géolocalisation - seraient aggravées lorsqu'elles sont commises au sein du couple.
Pour permettre aux professionnels de santé de signaler plus facilement les "cas d'urgence absolue", les règles régissant le secret médical devraient être aménagées.
Des dispositions avaient en outre été annoncées dès septembre, dont la création de 1.000 nouvelles places d'hébergement et de logement d'urgence pour les femmes victimes ou la généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital.

Un éventail de mesures qui laisse cependant encore sur leur faim les associations.
Le nombre de féminicides en France cette année a dépassé celui enregistré en 2018 par le gouvernement avec 122 cas confirmés, selon un décompte de l'AFP, après le meurtre d'une femme à Saint-Laurent-du Maroni (Guyane).