François Hollande : "la France va mieux"

Fragilisé par plusieurs échecs et de sombres sondages, François Hollande répondait ce jeudi soir sur France 2 aux questions de journalistes et de quatre Français choisis par la chaîne. Le chef de l'Etat est revenu sur l'islamisme, le rôle de la France en Syrie, la réforme du code du travail,  les mouvements de la jeunesse... Il a remis à la "fin de l'année" sa "décision" sur son éventuelle candidature à l'élection présidentielle de mai 2017.
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Aux sondages catastrophiques que lui ont rappelés les journalistes en guise d'introduction à l'émission, François Hollande s'est efforcé de répliquer par un relatif optimisme.

"Oui, ça va mieux", a lancé d'emblée le chef de l'Etat, affirmant qu'il y avait désormais "plus de croissance, moins de déficits, moins d'impôts et plus de compétitivité", sur le plateau de l'émission spéciale "Dialogues citoyens".

François Hollande a tenté de lancer lors de cette émission de 90 minutes une énième et périlleuse opération de reconquête de l'opinion. Assurant suivre depuis quatre ans un "fil conducteur", il a promis de poursuivre "jusqu'au bout" les réformes engagées.

Son ministre de l’Économie Emmanuel Macron avait pourtant déclaré quelques heures plus tôt à Londres que l'exécutif avait décidé d'"arrêter une partie des réformes", sans préciser lesquelles.

Quant aux initiatives politiques de cet électron libre du gouvernement qui a lancé quelques jours plus tôt "En Marche", son mouvement politique à forte teneur libérale, elles ont fait l'objet d'un recadrage en bonne et due forme : "Qu'il veuille s'adresser aux Français, je ne vais pas l'en empêcher" mais "il doit être dans l'équipe, sous mon autorité".

Le président de la République a aussi contredit son Premier ministre Manuel Valls, qui a souhaité récemment l’interdiction du voile à l’université. "Non, il n'y aura pas d'interdiction dans les université", a-t-il tranché, arguant qu'elles étaient "un lieu de liberté".

Souvent sur la défensive, François Hollande a même affirmé à tort que la France était dans la moyenne européenne en matière de chômage des jeunes alors qu'il s'élevait à 25,9% dans l'Hexagone en janvier contre 19,7% dans l'UE, selon l'office européen de statistiques Eurostat.

De nouveau accusé d'indécision après des reculades sur plusieurs réformes, il a cependant assuré qu'il ne renoncerait pas à la "loi travail" de Myriam El Khomri, qui "ne sera pas retirée" même s'il peut y avoir des "corrections" au Parlement. Selon lui, "discuter, concerter (...) ce n'est pas céder à la rue".

A l'adresse de la jeunesse, il a jugé "légitime" qu'elle "veuille s'exprimer", évoquant le mouvement citoyen Nuit Debout, lancé au soir du 31 mars sur la place de la République à Paris pour protester contre la loi travail.

- Plaidoyer pro domo mais pas d'annonce -

Après avoir été interrogé par David Pujadas et Léa Salamé, le chef de l'Etat était soumis au feu roulant des questions de quatre Français : Véronique Roy dont le fils converti à l'islam est parti faire le jihad en Syrie où il a été tué, Antoine Demeyer, chauffeur de car, sympathisant du FN, Anne-Laure Constanza, patronne d'enviedefraise.fr, et un étudiant, Marwen Belkaid, militant de Nuit debout.

Le chef de l'Etat s'est livré face à eux à un long plaidoyer pro domo mais s'est abstenu de toute annonce majeure.

Sera-t-il candidat ? Décision "à la fin de l'année" avec le chômage pour juge de paix comme il s'y était engagé.

Interrogé sur la réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité, il s'est ainsi contenté d'indiquer qu'elle se ferait "étape par étape" mais sans préciser comment.

Regrette-t-il l'interminable feuilleton sur la déchéance de nationalité ? "C'était important qu'il y ait cette unité" autour d'une mesure "symbolique" alors que le pays pouvait "éclater" après les attentats du 13 novembre, a-t-il justifié, pointant les "calculs politiciens" qui ont eu selon lui raison de la réforme.

Il a défendu l'action passée et présente de la France en Syrie. "Ce que nous faisons avec la Russie, c'est de chercher une solution politique", mais "sans que Bachar al-Assad soit une solution à la fin".

Loin du président "normal" des débuts du quinquennat, François Hollande a bénéficié d'une tribune extraordinaire sur la chaîne publique: 90 minutes d'émission, commencée à un horaire inhabituel, 20H15, et en direct depuis le Musée de l'Homme.

Le jour-même, un sondage Elabe pour BFMTV révélait que près de neuf Français sur 10 (87%) jugeaient négativement son bilan.

"Je n'ai pas de doute sur le cap que j'ai choisi", a-t-il opposé, "être président, c'est vivre tout le temps avec la tragédie (...) j'ai tenu bon dans toutes les difficultés".

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Verbatim

Voici les principales déclarations de François Hollande jeudi soir lors de l'émission "Dialogues Citoyens" sur France 2 :

SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE

- "Ca va mieux, il y a plus de croissance, il y a moins de déficits, il y a moins d'impôts, il y a plus de compétitivité c'est-à-dire de capacités pour produire, il y a plus de marges pour les entreprises, il y a aussi plus de pouvoir d'achat pour les salariés". Ça va bien en France ? "Ça va mieux, c'est pas pareil".

- "Je poursuivrai jusqu'au bout. Nous avons trois grandes réformes à mener", sur le code du travail, l'égalité et la citoyenneté, et enfin la transparence, la lutte contre la fraude fiscale.

- "Quel a été le fil conducteur, qu'est-ce que j'ai fait depuis quatre ans, quel a été mon cap ? Ça a été de moderniser le pays tout en protégeant son modèle social"

- La France "peut toujours dire non" dans les négociations UE - Etats-Unis pour conclure un traité de libre-échange transatlantique (Tafta). "La France, elle a fixé ses conditions, la France elle a dit s'il n'y a pas de réciprocité, s'il n'y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si on n'a pas accès aux marchés publics et si en revanche les États-Unis peuvent avoir accès à tout ce que l'on fait ici, je ne l'accepterai pas".

SUR LE MOUVEMENT "NUIT DEBOUT" ET SUR LA JEUNESSE

- "Je trouve légitime que la jeunesse, aujourd'hui par rapport au monde tel qu'il est, même par rapport à la politique telle qu'elle est, veuille s'exprimer, veuille dire son mot".

- "Je ne renie rien de ce que j'ai dit au Bourget". "Je serai jugé sur la place accordée à la jeunesse, sur les moyens que je lui aurai donnés" a répondu le chef de l’État, en référence à son discours de janvier 2012, au cours duquel il avait également déclaré que son "principal ennemi" était "la finance".

SUR LA LOI TRAVAIL

- Elle "ne sera pas retirée, mais qu'il y ait des corrections, qu'il y ait des discussions avec les organisations syndicales - en tout cas celles qui maintenant comprennent le sens et même appuient cette réforme -, oui"

SUR LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE

- François Hollande a confirmé l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici 2025, "étape par étape", alors que le gouvernement doit publier sa feuille de route sur le nucléaire d'ici le 1er juillet.

"D'ores et déjà - j'avais fait cette promesse- nous allons fermer Fessenheim" et "c'est à partir de 2019, et ce sera à EDF, après l'Autorité de sûreté nucléaire, de nous dire quelles sont les centrales qui devront être fermées".

SUR LA SÉCURITÉ ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

- "Nous avons expulsé à peu près 80 prêcheurs de haine". 170 jeunes Français partis en Syrie et en Irak sont morts, selon lui. "Il y a aujourd'hui, à peu près 2.000 jeunes ou moins jeunes qui, à un moment, peuvent basculer".

- M. Hollande a justifié son souhait, finalement abandonné, d'élargir la déchéance de nationalité par le "besoin d'une réponse symbolique forte". "Quand je me suis exprimé devant le Congrès à Versailles pour dire que ceux qui, Français, avaient tué d'autres Français parce qu'ils étaient Français, ne méritaient pas la nationalité française, tout le monde s'est levé (...). Si le texte avait été soumis au parlement dans les semaines qui avaient suivi ce discours, ce texte aurait été adopté. Après, les calculs politiques s'en sont mêlés".

- M. Hollande a affirmé que l’État transmettrait à leurs familles les certificats de décès des jeunes jihadistes morts en Syrie ou en Irak.

SUR LE VOILE

- En réponse à Manuel Valls, qui estimait que cette question était "posée", M. Hollande a répondu : "Il n'y aura pas d'interdiction à l'université (...) Aucune règle constitutionnelle d'ailleurs ne le permettrait."

Le chef de l’État a par ailleurs "regretté" de ne pas avoir voté la loi sur la burqa de 2010.

SUR LA SYRIE

- "Ce que nous faisons avec la Russie, c'est de chercher une solution politique", mais "sans que Bachar al-Assad soit une solution à la fin".

SUR LE VOTE FN

- "Il faut faire attention à ne pas prendre un médecin qui peut tuer le malade, ou en tout cas à un moment lui faire perdre conscience"

SUR SA CANDIDATURE EN 2017

- Quand prendra-t-il sa décision ? "A la fin de l'année".


SUR EMMANUEL MACRON

- "Il est (...) un promoteur de l'innovation technologique, c'est sa tâche. Ensuite, qu'il veuille s'adresser aux Français, aller chercher des idées nouvelles, aller les convaincre, je ne vais pas l'en empêcher (...) Il doit être dans l'équipe, sous mon autorité".