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Francophonie : décoloniser la langue française

Au fil des siècles, le français a été imposé à différents peuples et pays. Aujourd'hui, comment s'en saisir pour exprimer des réalités ancrées hors de l'Hexagone ? Autrice d'un article sur le sujet dans la Revue du Crieur, Françoise Vergès, politologue, historienne et féministe, est notre invitée. 

Au cours de l’histoire du pays, le français a pris des accents de domination, voire d’oppression. Imposé dans l’Hexagone aux dépens des langues régionales, il est par la suite devenu la langue de l’empire colonial, longtemps empreint de gouvernementalité française en Afrique, en Asie ou dans les Caraïbes. C’était la langue de l’administration, de l’élite et de l’éducation, imposée en l’absence d'alternative locale. Le français porte en lui cette histoire.

Cessez de penser pour nous !
Françoise Vergès

Aujourd’hui, il ne s’agit pas de modifier le lexique du français, mais déceler, dans son vocabulaire, les échos de ce passé colonial. Il ne s’agit pas de rejeter la langue, mais de s'en saisir pour exprimer des réalités et des récits qui ne sont pas ancrés dans l’Hexagone, comme l'ont fait Aimé Césaire et bien d'autres écrivains. Françoise Vergès parle de dénationalisation, de politisation de la langue : les droits des femmes, les idées de liberté, par exemple, s'expriment aussi en créole. Il faut laisser émerger les langues locales.

"Le français s’est émancipé de la France, il est devenu cette langue monde," déclarait en mars 2018 le président Macron, avant de proposer ses 30 mesures pour "dépoussiérer" le français. Une affirmation faisant écho aux propos de Françoise Vergès qui, pourtant, reste prudente : "Quid des mesures concrètes, alors que les instituts français voient leur budget réduits, l'accès aux lycées français se restreindre et qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir un visa pour un étudiant malien ou algérien ?"

crieur
Décoloniser la langue française - un article signé Françoise Vergès, politologue à la Maison des sciences de l’homme, à Paris, et ancienne présidente du Comité pour la mémoire de l’esclavage. Il  a été publié début juillet 2018 dans la Revue du Crieur (Mediapart - La Découverte).