Francophonie : et Michaëlle succéda à Abdou...

Émotion palpable ce matin au siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie. Ce 5 janvier 2015, Michaëlle Jean, nouvelle Secrétaire Générale, a pris officiellement ses fonctions au siège de l'OIF, avenue Bosquet à Paris.
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Francophonie : et Michaëlle succéda à Abdou...
Née à Port-au-Prince, Michaëlle Jean a été journaliste pendant plus de 18 ans à la télévision publique Radio Canada et fut, entre 2005 et 2010, Gouverneure générale du Canada.
Cyril Bailleul (OIF)
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Un moment unique

Pour accueillir Michaëlle Jean, Abdou Diouf, le Secrétaire général sortant avait prévu les drapeaux et soigné, comme il se doit, le protocole. Avait-il envisagé les larmes de ses collaborateurs ? Peut-être. Elles furent nombreuses. Tous ceux qui étaient présents avaient la certitude de vivre un moment unique. De fait, il l'était. Les yeux humides de Michaëlle Jean, une dernière étreinte avec Clément Duhaime, l'administrateur de l'Organisation, puis Abdou Diouf, silencieux et bouleversé, est monté dans la voiture. Elle s'est éloignée doucement, laissant sur le trottoir  des collaborateurs un peu sonnés, ces mêmes collaborateurs qui chantaient quelques minutes auparavant "Au revoir, Monsieur le Président..."

Oui, une page se tourne au sein de l'Organisation Internationale de la Francophonie.  Abdou Diouf passe la main après trois mandats de quatre ans. Certes, il aurait pu en briguer un quatrième sans problème. Le temps n'a pas émoussé sa popularité et, de plus, la charte de l'OIF ne prévoit pas de limitation. Mais à 78 ans, l'ex président sénégalais veut désormais souffler.

Il faudra donc, à présent, compter avec la Canadienne Michaëlle Jean, 57 ans, dont le curriculum vitae, contrairement à quelques uns dans l'espace francophone, ne souffre d'aucune zone d'ombre et, surtout, est exempt de taches de sang. 
Née à Port-au-Prince, journaliste pendant plus de 18 ans à la télévision publique Radio Canada, Michaëlle Jean fut, entre 2005 et 2010, Gouverneure générale du Canada. La dame, jamais avare d'un sourire et que l'on dit d'un commerce plutôt agréable, n'hésite pas à rappeler ses origines haïtiennes et son identité de "petite-petite-petite-fille d'esclaves" à celles et ceux, nombreux, qui n'ont pas toujours pas digéré sa venue au sein de l'OIF.
Ainsi Jean-Claude de l'Estrac. Le candidat mauricien qui s'était porté candidat au poste de secrétaire général de l'Organisation, s'était écrié dès la la nomination de Mme Jean : "C'est un tremblement de terre ! C'est une autre francophonie qui va émerger. On ne peut pas imaginer qu'une organisation dirigée par un Africain ait la même orientation dirigée par une Nord-Américaine." 

La passation de pouvoir à Paris, au siège de l'OIF

05.01.2015
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Créer de l'espoir

Pourtant, si le changement de style semble inévitable dans la gestion de l'OIF, l'Organisation ne devrait pas vraiment quitter la route tracée par Abdou Diouf. 
Lors du sommet de Dakar, fraîchement nommée, Michaëlle Jean affirmait avec force : "Nous devons renforcer davantage notre action en terme de prévention des conflits. C'est à dire, avec toutes nos antennes déployées, entendre mieux les signaux qui nous sont envoyés, y compris par les populations qui voient venir les crises. Savoir les prévenir, créer de l'espoir aussi pour les jeunes, c'est faire ce qu'il faut pour désamorcer aussi ces mouvements de déstabilisation. (…) Quels sont les défis ? Dans une telle perspective, évidemment que nous fassions mieux et toujours plus ensemble. J'ai pu entendre attentivement tout ce que les pays considèrent comme leur force. (…) Il faut mettre en avant nos expertises, nos institutions, nos accomplissements, nos modèles de développement, nos capacités de faire. (...) C'est avec cet enthousiasme que je tiens à avancer comme Secrétaire Générale et en m'appuyant sur l'héritage riche, fort, extraordinaire et que nous lègue le Secrétaire Général, Abdou Diouf. On ne remplace pas Abdou Diouf, on lui succède dans la continuité de son action".
 

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L'OIF compte 57 États et gouvernements. Pour nombre d'observateurs, l'arrivée d'une Canadienne à la tête de la Francophonie est une prime à la bonne gouvernance et au renouveau
Cyril Bailleul (OIF)
Économie et Droits de l'Homme

Cela tombe bien. Les chantiers ne manquent pas.
Au lendemain du XVe sommet de l'OIF, un forum économique recommandait l'instauration d'une "charte économique" visant à dynamiser les échanges dans l'espace francophone mais aussi l'instauration d'un "visa francophone", vieux serpent de mer,  pour les affaires et les études. Le président sénégalais Macky Sall soulignait alors que la Francophonie était une "force économique" dans le monde qui représentait 16 %du PIB mondial, 14 % des réserves mondiales de ressources naturelles.
Enfin, vrai gage de crédibilité sur la scène internationale, l'Organisation devra poursuivre et consolider les progrès réalisés sur la délicate question des Droits de l'Homme. L'OIF dispose aujourd'hui d'une expertise unanimement appréciée en la matière : prévention et gestion des crises, accompagnement électoral, droits des femmes, droits des enfants... L'Organisation -qui le sait ?- aide ses membres à respecter les obligations souscrites lors des grandes conventions internationales. Sont concernés, ce n'est pas rien, 57 États et gouvernements et 23 pays observateurs
Ne pas sacrifier les Droits Humains sur l'autel de l'économie, c'est peut-être cela le nouveau challenge, pardon, le nouveau défi de la nouvelle Secrétaire Générale de l'OIF.