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On connaît la fameuse réponse de Charles Péguy à la question des livres à emporter sur une île déserte: «La grammaire et le catéchisme». Mais si l’on dispose d’un peu plus de place, on y ajoutera utilement le cru 2017 du dictionnaire Larousse, qui sort en librairie le 26 mai prochain et accueille quelque 150 nouveaux mots. «Ils reflètent, selon Le Huffington Post, les nouvelles tendances culinaires et gastronomiques mais aussi les mutations du monde des arts, les avancées des sciences et de la médecine ou encore du monde informatique, les grandes évolutions sociétales, le monde de l’économie…» Bref, de quoi réjouir le manager de BlaBlaCar:
Depuis ce matin, je parle vraiment français quand je dis que je "covoiture" #covoiturage #Larousse https://t.co/9rNUho0SG9
— Kévin Deniau (@kdeniau) 11 mai 2016
Presque deux cents ans après la naissance de Pierre Larousse, pas mal de mots ou d’expressions populaires du quotidien ont été adoubés cette année encore par le comité de sélection, comme avoir la patate, relève Europe 1, ou comme arty, fanfiction, flasher ou socialiser. Et d’autres ont également été reconnus en «signe d’adaptation à la société actuelle», comme plusieurs représentants du vocabulaire du numérique: QR Code, déréférencement, troll, défaçage ou défacement (détournement de la présentation d’un site Web piraté). Pour en être convaincu, il suffit de s'essayer au quiz de Ouest-France.
Bonheur d'une langue vivante. #fablab rentre dans le @LAROUSSE_FR. Curieuse, impatiente et inquiète dans lire la définition..Suite le 26 mai
— Emmanuelle Roux (@emmaroux) 12 mai 2016
En phase avec son temps, le linguiste Michel Francard estime dans Le Soir de Bruxelles qu'on se trouve là dans un domaine où «il faut tenir compte des réseaux sociaux». Le fait que «troll» y soit couramment utilisé a joué en sa faveur, par exemple. Il n’est ainsi désormais plus possible «d’ignorer les moyens de communication disponibles sur le Web lors de l’élaboration d’un dictionnaire». C’est «un facteur déterminant pour juger si un mot [y] a sa place ou non». D’ailleurs, «troll» se trouvait déjà dans la précédente édition du Petit Robert: «Les dictionnaires ont pour habitude de se copier entre eux afin de rester à jour.»
D’autres exemples? «Outre le yuzu venu du Japon, on pourra déguster un phô, le fameux bouillon vietnamien, ou un wrap. A moins que l’on préfère lire un mook, cette revue située à mi-chemin entre le magazine et le livre. Ou assister à un spectacle seul-en-scène, francisation opérée à partir du one-man-show anglophone qui a conquis depuis belle lurette les terres de France et de francophonie. Léger sourire face à ce snobisme, donc, qu’on se transmettra avec un émoticône. Le complotiste y verra-t-il un signe de déclinisme face à la perfide et plutôt europhobe Albion? «Je suis «troll»: More English words enter French language», confirme The Local, le média des expats en Suisse.
Il y a aussi les mots venus d’«ailleurs», se réjouit La Croix, c’est-à-dire de cette «francophonie». De Suisse, voici donc le râteau (le radin); du Québec, le très joli dézipper (pour ouvrir une fermeture Eclair; et du Cameroun, la non moins séduisante yoyette, qui désigne une jeune fille à la mode. «Ce florilège est complété par une cinquantaine de personnalités […]: la comédienne Sandrine Kiberlain, le comédien Vincent Lindon, […] le cinéaste Robert Guédiguian, le chorégraphe Benjamin Millepied… et même le footballeur portugais Cristiano Ronaldo.» Plus un seul Suisse, lit-on dans Le Matin: Claude de Ribaupierre, alias Derib, le créateur de Yakari.
Le Journal de Montréal, lui, a bien vu qu'«attendu à Cannes au cours des prochains jours afin d’y présenter son plus récent film», le cinéaste québécois Xavier Dolan vient de recevoir cet «autre honneur français». Pour Carine Girac-Marinier, directrice du département encyclopédies et dictionnaires, «l’ajout d’une personnalité revêt une grande signification. Et pour longtemps»: «On intègre une personne qui a œuvré pour la culture et le savoir, avec l’idée de pérennité», disait-elle au Figaro il y a quatre ans.
En ce qui concerne les noms communs, leur «utilisation doit être fréquente, le mot passé dans le grand public, c’est-à-dire être employé dans des conversations. Il doit aussi être amené à rester pour les 30 ans à venir», détaille la directrice pour Europe 1. Alors, quels sont ceux qui sont rejetés? Certains issus de la médecine, par exemple, grande pourvoyeuse de nouveaux mots. S'ils «sont trop techniques» ou ont fait un flop dans l’usage courant, ils n’ont aucune chance. Mais «ce n’est pas le cas de parodontite, terme désignant une inflammation de la gencive, régulièrement utilisé par les dentistes», qui entre dans l’édition 2017.
Tout compte fait, on est là exactement dans la ligne du «divin Larousse» que portraiture le site Les-dictionnaires. com: il «n’était certes pas un homme comme les autres. C’est d’ailleurs ce qui vaudra à ses ouvrages, dont son premier dictionnaire, une réputation de fraîcheur, de nouveauté et d’anticonformisme qui ralliera bon nombre de personnes. […] Pierre Larousse est un homme libre, bataillant ferme pour la justice, la laïcité, la tolérance, le progrès, le libéralisme. Son encyclopédie sera une mine d’idées nouvelles et sans préjugés. […] Contrairement aux autres dictionnaires en vogue, Larousse a conservé sa politique libérale quant au traitement de son information ainsi que son mandat pédagogique. […] Pierre Larousse a donc su instituer une ambiance du savoir et une vision à long terme que beaucoup d’autres auteurs peuvent lui envier…»
Yuzu, Argouse, Acerola... 150 nouveaux mots entrent dans le #Larousse
— iTELE (@itele) 11 mai 2016
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